Auguste Angellier (1848-1911) poète, Critique et historien de la littérature et universitaire français.
Recueil : Le chemin des saisons (1903).
Le printemps
Les bourgeons verts, les bourgeons blancs
Percent déjà le bout des branches,
Et, près des ruisseaux, des étangs
Aux bords parsemés de pervenches,
Teintent les arbustes tremblants ;
Les bourgeons blancs, les bourgeons roses,
Sur les buissons, les espaliers,
Vont se changer en fleurs écloses ;
Et les oiseaux, dans les halliers,
Entre eux déjà parlent de roses ;
Les bourgeons verts, les bourgeons gris,
Reluisant de gomme et de sève
Recouvrent l'écorce qui crève
Le long des rameaux amoindris ;
Les bourgeons blancs, les bourgeons rouges,
Sèment l'éveil universel,
Depuis les cours noires des bouges ;
Jusqu'au pur sommet sur lequel,
Ô neige éclatante, tu bouges ;
Bourgeons laiteux des marronniers,
Bourgeons de bronze des vieux chênes,
Bourgeons mauves des amandiers,
Bourgeons glauques des jeunes frênes,
Bourgeons cramoisis des pommiers,
Bourgeons d'ambre pâle du saule,
Leur frisson se propage et court,
À travers tout, vers le froid pôle,
Et grandissant avec le jour
Qui lentement sort de sa geôle,
Jette sur le bois, le pré,
Le mont, le val, les champs , les sables,
Son immense réseau tout prêt
À s'ouvrir en fleurs innombrables
Sur le monde transfiguré.