22 novembre 2024 5 22 /11 /novembre /2024 22:31


 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française 

 


Le petit brutal

 

J’ai vu bien des enfants mal éclos dans ma vie ;

J’en ai tant vu, tant vu que les yeux m’en font mal !

Mais ils valaient de l’or près du petit brutal

Qui, de ne pas l’aimer, me donnerait l’envie.

 

Il faut aimer pourtant : que faire de son cœur ?

Quand il serait encor plus hardi, plus moqueur,

Il faut en le grondant lui faire une caresse

El le changer peut-être à force de tendresse.

Gronder n’est pas si beau.

— " Viens donc, mon pauvre enfant,

Ma raison te pardonne et mon cœur te défend.

La malice est un dard que l’indulgence émousse.

Bonjour ! Prends cette orange… Elle est mûre, elle est douce ;

Fais-en ce que tu veux ; je la gardais pour toi :

Un jour, pour quelque enfant tu feras comme moi.

Tu ne dis pas merci ?

— Non.

— Pourquoi donc ?

— Je mange.

 

— Et tu ne m’aimes pas un peu ?

— J’aime l’orange.

— Tu n’es pas dans ton tort. Mais poursuis ton chemin

Sois libre comme l’air.

— Je t’aimerai demain.

— Je le sais mieux que toi, ton regard me l’assure ;

Comme un petit serpent tu guéris ta morsure.


....................


— Je n’aime pas le grand qui me fait de grands yeux,

El qui lève toujours sa canne sur ma tête.

C’est un laid, c’est un noir, c’est une grosse bête !

Quand il sera petit et que je serai grand,

Nous verrons !

— Ne peux-tu l’éviter en courant ;

Et le laisser partir sans que tu te déranges ?

On se distrait d’ailleurs en mangeant des oranges.

C’est si bon, d’être bon, d’être gai, franc, loyal,

Et d’être pardonné quand on a fait le mal !

Dieu m’a traitée ainsi lorsque j’étais méchante :

Cette bonté toujours me rend bonne et m’enchante !

— Vous avez donc crié ?

— Tais-toi, c’était affreux !

Et les petits enfants se regardaient entre eux.

J’arrachais les fruits verts, je marchais sur les roses ;

Je faisais, comme toi, de très-vilaines choses.

 

Et l’on me détestait.

— C’est drôle !

— C’est bien plus,

C’est bête, et l’on s’en moque aux livres que j’ai lus.

Lis-tu beaucoup ?

— Jamais ! Je déchire la page.

Quand vous étiez méchante, aimiez-vous le tapage ?

— À t’en donner l’horreur. Tu verras !

— Je verrai.

— Viens, nous en causerons comme amis.

— Je viendrai,

Mais quand ?

— À la belle heure avec toi reparue.

— Ah ! c’est que j’ai beaucoup d’affaires dans la rue !

— Ne te gêne donc pas et viens quand tu voudras.

Je me confesserai : toi, tu me jugeras. "

 

Il vint, et de lui-même ouvrant d’un coup la porte

Il y passait sa tête aimable ou non, n’importe,

Et tenté par un charme, une histoire, un doux fruit,

Il oubliait de battre et de faire du bruit.
 

Ludwig Knaus - enfant avec une orange

Ludwig Knaus - enfant avec une orange

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