Jean François Victor Aicard, né le 4 février 1848 à Toulon (Var) et mort le 13 mai 1921 à Paris, est un poète, romancier et dramaturge français.
Recueil : Les jeunes croyances (1867).
Le parfum des pervenches
Bonne Vierge, écoutez ma voix, je vous en prie !
Hier, parmi les bouquets vivants de la prairie,
Je cueillis, en tressant ma guirlande, une fleur
Dont le calice bleu n'exhalait nulle odeur.
« La pervenche, pour nous, dit ma mère chérie,
Est toujours sans parfums célestes, car Marie
Par les anges en fait dérober la senteur,
Et leurs tremblantes mains la portent à son cœur.
« Mais quand l'hiver flétrit les plantes qui frissonnent,
Pour embaumer les cieux les chérubins moissonnent
Les âmes des petits innocents comme toi. »
Vierge, ayant écouté, tout joyeux, ces paroles,
J'ai des fleurs du jardin ravagé les corolles,
Pour que tes messagers n'y trouvent plus que moi !
Alphonse de Lamartine, de son nom complet Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869 est un poète, romancier, dramaturge français, ainsi qu'une personnalité politique qui participa à la Révolution de février 1848 et proclama la Deuxième République. Il est l'une des grandes figures du romantisme en France.
La Pervenche
Pâle fleur, timide pervenche,
Je sais la place où tu fleuris,
Le gazon où ton front se penche
Pour humecter tes yeux flétris !
C'est dans un sentier qui se cache
Sous ses deux bords de noisetiers,
Où pleut sur l'ombre qu'elle tache
La neige des fleurs d'églantiers.
L'ombre t'y voile, l'herbe égoutte
Les perles de nos nuits d'été,
Le rayon les boit goutte à goutte
Sur ton calice velouté.
Une source tout près palpite,
Où s'abreuve le merle noir;
Il y chante, et moi j'y médite
Souvent de l'aube jusqu'au soir.
O fleur, que tu dirais de choses
A mon amour, si tu retiens
Ce que je dis à lèvres closes
Quand tes yeux me peignent les siens!
Remy de Gourmont, né au manoir de la Motte à Bazoches-au-Houlme, près d'Argentan (Orne), le 4 avril 1858 et mort à Paris le 27 septembre 1915, est un écrivain français, à la fois romancier, journaliste et critique d'art, proche des symbolistes.
L'odeur des jacynthes
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
L'église ancienne s'endormait dans un mystère,
Crypte où d'obscurs martyrs reposent en poussière,
Salle de manoir féodal ;
Nous étions là, dans l'ombre, assis tous deux, les plinthes
d'un pilier nous cachaient ; vous aviez des jacynthes,
fleur au parfum impérial.
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
Ils allaient, dépassant la voûte,
vers la rive où jamais le doute
en sa frêle nef n'aborda,
mais, ô lamentable déroute !
ils se sont querellés en route
et la raison les rencontra.
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
Et je songeais :
Comment tenir à la tempête
Sans ce bras pour gouvernail,
et sans cette tête pour étoile,
comment tenir à la tempête
sans elle ?
Et je songeais encore :
Quel serait mon soleil sans la caresse, et la splendeur,
et le vermeil éclat de ses cheveux,
quel serait mon soleil
sans elle ?
Il ferait nuit sans la clarté de ses yeux bleus ;
la pourpre des matins pâlirait dans mes deux,
plus de midis, sans la clarté de ses yeux bleus,
sans elle.
Avec elle, la vie est un puissant parfum
dont l'émanation berce et ranime
l'un et l'autre de mes jours :
quel serait leur parfum,
sans elle ?
Pour elle, il n'est ni mal, ni souffrance,
ni deuil qu'on ne porte avec joie,
ayant passé le seuil de sa maison :
il n'est que souffrance et que deuil,
sans elle.
Par elle, je veux vivre,
et par elle mourir :
ma force est le baiser qui me fait défaillir
et me marque au fer chaud, car il faudrait mourir,
sans elle.
En elle, j'ai mis tout, jusqu'à mon infini :
l'univers est à moi, quand sa bouche a souri,
et Dieu n'est qu'un fantôme,
il n'est pas d'infini,
sans elle.
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
Un peu de ta main brûlait dans ma main,
par nos doigts ardents le fluide humain
passait en nos chairs, noyait nos pensées
et cœurs galopants, gorges oppressées,
nos désirs prenaient le même chemin.
Ainsi, chère, ta vie a passé dans la mienne,
Plus rien ne demeure en moi qui ne t'appartienne :
Je voudrais le graver en toi, qu'il t'en souvienne,
Ainsi, chère, ma vie a passé dans la tienne.
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
" mai" .