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22 décembre 2021 3 22 /12 /décembre /2021 23:28

 

 

Émile Verhaeren (1855-1916) poète belge flamand, d'expression française.

Poèmes (IIIe série), 

Les vignes de ma muraille

 

 

Décembre


Dites, les gens, les vieilles gens,

Faites flamber foyers et cœurs dans les hameaux,

Dites, les gens, les vieilles gens,

Faites luire de l’or dans vos carreaux

Qui regardent la route,

Car les mages avec leurs blancs manteaux,

Car les bergers avec leurs blancs troupeaux,

Sont là qui débouchent et qui écoutent

Et qui s’avancent sur la route.

 

Voici le prince Charlemagne ;

Et Frédéric dont la barbe bataille

Dans les fables, en Allemagne ;

Et puis voici Louis qui fit Versailles.

 

Voici le triste enfant prodigue

Qui s’en revient, avec pourceaux et chiens,

Des pays lourds de la fatigue ;

Voici les béliers noirs qu’un patriarche,

Aux temps lointains, apprivoisait dans l’arche ;

Voici les pâtres de Chaldée

Qui contemplaient la nuit avec les yeux de leur idée,

Et ceux de Flandre et de Zélande

Qui s’estompent de brume et de légende,

Sous leurs chaumes, au fond des landes.

 

L’étrange et fantômal cortège

Et les traînes des longs manteaux

Et le bruit d’osselets que font les pattes du troupeau

Frôlent et animent la neige.

 

Là-haut, le gel s’étage en promenoirs

Que tachettent des feux, pareils à des acides,

Et d’où les anges clairs et translucides

Semblent surgir et flamboyer en des miroirs.

 

On aperçoit Saint Gabriel qui fut sculpté,

Au village, jadis, dans l’or du tabernacle ;

Saint Raphaël vêtu d’éclairs et de beauté ;

Et Saint Michel dont la bergère ouït l’oracle.

 

Et l’archange dont les ailes indélébiles

Vibrent au vent, dans les minuits du ciel,

Qui tout à coup se lève — et pose comme un scel,

Aux confins du Zénith, une étoile immobile.

 

Alors, là-bas, sur terre, au bout des plaines,

Sous l’étoile, dont plus rien n’est bougeant,

Une étable s’éclaire — et les haleines

D’un bœuf et d’un âne fument dans l’air d’argent.

 

À la clarté qui sort

Mystique et douce de son corps,

Une Vierge répare et dispose des langes,

Et, près du seuil, où sommeille un agneau,

Un charpentier fait un berceau,

Avec des planches.

 

Sans qu’ils voient les nimbes qui les couronnent,

Ils travaillent, tous deux, silencieusement :

 

Et prononcent de temps en temps,

Un nom divin qui les étonne.

Autour des murs et sous le toit,

L’atmosphère s’épand si pure et si fervente

Qu’on sent que des genoux invisibles se ploient

Et que la vie entière est dans l’attente.

 

Oh ! vous, les gens, les vieilles gens,

Qui regardez passer dans vos villages

Les empereurs et les bergers et les rois mages

Et leurs bêtes dont le troupeau les suit,

Allumez d’or vos cœurs et vos fenêtres,

Pour voir enfin, par à travers la nuit,

Ce qui, depuis mille et mille ans,

S’efforce à naître.


 

Émile Verhaeren (1855-1916) - poète belge flamand, d'expression française. - Décembre
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