8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 20:52

 

 

Ovide (43 av. J.-C.-7 ou 18 ap. J.-C.),  poète latin qui vécut durant la période de la naissance de l'Empire romain. 

 


Les Métamorphoses.

 

Mort d'Orphée - Châtiment des Ménades (11, 1-84)


Orphée, dont les chants captivent toutes les créatures, est pris à partie par les Ménades de Thrace qui, ne lui pardonnant pas son mépris à l'égard des femmes, se déchaînent contre lui. Massacrant d'abord les animaux envoûtés par le chant du poète, elles font arme de tout ce qu'elles trouvent pour lui donner le coup de grâce. (11, 1-43)

 

La nature entière pleure le poète, dont les restes mutilés et la lyre sont emportés par l'Hèbre jusqu'à la mer et finissent par échouer à Lesbos. Apollon métamorphose en rocher un serpent qui s'en prenait à la tête de son poète, tandis que l'ombre d'Orphée se retrouve définitivement réunie avec Eurydice dans les Enfers. (11, 44-66)

 

Bacchus ne laisse pas impuni le meurtre d'Orphée et, pour châtier les Ménades qui avaient participé ou assisté au meurtre, il les métamorphose en arbres enracinés sur place. (11, 67-84)

 

Tandis que le chantre de Thrace avec ce genre de récits


entraîne à sa suite forêts, bêtes sauvages et rochers,


voilà que les femmes des Cicones, en proie au délire,

la poitrine couverte de peaux de bêtes,

aperçoivent du haut d'un tertre

Orphée accompagnant ses chants des accords de sa lyre.

L'une d'elles secoue sa chevelure dans l'air léger :

"Le voilà, le voilà, celui qui nous méprise !", dit-elle

et, visant la bouche harmonieuse du poète d'Apollon,

elle lance son thyrse orné de feuilles,

qui le marque sans le blesser.

Une deuxième s'arme d'une pierre, qu'elle jette en l'air,

mais le projectile, dominé par l'accord de la voix et de la lyre,

vint tomber aux pieds du poète,

comme pour implorer son pardon après tant de folle audace.

ependant les attaques se font plus osées,

toute retenue a disparu et la démente Érinye règne en maître.

Le chant d'Orphée aurait pu émousser tous les traits ;

mais une clameur immense, la flûte du Bérécynthe au bout

recourbé, les tambourins, les battements et les hurlements

bacchiques couvrirent le son de la cithare ;

et finalement les rochers, n'entendant plus le poète,

devinrent rouges de sang.

En premier lieu, comme la voix du chanteur

tenait toujours envoûtés des oiseaux sans nombre,

des serpents, une troupe de bêtes sauvages,

les Ménades se saisirent d'eux,

qui attestaient le triomphe d' Orphée.

Ensuite, mains ensanglantées, elles se tournent vers Orphée,

et se rassemblent comme les oiseaux,

qui parfois aperçoivent un oiseau de nuit errant en plein jour ;

et comme dans un amphithéâtre des chiens s'acharnent sur un

cerf condamné à périr le matin dans l'arène,

elles fondent sur le poète et jettent sur lui

leurs thyrses ornés de verts feuillages,

des thyrses non destinés à cet usage.

Les unes lancent des mottes de terre, d'autres

des branches d'arbres arrachées,d'autres des pierres.

Et comme pour fournir des armes à leur fureur,

le hasard voulut que des boeufs tirant

une charrue remuent la terre et que, non loin de là,

de robustes paysans tout en sueur préparent les récoltes,

en creusant péniblement leurs champs.

À la vue de la troupe des femmes, ils fuient,

laissant sur place leurs instruments de travail.

Dans les champs désertés gisent épars des sarcloirs,

de lourds râteaux et de longues houes.

Ces sauvages s'emparent des outils, mettent en pièces

les boeufs aux cornes menaçantes,

puis viennent s'en prendre à la vie du poète.

Il tendait les mains et alors pour la première fois,

ses paroles restaient sans effet

et sa voix ne touchait plus rien ni personne.

Les femmes sacrilèges l'achèvent et, ô Jupiter,

par cette bouche écoutée par les rochers

et comprise par les bêtes sauvages,

son âme s'est exhalée et s'est éloignée dans le vent.

les durs rochers, les forêts qui souvent ont suivi ton chant,

tous t'ont pleuré. L'arbre, dépouillé de son feuillage, cheveux

rasés, a pris ton deuil ; les fleuves mêmes racontent

qu'ils se sont gonflés de leurs propres larmes ;

les Naïades et les Dryades couvrirent leurs voiles de couleur

sombre et laissèrent flotter leurs cheveux.

Les membres d'Orphée sont dispersés en divers lieux ;

toi, l'Hèbre, tu as recueilli sa tête et sa lyre,

et – miracle ! –, sa lyre, glissant au milieu du fleuve,

émet une sorte de sanglot plaintif ;

sa langue sans vie murmure, plaintive, et,

plaintives, les rives répondent.

Maintenant parvenus à la mer ces restes

quittent le fleuve familier et prennent possession

du rivage de la Méthymne de Lesbos.

Là un affreux serpent veut s'en prendre à cette tête

abandonnée sur ce rivage étranger,

à ces cheveux d'où l'eau dégouline.

Finalement Phébus survient et écarte le serpent

prêt à mordre et il transforme en pierre sa gueule béante,

et ses mâchoires figées se durcissent,

telles qu'elles étaient, largement écartées.

L'ombre d'Orphée se glisse sous terre

et il reconnaît tous les lieux qu'il avait vus avant ;

puis, la cherchant dans les champs réservés

aux êtres pieux, il découvre Eurydice

et la serre dans ses bras avides.

Tantôt tous deux, accordant leurs pas,

se promènent en ce lieu  ; tantôt, il la suit et elle le précède ;

tantôt il marche le premier, et sans crainte désormais,

Orphée se retourne et regarde son Eurydice. 

Cependant Lyaeus ne permet pas que ce crime reste impuni.

Pleurant la perte du chantre de ses mystères sacrés,

il fixe aussitôt dans la forêt, à l'aide de racines sinueuses,

toutes les femmes édoniennes, qui avaient vu le crime impie :

à l'endroit même où chacune d'elles avait poursuivi le poète,

il avait allongé leurs orteils,

et enfoncé leurs extrémités dans le sol ferme.

Ainsi, lorsque un oiseau, qui a mis sa patte dans les filets

tendus par un oiseleur habile, a compris qu'il est captif,

il bat des ailes, s'agite

et ses mouvements resserrent ses liens.

De même, toutes les Ménades, une fois solidement fixées

au sol, tentaient éperdument de fuir.

Mais en vain : une souple racine

les retient prisonnières et entrave leurs bonds.

 Et quand elles cherchent où sont leurs doigts,

leurs pieds  et leurs ongles, elles voient du bois

gagnant leurs mollets galbés;

et, quand, de chagrin, elles tentent de frapper leurs cuisses,

leur main percute du bois.

Leur poitrine devient ligneuse,

ligneuses leurs épaules ; leurs bras tendus,

on les prendrait pour de vraies branches,

et l'on ne se tromperait pas en le croyant.

Émile Bin (1825-1897) La mort d'Orphée

Émile Bin (1825-1897) La mort d'Orphée

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