Anselme Des Tilleuls (1850-19° siècle) auteur et adaptateur de livres pour la jeunesse
Bernardin-Béchet, éditeur, 1878 (p. 7-8).
Les marrons grillés
Un habitant du Cantal venait chaque hiver s’installer
sous une porte cochère pour y vendre des marrons grillés.
Les petits garçons, en se rendant à l’école,
ne manquaient jamais, quand le froid était vif,
de s’arrêter devant le fourneau de l’Auvergnat
pour s’y chauffer le bout des doigts.
Ce brave homme, bien souvent, donnait un marron tout chaud
à celui des enfants qui lui semblait le plus gentil.
Victor, le fils d’un tailleur, ayant reçu un de ces marrons
et l’ayant trouvé de son goût, plongea la main dans le sac
et s’empara de plusieurs marrons
pendant que le marchand tournait le dos.
Arrivé à la maison, le petit garçon introduisit
ses marrons dans le foyer et les couvrit de cendres chaudes.
Craignant d’être surpris, il activa le feu en le soufflant avec sa bouche.
Tout à coup, les marrons, dont l’écorce n’avait point été fendue,
éclatèrent avec fracas en projetant des cendres brûlantes
dans les yeux du petit garçon.
Le père quitta sa planche et accourut aux cris de son enfant.
Dès qu’il en connut la cause, il s’écria :
— C’est le bon Dieu qui t’a puni, petit misérable !
je ne te plains pas : les voleurs sont indignes de pitié.
Victor faillit perdre la vue et souffrit beaucoup.
Lorsqu’il revint à l’école, ses camarades,
indignés de sa conduite, le chassèrent.
Victor, repentant et corrigé,
alla implorer sa grâce auprès de l’Auvergnat.