23 mai 2024 4 23 /05 /mai /2024 22:28


 

Charles Cros (1842-1888) poète et inventeur français.

 


Ballade des mauvaises personnes


Qu'on vive dans les étincelles

Ou qu'on dorme sur le gazon

Au bruit des râteaux et des pelles,

On entend mâles et femelles

Prêtes à toute trahison,

Les personnes perpétuelles

Aiguisant leurs griffes cruelles,

Les personnes qui ont raison.

 

Elles rêvent (choses nouvelles !)

Le pistolet et le poison.

Elles ont des chants de crécelles

Elles n'ont rien dans leurs cervelles

Ni dans le coeur aucun tison,

Froissant les fleurs sous leurs semelles

Et courant des routes (lesquelles ?)

Les personnes qui ont raison.

 

Malgré tant d'injures mortelles

Les roses poussent à foison

Et les seins gonflent les dentelles

Et rose est encor l'horizon ;

Roses sont Marie et Suzon !

Mais, les autres, que veulent-elles ?

Elles ne sont vraiment pas belles,

Les personnes qui ont raison.

 

ENVOI

Prince, qui, gracieux, excelles

A nous tirer de la prison,

Chasse au loin par tes ritournelles

Les personnes qui ont raison.
 

Charles Cros (1842-1888) - poète et inventeur français - Ballade des mauvaises personnes
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23 mai 2024 4 23 /05 /mai /2024 22:15


 

 

François Coppée (1842 -1908) écrivain et poète français 

 

Les Humbles

Simple ambition

 

Être un modeste croque-notes

Donnant des leçons de hasard,

Qui court Paris en grosses bottes,

Mais qui comprend Gluck et Mozart ;

 

Avoir quelque part un vieux maître ;

Aimer sa fille ; et, chaque soir,

Brosser son vieil habit et mettre

Du linge pour aller les voir ;

 

Ils logent loin ! Faire une lieue

En chantonnant quelques vieux airs,

L’été, sous la douce nuit bleue,

Et par les bons quartiers déserts ;

 

Aimer d’un amour très honnête ;

Avoir peur, en portant la main

À certain cordon de sonnette,

Dont on sait pourtant le chemin…

 

— Ah ! monsieur Paul !… — Mademoiselle !

— Mon père vous attend. Voyez.

Voici votre violoncelle,

Son violon et les cahiers. —

 

Demander comment va le maître,

Qui survient, simple et cordial :

Oh ! le bon moment ! — La fenêtre

S’ouvre sur le ciel nuptial ;

 

Les brises, déjà rafraîchies,

Entrent avec des papillons

Bien vite brûlés aux bougies,

Qui jettent de faibles rayons.

 

Le concert commence. Elle écoute,

Blonde, accoudée et tout en blanc,

Et son cœur frissonne sans doute

Avec l’allegretto tremblant.

 

Puis, c’est le menuet, l’andante,

Tout le beau poème du bruit,

Toute la symphonie ardente.

Et le temps passe : il est minuit.

 

— Sauvez-vous. C’est une heure indue

Pour vous qui logez tout là-bas,

Et cette banlieue est perdue.

— Vous viendrez demain, n’est-ce pas ?

 

— Mais, avant de partir, encore

Un peu de musique ; pas trop…

Pendant que Julie élabore

Trois humbles verres de sirop.

15g Ladislas Kijno (1921-2012)

15g Ladislas Kijno (1921-2012)

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23 mai 2024 4 23 /05 /mai /2024 21:47


 

 

François Coppée (1842-1908) poète, dramaturge et romancier français. 

 


Adagio


La rue était déserte et donnait sur les champs.

Quand j'allais voir l'été les beaux soleils couchants

Avec le rêve aimé qui partout m'accompagne,

Je la suivais toujours pour gagner la campagne,

Et j'avais remarqué que, dans une maison

Qui fait l'angle et qui tient, ainsi qu'une prison,

Fermée au vent du soir son étroite persienne,

Toujours à la même heure, une musicienne

Mystérieuse, et qui sans doute habitait là,

Jouait l'adagio de la sonate en la.

 

Le ciel se nuançait de vert tendre et de rose.

La rue était déserte ; et le flâneur morose

Et triste, comme sont souvent les amoureux,

Qui passait, l'oeil fixé sur les gazons poudreux,

Toujours à la même heure, avait pris l'habitude

D'entendre ce vieil air dans cette solitude.

Le piano chantait sourd, doux, attendrissant,

Rempli du souvenir douloureux de l'absent

Et reprochant tout bas les anciennes extases.

Et moi, je devinais des fleurs dans de grands vases,

Des parfums, un profond et funèbre miroir,

Un portrait d'homme à l'oeil fier, magnétique et noir,

Des plis majestueux dans les tentures sombres,

Une lampe d'argent, discrète, sous les ombres,

Le vieux clavier s'offrant dans sa froide pâleur,

Et, dans cette atmosphère émue, une douleur

Épanouie au charme ineffable et physique

Du silence, de la fraîcheur, de la musique.

Le piano chantait toujours plus bas, plus bas.

Puis, un certain soir d'août, je ne l'entendis pas.

 

Depuis, je mène ailleurs mes promenades lentes.

Moi qui hais et qui fuis les foules turbulentes,

Je regrette parfois ce vieux coin négligé.

Mais la vieille ruelle a, dit-on, bien changé :

Les enfants d'alentour y vont jouer aux billes,

Et d'autres pianos l'emplissent de quadrilles.
 

fille au piano Helène Fan

fille au piano Helène Fan

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23 mai 2024 4 23 /05 /mai /2024 21:34

 

 

François Coppée (1842-1908) poète, dramaturge et romancier français. 

 


Morceau à quatre mains


Le salon s'ouvre sur le parc

Où les grands arbres, d'un vert sombre,

Unissent leurs rameaux en arc

Sur les gazons qu'ils baignent d'ombre.

 

Si je me retourne soudain

Dans le fauteuil où j'ai pris place,

Je revois encor le jardin

Qui se reflète dans la glace ;

 

Et je goûte l'amusement

D'avoir, à gauche comme à droite,

Deux parcs, pareils absolument,

Dans la porte et la glace étroite.

 

Par un jeu charmant du hasard,

Les deux jeunes soeurs, très exquises,

Pour jouer un peu de Mozart,

Au piano se sont assises.

 

Comme les deux parcs du décor,

Elles sont tout à fait pareilles ;

Les quatre mêmes bijoux d'or

Scintillent à leurs quatre oreilles.

 

J'examine autant que je veux,

Grâce aux yeux baissés sur les touches,

La même fleur sur leurs cheveux,

La même fleur sur leurs deux bouches ;

 

Et parfois, pour mieux regarder,

Beaucoup plus que pour mieux entendre,

Je me lève et viens m'accouder

Au piano de palissandre.
 

Giovanni Boldini  (1842-1931) jeunes filles au piano - 1911

Giovanni Boldini (1842-1931) jeunes filles au piano - 1911

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23 mai 2024 4 23 /05 /mai /2024 21:14


 

 

François Coppée (1842-1908) poète, dramaturge et romancier français

Recueil : "Poëmes Divers"

 


Ritournelle

 

Dans la plaine blonde et sous les allées,

Pour mieux faire accueil au doux messidor,

Nous irons chasser les choses ailées,

Moi, la strophe, et toi, le papillon d’or.

 

Et nous choisirons les routes tentantes,

Sous les saules gris et près des roseaux,

Pour mieux écouter les choses chantantes,

Moi, le rythme, et toi, le chœur des oiseaux.


Suivant tous les deux les rives charmées

Que le fleuve bat de ses flots parleurs,

Nous vous trouverons, choses parfumées,

Moi, glanant des vers, toi, cueillant des fleurs.

 

Et l’amour, servant notre fantaisie,

Fera ce jour-là l’été plus charmant ;

Je serai poëte, et toi poésie.

Tu seras plus belle, et moi plus aimant.
 

François Coppée (1842-1908) - poète, dramaturge et romancier français - Ritournelle
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23 mai 2024 4 23 /05 /mai /2024 20:23


 

 

Albert Mérat (1840-1909) Poète français 

Recueil : Les souvenirs (1872).

 


Le clavecin


Les pieds branlants et lourds et le ventre fluet,

Moins utile qu'aimé, vieilli comme sa gloire,

Mais d'un attrait pareil à celui d'une histoire,

Le clavecin repose, immobile et muet.

 

L'œil avait des lueurs et le cœur remuait

A l'entendre. Égayant la grande glace noire,

Il montre avec orgueil quatre octaves d'ivoire

Qu'usa de son pas grave et lent le menuet.

 

Là dort ensevelie une musique exquise,

Ces vieux airs qu'on dansait en robe de marquise,

Aigrelets et vibrants comme un son de ducat ;

 

Et le soir, doucement si l'on ouvrait les portes,

Peut-être on entendrait un scherzo délicat

Sous les doigts effilés des châtelaines mortes.
 

Le clavecin de Claude Labrèche de 1699

Le clavecin de Claude Labrèche de 1699

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23 mai 2024 4 23 /05 /mai /2024 20:12

 

 

Charles  Vincent (1828-1888) chansonnier, romancier, auteur dramatique, journaliste et éditeur français.

Air : Les deux sœurs de charité, de Bretagne.

 


Chanson 

Admirons !

 

O nature !

- Fleurs, fruits et culture -

En toi tout ce qui vient germer

Tu sais l’accueillir et l’aimer.

 

Mes bons amis, faisons comme elle :

Accueillons les talents nouveaux

Sans établir de parallèle,

Ils ont tous droit à nos bravos.

 

Songeons qu’une critique acerbe,

Lorsqu’un mot l’eût pu soutenir,

A fait parfois mourir en herbe

Le grain dont vivrait l’avenir.

 

O nature !

- Fleurs, fruits et culture -

En toi tout ce qui vient germer

Tu sais l’accueillir et l’aimer.

 

Toujours vouloir que l’on compare

Ecraser le bien sous le mieux,

 C’est ainsi que l’esprit s’égare,

Que l’envie obscurcit le rose ;

Prés du rouge éclate le blanc :

Dieu n’a-t-il pas en toute chose

Mis son regard étincelant ?

 

O nature !

- Fleurs, fruits et culture -

En toi tout ce qui vient germer

Tu sais l’accueillir et l’aimer.

 

Dans l’antiquité, si fertile

Qu’elle encore notre fanal,

On admire Homère et Virgile,

 Anacréon et Juvénal.

Du doux Tibulle au sombre Dante,

Du grand Corneille au fin Gresset,

Applaudissons ! Mais que l’on chante

Chénier, Lamartine et Musset !

 

O nature !

- Fleurs, fruits et culture -

En toi tout ce qui vient germer

Tu sais l’accueillir et l’aimer.

 

 Dans l’art vivant de la peinture,

Recherchons sous chaque pinceau

Les vrais amants de la nature :

Claude, Ruysdaël, Troyon, Rousseau.

D’un Delacroix la fougue extrême,

D’Ingre la sobre pureté,

Nous prouvent bien qu’il faut qu’on aime

L’art dans chaque variété.

 

O nature !

- Fleurs, fruits et culture -

En toi tout ce qui vient germer

Tu sais l’accueillir et l’aimer.

 

Le divin Mozart nous enflamme,

Sans nous empêcher d’admirer

Clück, dont l’accent élève l’âme

Que Donizetti fait pleurer,

David a la grâce française ;

L’esprit pétille chez Auber ;

Unissons dans une synthèse

Hérold, Rossini, Meyerbeer !

 

O nature !

- Fleurs, fruits et culture -

En toi tout ce qui vient germer

Tu sais l’accueillir et l’aimer.

 

Béranger a la grande lyre,

Il est satirique et profond 

Désaugniers a le joyeux rire ;

La nature vibre en Dupont.

Aimons tous les talents sincères ;

Le fin Collé, le franc Panard

Accueillaient, en choquant leurs verres,

Crébillon et Gentil-Bernard.

 

O nature !

- Fleurs, fruits et culture -

En toi tout ce qui vient germer

Tu sais l’accueillir et l’aimer.


 
Pour faire un cortège au géni

Acclamons les talents au génie ;

Il faut de tout pour l’harmonie :

Petites chansons et grands vers.

Près du rossignol la linotte

Module un doux chant fraternel :

Que chacun pousse donc sa note

Dans le concert universel !

 

O nature !

- Fleurs, fruits et culture -

En toi tout ce qui vient germer

Tu sais l’accueillir et l’aimer.
 

Charles  Vincent (1828-1888) - chansonnier, romancier français - Chanson 
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22 mai 2024 3 22 /05 /mai /2024 23:28

Carte Bonne Fête Didier - 23 mai

 

Bonne Fête Didier - 23 mai

Bonne Fête Didier - 23 mai

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22 mai 2024 3 22 /05 /mai /2024 22:59

 

 

Théodore de Banville (1823-1891) - poète, dramaturge et critique dramatique français - 

 


La lyre


Les Dieux, pour lui laisser le vin, buvaient du fiel.

L'aigle à ses pieds veillait, ayant quitté son aire ;

Le lion devant lui se couchait, débonnaire,

L'abeille était joyeuse et lui donnait son miel.

 

Il avait sur son front le signe essentiel,

Et du rouge vêtu, comme un tortionnaire,

Dans sa droite féroce il portait le tonnerre,

Étant celui qui fait la clarté dans le ciel.

 

Pourtant, sans être ému de sa terrible approche,

Moi, je chantais mon ode et j'emplissais la roche,

La caverne et le bois de cris mélodieux.

 

Enfin je m'avançai, pris du sacré délire,

Vers celui qui soumet les tigres et les Dieux,

Et je lui dis : Amour, obéis ; j'ai la Lyre !
 

Gérôme -  Anacréon, Bacchus et l'Amour

Gérôme - Anacréon, Bacchus et l'Amour

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22 mai 2024 3 22 /05 /mai /2024 22:50

 

 

Théodore de Banville (1823-1891) poète, dramaturge et critique dramatique français.

 


Premier soleil


Italie, Italie, ô terre où toutes choses

Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !

Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses

Des sorbets à la neige et des ballets divins !

 

Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !

Voici qu'on pense à toi, car voici venir mai,

Et nous ne verrons plus les redingotes longues

Où tout parfait dandy se tenait enfermé.

 

Sourire du printemps, je t'offre en holocauste

Les manchons, les albums et le pesant castor.

Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste

Volent, en agitant une poussière d'or !

 

Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle,

Et ce matin j'ai vu mademoiselle Ozy

Près des Panoramas déployer son ombrelle :

C'est que le triste hiver est bien mort, songez-y !

 

Voici dans le gazon les corolles ouvertes,

Le parfum de la sève embaumera les soirs,

Et devant les cafés, des rangs de tables vertes

Ont par enchantement poussé sur les trottoirs.

 

Adieu donc, nuits en flamme où le bal s'extasie !

Adieu, concerts, scotishs, glaces à l'ananas ;

Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie,

Sur la toile imprimée et sur le jaconas !

 

Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches,

Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus,

Les légers mantelets avec les robes blanches,

Et dans un mois d'ici vous sortirez bras nus !

 

Bientôt, sous les forêts qu'argentera la lune,

S'envolera gaîment la nouvelle chanson ;

Nous y verrons courir la rousse avec la brune,

Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson !

 

Bientôt tu t'enfuiras, ange Mélancolie,

Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts.

Débouchez de ce vin que j'aime à la folie,

Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers.

 

Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête

Ainsi qu'une épousée, et Paris est charmant.

Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte,

Parle ! nous t'écoutons avec ravissement.

 

C'est le temps où l'on mène une jeune maîtresse

Cueillir la violette avec ses petits doigts,

Et toute créature a le coeur plein d'ivresse,

Excepté les pervers et les marchands de bois !
 

Robert Polack - Mimi Pinson

Robert Polack - Mimi Pinson

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