Louis Aragon. poète, romancier et journaliste français
À Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves
comme à Guy Môquet et Gilbert Dru
La Rose et le Réséda, mars 1943
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fût de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
A la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
- Honoré d’Estienne d’Orves, comte d'Estienne d'Orves, né le 5 juin 1901 à Verrières-le-Buisson et mort le 29 août 1941 au mont Valérien (Suresnes), est un officier de marine français, héros de la Seconde Guerre mondiale, martyr de la Résistance, mort pour la France.
Le réseau de renseignement de la France libre, qu'il a organisé avec Jan Doornik, Maurice Barlier et d'autres s'appelait Nemrod.
- Gabriel Péri (Toulon, le 9 février 1902 - mont Valérien, 15 décembre 1941, mort pour la France) est un journaliste et homme politique français. Membre du Comité central du Parti communiste français, responsable du service de politique étrangère de L'Humanité et député de Seine-et-Oise, il fut arrêté comme résistant par la police française et fusillé comme otage par les Allemands à la forteresse du Mont-Valérien.
- Gilbert Dru est un résistant français et militant chrétien, né le 2 mars 1920 à Viols-le-Fort (Hérault) et mort le 27 juillet 1944 à Lyon.
Ancien élève du lycée Saint-Marc, responsable de la Jeunesse étudiante chrétienne, Gilbert Dru refuse la défaite face à l'Allemagne nazie et participe au mouvement de résistance spirituelle et organise, avec Maurice-René Simonnet, la Résistance dans les milieux de la jeunesse chrétienne.
Il rédige au cours de l'été 1943 un Projet d'introduction à une action révolutionnaires des jeunes français. Il propose de fonder un Mouvement républicain de libération regroupant la mystique des droits de l'homme et la mystique démocrate et d'inspiration chrétienne. Il obtient l'accord d'André Colin et Maurice-René Simonnet, président et secrétaire général de l'ACJF, puis à Paris, celui de Marc Sangnier, Francisque Gay et Georges Bidault. Ce projet marque de façon profonde l'établissement du futur Mouvement républicain populaire.
Après son arrestation le 17 juillet 1944, il est exécuté par la Gestapo, place Bellecour à Lyon, le 27 juillet 1944, à l'âge de 24 ans, avec quatre autres résistants, dont Albert Chambonnet.
- Guy Môquet, né le 26 avril 1924 à Paris et mort le 22 octobre 1941 à Châteaubriant (Loire-Inférieure1), est un militant communiste, célèbre pour avoir été le plus jeune des quarante-huit otages fusillés, le 22 octobre 1941, à Châteaubriant, Nantes et Paris en représailles après la mort de Karl Hotz.
Son nom, plus particulièrement associé à celui des vingt-sept fusillés du camp de Châteaubriant, est passé dans l'histoire comme un symbole des héros et des martyrs français de l'Occupation allemande durant la Seconde Guerre Mondiale.
