20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 22:19

 

 

János Arany  (1817-1882) poète hongrois

 


J’ai déposé mon luth


 
J’ai déposé mon luth, qu’il se repose enfin !

N’attendez plus de moi de chants ni de poèmes,

Je ne suis plus, hélas ! ce que j’étais jadis

Car j’ai déjà perdu le meilleur de mon âme,

Le feu ne brûle plus, il n’a plus d’étincelles,

Et sa flamme n’est plus que de l’arbre brûlé,

Où es-tu ? Qu’es-tu devenue,

Douce jeunesse de mon âme !

 

Un autre firmament me donnait ses sourires,

Et la terre marchait en manteau de velours

Et l’oiseau gazouillait en chacun des buissons

Quand ses lèvres en chantant commençaient à s’ouvrir…

Le frais zéphyr du soir était plus embaumé

Et les fleurs dans les champs semblaient plus colorées…

Où es-tu ? Qu’es-tu devenue

Douce jeunesse de mon âme !

 


Ce n’est pas seul ainsi qu’autrefois je chantais !

Ensemble nous pressions les cordes,

Et nos regards amis, avec souci de l’art,

Suivaient les doigts sur l’instrument.

Mon âme s’embrasait aux feux de ses transports

Toutes ces flammes s’unissaient.

Où es-tu ? Qu’es-tu devenue

Douce jeunesse de mon âme !

 

Oui, nous avons chanté l’espoir en l’avenir,

Et nous avons versé des pleurs sur le Passé.

Nous avons fait briller l’auréole de gloire

Sur le peuple et sur la patrie.

Et, chacun de nos chants s’ajoutait au feuillage

De sa couronne de lauriers.

Où es-tu ? Qu’es-tu devenue

Douce jeunesse de mon âme !

 

Nous avons espéré que sur notre cercueil

La renommée viendrait, un jour, s’asseoir,

Nous rêvions que la Patrie, la race

Vivant dans l’avenir, se souviendrait de nous,

Nous croyions, vain espoir ! que nos lauriers gagnés

Un de nos descendants pourrait nous les donner…

Où es-tu ? Qu’es-tu devenue

Douce jeunesse de mon âme !

 

Qu’es-tu donc, maintenant, ô chant abandonné ?

Peut-être seulement l’âme des chants passés

 

Qui, fantôme attristé et planant sur les tombes

Revient errer parmi les morts !

Ou, peut-être, un linceul ornementé, fleuri ?

Ou la voix qui résonne dans le désert obscur ?

Où es-tu ? Qu’es-tu devenue

Douce jeunesse de mon âme !

 

J’ai déposé mon luth, je le trouve trop lourd.

Qui donc écouterait mes chants mélancoliques ?

Qui pourrait se réjouir de voir la fleur fanée

Sur une tige desséchée… ?

Seulement sur le rameau mort,

La fleur survit un seul instant encore.

Hélas ! je sens que tu n’es plus

Douce jeunesse de mon âme !
 

un luth et une guitare de Nicolas Henry Jeaurat De Bertry (1728-1796)

un luth et une guitare de Nicolas Henry Jeaurat De Bertry (1728-1796)

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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 22:04

 

 

Henri Blaze de Bury (1813-1888) baron, homme de lettres, critique littéraire et artistique et écrivain français 

Les deux Muses

 

La musique

 

C’est pour moi que les arts façonnent la matière,

Que Dieu met ses trésors au fond des élémens ;

Pour moi, fille du ciel, que l’esprit de la terre

Taille l’or précieux, et jette la lumière

Comme une passion au cœur des diamans ;

Pour moi que tout rayonne et fleurit et murmure ;

Pour moi que, dans le sein de chaque créature,

Brûle l’encens sacré de l’admiration,

Que l’aubépine tremble aux tiges du buisson ;

Pour moi que le soleil dore la gerbe mûre.

Je suis reine du monde, et, partout où je vais,

La multitude en chœur chante et me glorifie ;

Partout on me recherche, on m’aime, on me convie ; 

 

Les rois me font asseoir près d’eux, dans leurs palais ;

Et tandis que les fruits les plus beaux de la vie

Se détachent de l’arbre et tombent à mes pieds,

Tous les blonds jeunes gens, dans les nouveaux sentiers,

Murmurent près de moi : "Tu nous étais connue,

Chaste fille du ciel, bien avant ta venue ;

Les fleuves, la rosée et la brise en émoi,

Nous avaient déjà dit quelque chose de toi."

 

Comme un bon ouvrier qui s’épuise à la peine,

Unit dans un tissu tous les fils du rouet ;

Ainsi, moi, travailleuse à la puissante haleine,

J’assemble tous les sons et les mêle à souhait.

Et ma sœur, la Nature, auguste filandière,

M’encourage au travail sans cesse, et du plus loin

Qu’elle voit le printemps accourir sur la terre,

Songe à me tenir prêts les fils dont j’ai besoin.

Tantôt c’est un rayon de soleil qu’elle mouille

Dans les flots de l’ondée heureuse du matin,

Et roule tout le jour autour de sa quenouille,

Comme le plus beau fil d’or, de soie ou de lin ;

Tantôt une vapeur de la source voisine

Que chauffe dans son lit le souffle oriental,

Ou le bruit des métaux qui grondent dans la mine,

Ou la vibration lascive du cristal.

Et grace à ma science éternelle et profonde,

À l’inspiration qui me descend des cieux,

De tous ces élémens, moi, je compose un monde

Où viennent se croiser les bruits harmonieux

Qui chantent, séparés, dans l’œuvre universelle ; —

Et tant que je les tiens assemblés sous mon aile,

Les hommes de la terre écoutent à loisir

Ce que Dieu seul pouvait combiner et saisir ; —

Un monde glorieux, où le germe sonore

Est le seul qui prospère, et sur sa tige en fleur

Reçoive la rosée à la nouvelle aurore,

Le seul dont le calice exhale une senteur,

Où, dans le frais miroir des vagues transparences,

Chacun voit resplendir ses belles espérances,

 

Lumière insaisissable, et passer tour à tour

Le chœur de ses douleurs de la veille et du jour,

Et ses illusions défiler une à une

Comme de blanches sœurs aux rayons de la lune.

 

Les trésors à mes pieds roulent de toutes parts ;

C’est pour moi que l’épi tombe sous les faucilles,

Que l’or abonde aux mains débiles des vieillards ;

Pour moi que la voix vient aux belles jeunes filles ;

C’est pour me faire honneur et me glorifier

Que la vierge en amour laisse la mélodie

Épuiser dans son sein les sources de la vie,

Et travaille sans cesse, oubliant au clavier

La funeste pâleur dont sa face est couverte,

Et la fraîcheur du soir, et la croisée ouverte,

Et la Mort qui l’attend et vient pour l’épier

Chaque fois qu’elle passe une nuit à veiller ;

Puis, lorsque pour jamais sa paupière est éteinte,

Quand sur l’ivoire ému de sa divine plainte,

À la brise du soir, tremblent ses derniers pleurs,

Je recueille son ame, et dans mon élysée,

Dans l’harmonie, et loin des terrestres douleurs,

Je la transporte ainsi qu’une note embrasée.

Konstantin Yegorovich Makovsky (1839–1915), La Muse de Poésie (1886),

Konstantin Yegorovich Makovsky (1839–1915), La Muse de Poésie (1886),

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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 22:02


 

 

Louise Ackermann (1813-1890) poétesse française

Premières Poésies, 1871

 

 

À Alfred de Musset

 

Un poète est parti ; sur sa tombe fermée

Pas un chant, pas un mot dans cette langue aimée

Dont la douceur divine ici-bas l’enivrait.

Seul, un pauvre arbre triste à la pâle verdure,

Le saule qu’il rêvait, au vent du soir, murmure

Sur son ombre éplorée un tendre et long regret.

 

Ce n’est pas de l’oubli ; nous répétons encore,

Poëte de l’amour, ces chants que fit éclore

Dans ton âme éperdue un éternel tourment,

Et le Temps sans pitié qui brise de son aile

Bien des lauriers, le Temps d’une grâce nouvelle

Couronne en s’éloignant ton souvenir charmant.

 

Tu fus l’enfant choyé du siècle. Tes caprices

Nous trouvaient indulgents. Nous étions les complices

De tes jeunes écarts; tu pouvais tout oser.

De la Muse pour toi nous savions les tendresses,

Et nos regards charmés ont compté ses caresses.

De son premier sourire à son dernier baiser.

 

Parmi nous maint poète à la bouche inspirée

Avait déjà rouvert une source sacrée;

Oui, d’autres nous avaient de leurs chants abreuvés.

Mais le cri qui saisit le cœur et le remue,

Mais ces accents profonds qui d’une lèvre émue

Vont à l’âme de tous, toi seul les as trouvés.

 

Au concert de nos pleurs ta voix s’était mêlée.

Entre nous, fils souffrants d’une époque troublée,

Le doute et la douleur formaient comme un lien.

Ta lyre en nous touchant nous était douce et chère ;

Dans le chantre divin nous sentions tous un frère ;

C’est le sang de nos cœurs qui courait dans le tien.

 

Rien n’arrêtait ta plainte, et ton âme blessée

La laissait échapper navrante et cadencée.

Tandis que vers le ciel qui se voile et se clôt

De la foule montait une rumeur confuse,

Fier et beau, tu jetais, jeune amant de la Muse,

A travers tous ces bruits ton immortel sanglot.

 

Lorsque le rossignol, dans la saison brûlante

De l’amour et des fleurs, sur la branche tremblante

Se pose pour chanter son mal cher et secret.

Rien n’arrête l’essor de sa plainte infinie,

Et de son gosier frêle un long jet d’harmonie

S’élance et se répand au sein de la forêt.

 

La voix mélodieuse enchante au loin l’espace….

Mais soudain tout se tait ; le voyageur qui passe

Sous la feuille des bois sent un frisson courir.

De l’oiseau qu’entraînait une ivresse imprudente

L’âme s’est envolée avec la note ardente ;

Hélas ! chanter ainsi c’était vouloir mourir !
 

Gabriel Amable de La Foulhouze  "Les Nuits de Musset"

Gabriel Amable de La Foulhouze "Les Nuits de Musset"

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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 21:59


 

 

Henri Blaze de Bury (1813-1888) écrivain, poète, dramaturge, critique littéraire, artistique et musical et compositeur français

 


Chanson d'un pauvre


Je suis un pauvre homme et vais tout seul par les chemins ; plut à Dieu que je fusse encore une fois franchement de joyeuse humeur !

 

Dans la maison de mes bons parens j’étais un gai compère ; 
les soucis amers sont devenus mon partage depuis qu’on les a portés en terre.

 

Je vois fleurir le jardin des riches, je vois la moisson dorée ; 
mon sentier à moi est stérile ; c’est celui où l’inquiétude et la peine ont passé.

 

Je traverse en rongeant mon mal la troupe joyeuse des hommes  


je souhaite à chacun le bonjour de toute l’ardeur de mon ame.

 

Dieu puissant, tu ne m’as pas cependant laissé tout-à-fait sans joie ; 


une douce consolation se répand pour tous du firmament sur la terre.

 

Dans chaque petit bourg ton église sainte s’élève ; tes orgues et les chants des chœurs retentissent pour chaque oreille.

 

Puis le soleil, la lune et les étoiles m’éclairent avec tant d’amour ! 


Et quand tinte la cloche du soir, alors, Seigneur, je cause avec toi.

 

Un jour pour tous les bons s’ouvrira ta vaste salle de béatitude; alors je viendrai en habit de fête m’asseoir au festin.
 

Henri Blaze de Bury (1813-1888) écrivain, poète français - Chanson d'un pauvre
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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 21:57

 

 

Théophile Gautier (1811-1872) poète, romancier et critique d'art français.

 

 

Adieux à la poésie

 

Allons, ange déchu, ferme ton aile rose ; 

Ôte ta robe blanche et tes beaux rayons d'or ; 

Il faut, du haut des cieux où tendait ton essor, 

Filer comme une étoile, et tomber dans la prose.

 

Il faut que sur le sol ton pied d'oiseau se pose. 

Marche au lieu de voler : il n'est pas temps encor ; 

Renferme dans ton coeur l'harmonieux trésor ; 

Que ta harpe un moment se détende et repose.

 

Ô pauvre enfant du ciel, tu chanterais en vain 

Ils ne comprendraient pas ton langage divin ; 

À tes plus doux accords leur oreille est fermée !

 

Mais, avant de partir, mon bel ange à l'oeil bleu, 

Va trouver de ma part ma pâle bien-aimée, 

Et pose sur son front un long baiser d'adieu !
 

Théophile Gautier (1811-1872) - poète, romancier et critique d'art français - Adieux à la poésie
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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 21:55


 

 

Théophile Gautier (1811-1872) poète, romancier et critique d'art français


 

Sur le Carnaval de Venise I -

Dans la rue


Il est un vieil air populaire

Par tous les violons raclé,

Aux abois des chiens en colère

Par tous les orgues nasillé.

 

Les tabatières à musique

L'ont sur leur répertoire inscrit ;

Pour les serins il est classique,

Et ma grand'mère, enfant, l'apprit.

 

Sur cet air, pistons, clarinettes,

Dans les bals aux poudreux berceaux,

Font sauter commis et grisettes,

Et de leurs nids fuir les oiseaux.

La guinguette, sous sa tonnelle


De houblon et de chèvrefeuil,

Fête, en braillant la ritournelle,

Le gai dimanche et l'argenteuil.

 

L'aveugle au basson qui pleurniche

L'écorche en se trompant de doigts

La sébile aux dents, son caniche

Près de lui le grogne à mi-voix.

 

Et les petites guitaristes,

Maigres sous leurs minces tartans,

Le glapissent de leurs voix tristes

Aux tables des cafés chantants.

 

Paganini, le fantastique,

Un soir, comme avec un crochet,

A ramassé le thème antique

Du bout de son divin archet,

 

Et, brodant la gaze fanée

Que l'oripeau rougit encor,

Fait sur la phrase dédaignée

Courir ses arabesques d'or.
 

Le carnaval de Venise - François Flameng

Le carnaval de Venise - François Flameng

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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 21:54


 

 

Théophile Gautier (1811-1872) poète, romancier et critique d'art français.

 


Sérénade

 

Sur le balcon où tu te penches

Je veux monter... efforts perdus !

Il est trop haut, et tes mains blanches

N'atteignent pas mes bras tendus.

 

Pour déjouer ta duègne avare,

Jette un collier, un ruban d'or ;

Ou des cordes de ta guitare

Tresse une échelle, ou bien encor...

 

Ôte tes fleurs, défais ton peigne,

Penche sur moi tes cheveux longs,

Torrent de jais dont le flot baigne

Ta jambe ronde et tes talons.

 

Aidé par cette échelle étrange,

Légèrement je gravirai,

Et jusqu'au ciel, sans être un ange,

Dans les parfums je monterai !
 

Serenade- Benjamin Britten

Serenade- Benjamin Britten

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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 21:53

 

 

Théophile Dondey dit Philothée O'NEDDY (1811-1875) poète français

 

 

Nuit septième

Dandysme

Extrait


....................................................

Harmonie, ange d'or ! comme toujours tes nimbes

Savent de mon cerveau rasséréner les limbes !

Harmonie, Harmonie, oh ! quel amour puissant

Pour tes miracles saints fermente dans mon sang !...

- Si jamais la rigueur de mon sort me décide

À chercher un refuge aux bras du suicide,

Mon exaltation d'artiste choisira

Pour le lieu de ma mort l'italique Opéra.

Je m'enfermerai seul dans une loge à grilles ;

Et quand les violons, les hautbois et les strilles,

Au grand contentement de maint dilettante,

Accompagneront l'air du basso-cantante,

L'oeil levé hardiment vers les sonores voûtes,

D'un sublime opium j'avalerai cent gouttes ;

Puis je m'endormirai sous les enivrements,

Sous les mille baisers, les mille attouchements

Dont la Musique, almé voluptueuse et chaste,

Sur ma belle agonie épanchera le faste.
 

Edgar Degas (1834-1917) orchestre de l'Opéra

Edgar Degas (1834-1917) orchestre de l'Opéra

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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 21:51

 

 

Dominique Rouquette (1810-1890) poète français de Louisiane 

Meschacébéennes

 

 

Le Souvenir
 
Je le sens, pour une âme tendre,

Un amour malheureux est encore un bonheur.

(Desbordes Valmore)

 

La vierge, ange des cieux, qui dorait notre vie,

Dans un jour de malheur peut nous être ravie :

Mais ce qui ne fuit pas, mais l’éternel trésor

Que l’on garde en son cœur, dont on s’enivre encor,

Mais ce qui reste, alors que l’on perd une femme,

Loin d’elle, dans l’exil, ce qui console l’âme,

Ce qu’à nous enlever, on ne peut parvenir,

Ce qui survit à tout… Oh ! c’est le souvenir !

D’un passé qui n’est plus c’est le reflet fidèle,

Ce sont ces jours si doux qui s’écoulaient près d’elle,

C’est le naissant amour et les premiers aveux,

Les projets d’avenir, alors qu’on cause à deux,

Le bonheur d’écouter une molle romance,

De lui dire, les yeux humides : "Recommence !"

Et près de son piano, haletant et sans voix,

De l’une à l’autre touche ouïr glisser ses doigts ;

Ce qu’en ses rêves d’or retrouve le poëte,

C’est un front chaste et pur rapproché de sa tête,

Alors que tous deux seuls, et la main dans la main,

On s’entretient d’amour et du prochain hymen ;

C’est un rien, un sourire, un geste, une parole…

Oh ! si jamais, jeune homme, une vierge créole,

Après t’avoir aimé de son premier amour,

Par caprice, ou dédain, ou défiance, un jour,

Craignant pour son bonheur, sans pitié te délaisse..

Oh ! le cœur défaillant, épuisé de tristesse,

En voyant tout à coup tes beaux songes périr,

Tu maudiras la vie et tu voudras mourir !

Et, ne retrouvant plus, dans ta douleur amère,

Pour consoler tes maux l’amour saint d’une mère,

A la terre jetant un éternel adieu,

Pour toujours, tu voudras te reposer en Dieu.

Mais comme un ange pur et que Dieu nous envoie,

Pour soutenir nos pas dans une sombre voie,

Aux heures d’agonie oh ! tu verras venir

Pensif, à ton chevet, s’asseoir le souvenir.

Et si l’orgue, à travers ta morne rêverie,

Te jette un air connu…muet, l’âme attendrie,

Dans ton cœur écoutant s’éveiller mille voix,

Harmonieux écho des songes d’autrefois,

Pleurant, tu t’écrîras, en relisant Valmore :

"Un amour malheureux est un bonheur encore !"

Dominique Rouquette (1810-1890) - poète français de Louisiane - Le Souvenir
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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 21:49

 

 

Sophie d'Arbouville (1810-1850) Poète et nouvelliste française.


Extrait de:  Poésies et nouvelles (1840)

  
 

L'Ange de la poésie et la jeune femme

 

 L'Ange de la Poésie

Éveille-toi, ma sœur, je passe près de toi !

De mon sceptre divin tu vas subir la loi ;

Sur toi, du feu sacré tombent les étincelles,

Je caresse ton front de l'azur de mes ailes.

À tes doigts incertains, j'offre ma lyre d'or,

Que ton âme s'éveille et prenne son essor !...

 

 Le printemps n'a qu'un jour, tout passe ou tout s'altère ;

Hâte-toi de cueillir les roses de la terre,

Et chantant les parfums dont s'enivrent tes sens,

Offre tes vers au ciel comme on offre l'encens !

Chante, ma jeune sœur, chante ta belle aurore,

Et révèle ton nom au monde qui l'ignore.

 

La Jeune Femme 

Grâce !.. éloigne de moi ton souffle inspirateur !

Ne presse pas ainsi ta lyre sur mon cœur !

Dans mon humble foyer, laisse-moi le silence ;

La femme qui rougit a besoin d'ignorance.

Le laurier du poète exige trop d'effort...

J'aime le voile épais dont s'obscurcit mon sort.

Mes jours doivent glisser sur l'océan du monde,

Sans que leur cours léger laisse un sillon sur l'onde ;

Ma voix ne doit chanter que dans le sein des bois,

Sans que l'écho répète un seul son de ma voix.

 


 L'Ange de la Poésie.

Je t'appelle, ma sœur, la résistance est vaine.

Des fleurs de ma couronne, avec art je t'enchaîne :

Tu te débats en vain sous leurs flexibles nœuds.

D'un souffle dévorant j'agite tes cheveux,

Je caresse ton front de ma brûlante haleine !

 

 Mon cœur bat sur ton cœur, ma main saisit la tienne ;

Je t'ouvre le saint temple où chantent les élus...

Le pacte est consommé, je ne te quitte plus !

Dans les vallons lointains suivant ta rêverie,

Je prêterai ma voix aux fleurs de la prairie ;

Elles murmureront : "Chante, chante la fleur

Qui ne vit qu'un seul jour pour vivre sans douleur."

Tu m'entendras encor dans la brise incertaine

Qui dirige la barque en sa course lointaine ;

Son souffle redira : "Chante le ciel serein ;

Qu'il garde son azur, le salut du marin !"

J'animerai l'oiseau caché sous le feuillage,

Et le flot écumant qui se brise au rivage ;

L'encens remplira l'air que tu respireras...

Et soumise à mes lois, ma sœur, tu chanteras !
 

 

La Jeune Femme

J'écouterai ta voix, ta divine harmonie,

Et tes rêves d'amour, de gloire et de génie ;

Mon âme frémira comme à l'aspect des cieux...

Des larmes de bonheur brilleront dans mes yeux.

Mais de ce saint délire, ignoré de la terre,

Laisse-moi dans mon cœur conserver le mystère ;

 

Sous tes longs voiles blancs, cache mon jeune front ;

C'est à toi seul, ami, que mon âme répond !

Et si, dans mon transport, m'échappe une parole,

Ne la redis qu'au Dieu qui comprend et console.

Le talent se soumet au monde, à ses décrets,

Mais un cœur attristé lui cache ses secrets ;


 
Qu'aurait-il à donner à la foule légère,

Qui veut qu'avec esprit on souffre pour lui plaire ?

Ma faible lyre a peur de l'éclat et du bruit,

Et comme Philomèle, elle chante la nuit.

Adieu donc ! laisse-moi ma douce rêverie,

Reprends ton vol léger vers ta belle patrie !

 

 L'ange reste près d'elle, il sourit à ses pleurs,

Et resserre les nœuds de ses chaînes de fleurs ;

Arrachant une plume à son aile azurée,

Il la met dans la main qui s'était retirée.

En vain elle résiste, il triomphe... il sourit...

Laissant couler ses pleurs, la jeune femme écrit.
 

Sophie d'Arbouville (1810-1850) - Poète et nouvelliste française - L'Ange de la poésie et la jeune femme
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