24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 21:32

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


La petite pleureuse, à sa mère

 

On gronde l’enfant

À qui l’on défend

De pleurer quand bon lui semble ;

On dit que les fleurs

Sèchent bien des pleurs…

Tu mêles donc tout ensemble ?

 

Oui, maman, je t’ai vue avec ton air joyeux,

Le rire sur la bouche et les larmes aux yeux.


 
Au bal, sous ses bouquets, j’ai vu pleurer ma mère.

J’ai baisé cette larme, elle était bien amère.

 

Viens que je te console. Avais-tu trop dansé ?

Moi, je ne gronde pas ! Moi, quand mon pied lassé

Me défend d’être bien aise,

L’ennui qui me prend

M’arrête en courant,

Et je m’endors sur ma chaise.

 

Oh ! si je viens encor pleurer sur tes genoux,"

Maman, ne me dis plus : " Vous n’êtes pas gentille ! "

Dansons, quand nous pouvons, ou pleurons entre nous,

Mais ne nous grondons pas : vois-tu, je suis ta fille,

Et je t’aime, et je vais prier Dieu tous les jours

De m’égayer beaucoup pour t’égayer toujours !

Embrasse donc bien fort ta petite chérie,

Et jamais, plus jamais ne dis : " vous "…, je t’en prie !

Ainsi consolons-nous et donnons-nous la main :

Si nous pleurons ce soir, va ! nous rirons demain !
 

"Mère et fille" Peinture de Leon Jean Basile Perrault (1832-1908) 1894

"Mère et fille" Peinture de Leon Jean Basile Perrault (1832-1908) 1894

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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:59

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 

À M. Dubois

Directeur de l’hôpital de Douai,

sa petite fille.

 

Lève sur tes genoux ta plus petite fille,

Père ! j’ai quelque chose à cacher dans ton cœur

J’ai prié ce matin pour toute la famille,

En priant Dieu pour ton bonheur

 

Regarde ce bouquet : c’est là qu’est le mystère.

Pour le rendre plus cher à ton cœur généreux,

On l’a noué des noms de tous les malheureux

Que tu consoles sur la terre
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - À M. Dubois, Directeur de l’hôpital de Douai, sa petite fille.
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:57

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


La prière des orphelins

 

Voix d’enfants, ô voix qui chantez,

Dites-nous vers qui vous montez ?

 

— " Nous cherchons Dieu qui nous rassemble,

Dieu qui nous donna votre appui,

Et pour arriver jusqu’à lui

Nous mêlons nos souffles ensemble.

Dieu ! qui soutenez le roseau,

Dieu qui donnez l’aile à l’oiseau,

Donnez l’âme à notre prière

Pour qu’elle monte à vous, mon père ! "

 

Voix d’enfants, ô voix qui pleurez,

Dites-nous qui vous implorez ?

 

— " Nous pleurons pour l’enfant sans mère

Que nous voyons errer là-bas ;

Nous voulons un guide à ses pas,

Un refuge à sa vie amère.

Dieu, qui soutenez le roseau,

Dieu, qui donnez l’aile à l’oiseau,

 

Donnez l’âme à notre prière,

Pour qu’elle vous plaise, ô mon père ! "

 

Voix sans audace et sans frayeur,

Que demandez-vous au Seigneur ?

 

— " Le doux pardon, l’amour immense,

Pour le prisonnier palpitant,

Pour le coupable repentant,

Et pour les méchants en démence.

Dieu, qui soutenez le roseau,

Dieu qui donnez l’aile à l’oiseau,

Donnez l’âme à notre prière

Pour qu’elle monte à vous, mon père ! "

 

Voix d’enfants, dites-nous encor

Où s’en va votre tendre essor ?

 

— " Il s’en va plus haut que l’orage

Chercher les saintes charités.

Un oiseau nous a dit : " Chantez ! "

Un roseau nous a dit : " Courage ! "

Dieu ! qui soutenez le roseau,

Dieu ! qui donnez l’aile à l’oiseau,

Donnez l’âme à notre prière,

Pour qu’elle vous plaise, ô mon père ! "

 

Voix d’enfants, priez donc pour nous,

Car l’innocence est avec vous !

 

— " Dieu juste, écartez les alarmes

Des heureux qui donnent toujours !

Donnez-leur autant de beaux jours

Qu’ils nous ont épargné de larmes !

Dieu, qui soutenez le roseau,

Dieu, qui donnez l’aile à l’oiseau,

Donnez l’âme à notre prière,

Pour qu’elle vous touche, ô mon père ! "
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française - La prière des orphelins
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:56

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


Ouvrez aux enfants

 

Les enfants sont venus vous demander des roses,

Il faut leur en donner.

— Mais les petits ingrats détruisent toutes choses…

— Il faut leur pardonner.

 

Tout printemps est leur fête et tout jardin leur table ;

Qu’ils prennent à loisir !

Ils nous devront du moins, souvenir délectable !

D’avoir eu du plaisir !

 

Demain nous glanerons les roses répandues,

Trésor du jardin vert ;

Ces haleines d’été ne seront pas perdues

PoPour embaumer l'hiver.

 

Ouvrez donc aux enfants qui demandent des roses :

Il faut leur en donner ;

Et si l’instinct les pousse à briser toutes choses,

Il faut leur pardonner !
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Ouvrez aux enfants
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:55

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

Recueil : Elégies

 

Fleur d’enfance


L’haleine d’une fleur sauvage,

En passant tout près de mon coeur,

Vient de m’emporter au rivage,

Où naguère aussi j’étais fleur :

Comme au fond d’un prisme où tout change,

Où tout se relève à mes yeux,

Je vois un enfant aux yeux d’ange :

C’était mon petit amoureux ! 

Parfum de sa neuvième année,

Je respire encor ton pouvoir ;

Fleur à mon enfance donnée,

Je t’aime ! comme son miroir.

Nos jours ont séparé leur trame,

Mais tu me rappelles ses yeux ;

J’y regardais flotter mon âme :

C’était mon petit amoureux ! 

De blonds cheveux en auréole,

Un regard tout voilé d’azur,

Une brève et tendre parole,

Voilà son portrait jeune et pur :

Au seuil de ma pauvre chaumière

Quand il se sauvait de ses jeux,

Que ma petite âme était fière ;

C’était mon petit amoureux ! 

Cette ombre qui joue à ma rive

Et se rapproche au moindre bruit,

Me suit, comme un filet d’eau vive,

A travers mon sentier détruit :

Chaste, elle me laisse autour d’elle

Enlacer un chant douloureux ;

Hélas ! ma seule ombre fidèle,

C’est vous ! mon petit amoureux ! 

Femme ! à qui ses lèvres timides

Ont dit ce qu’il semblait penser,

Au temps où nos lèvres humides

Se rencontraient sans se presser ;

Vous ! qui fûtes son doux Messie,

L’avez-vous rendu bien heureux ?

Du coeur je vous en remercie :

C’était mon petit amoureux ! 
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Fleur d’enfance
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:54


 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française                                             
 

Le coucher d'un petit garçon


Couchez-vous, petit Paul ! Il pleut. C'est nuit : c'est l'heure.

Les loups sont au rempart. Le chien vient d'aboyer.

La cloche a dit : "Dormez !" et l'ange gardien pleure,

Quand les enfants si tard font du bruit au foyer.

 

"Je ne veux pas toujours aller dormir ; et j'aime

A faire étinceler mon sabre au feu du soir ;

Et je tuerai les loups ! Je les tuerai moi-même !"

Et le petit méchant, tout nu ! vint se rasseoir.

 

Où sommes-nous ? mon Dieu ! donnez-nous patience ;

Et surtout soyez Dieu ! Soyez lent à punir :

L'âme qui vient d'éclore a si peu de science !

Attendez sa raison, mon Dieu ! dans l'avenir.

 

L'oiseau qui brise l'oeuf est moins près de la terre,

Il vous obéit mieux : au coucher du soleil,

Un par un descendus dans l'arbre solitaire,

Sous le rideau qui tremble ils plongent leur sommeil.

 

Au colombier fermé nul pigeon ne roucoule ;

Sous le cygne endormi l'eau du lac bleu s'écoule,

Paul ! trois fois la couveuse a compté ses enfants ;

Son aile les enferme ; et moi, je vous défends !

 

La lune qui s'enfuit, toute pâle et fâchée,

Dit : "Quel est cet enfant qui ne dort pas encor ?"

Sous son lit de nuage elle est déjà couchée ;

Au fond d'un cercle noir la voilà qui s'endort.

 

Le petit mendiant, perdu seul à cette heure,

Rôdant avec ses pieds las et froids, doux martyrs !

Dans la rue isolée où sa misère pleure,

Mon Dieu ! qu'il aimerait un lit pour s'y blottir !"

 

Et Paul, qui regardait encore sa belle épée,

Se coucha doucement en pliant ses habits :

Et sa mère bientôt ne fut plus occupée

Qu'à baiser ses yeux clos par un ange assoupis !
 

Auguste Renoir  (1841–1919) enfant endormi_1895

Auguste Renoir (1841–1919) enfant endormi_1895

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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:53


Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

Recueil : Poésies inédites (1860).

 


Pour endormir l'enfant

 

Ah ! Si j'étais le cher petit enfant

Qu'on aime bien, mais qui pleure souvent,

Gai comme un charme,

Sans une larme,

J'écouterais chanter l'heure et le vent...

(Je dis cela pour le petit enfant).

 

Si je logeais dans ce mouvant berceau,

Pour mériter qu'on m'apporte un cerceau,

Je serais sage

Comme une image,

Et je ferais moins de bruit qu'un oiseau...

(Je dis cela pour l'enfant du berceau).

 

Ah ! Si j'étais le blanc nourrisson,

Pour qui je fais cette belle chanson,

Tranquille à l'ombre,

Comme au bois sombre,

Je rêverais que j'entends le pinson...

(Je dis cela pour le blanc nourrisson).

 

Ah ! si j'étais l'ami des blancs poussins

Dormant entre eux, doux et vivants coussins

Sans que je pleure,

J'irais sur l'heure

Faire chorus avec ces petits saints...

(Je dis cela pour l'ami des poussins).

 

Si le cheval demandait à nous voir,

Riant d'aller nager à l'abreuvoir,

Fermant le gîte,

Je crierais vite :

"Demain l'enfant pourra vous recevoir !..."

(Je dis cela pour l'enfant qu'il vient voir).

 

Si j'entendais les loups hurler dehors

Bien défendu par les grands et les forts,

Fier comme un homme

Qui fait un somme,

Je répondrais : "Passez, Messieurs, je dors !..."

(Je dis cela pour les loups du dehors).

 

On n'entendit plus rien dans la maison,

Ni le rouet, ni l'égale chanson ;

La mère ardente,

Fine et prudente,

Fit l'endormie auprès de la cloison,

Et suspendit tout bruit dans la maison.
 

Berthe Morisot (1841-1895) Le berceau 1872

Berthe Morisot (1841-1895) Le berceau 1872

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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:51

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

Recueil : Les pleurs (1833).

 

L'oreiller d'un enfant


Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,

Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi !

Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,

Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !

 

Beaucoup, beaucoup d'enfants pauvres et nus, sans mère,

Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ;

Ils ont toujours sommeil. Ô destinée amère !

Maman ! douce maman ! cela me fait gémir.

 

Et quand j'ai prié Dieu pour tous ces petits anges

Qui n'ont pas d'oreiller, moi j'embrasse le mien.

Seule, dans mon doux nid qu'à tes pieds tu m'arranges,

Je te bénis, ma mère, et je touche le tien !

 

Je ne m'éveillerai qu'à la lueur première

De l'aube ; au rideau bleu c'est si gai de la voir !

Je vais dire tout bas ma plus tendre prière :

Donne encore un baiser, douce maman ! Bonsoir !
 

  Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - L'oreiller d'un enfant
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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:51

 

 

André Chénier (1762-1794) poète et journaliste français

 

J'étais un faible enfant qu'elle était grande et belle


J'étais un faible enfant qu'elle était grande et belle ;

Elle me souriait et m'appelait près d'elle.

Debout sur ses genoux, mon innocente main

Parcourait ses cheveux, son visage, son sein,

Et sa main quelquefois, aimable et caressante,

Feignait de châtier mon enfance imprudente.

C'est devant ses amants, auprès d'elle confus,

Que la fière beauté me caressait le plus.

Que de fois (mais, hélas ! que sent-on à cet âge ?)

Les baisers de sa bouche ont pressé mon visage !

Et les bergers disaient, me voyant triomphant :

" Ô que de biens perdus ! ô trop heureux enfant ! "
 

Mary Cassatt,  Thomas et sa mère, 1893

Mary Cassatt, Thomas et sa mère, 1893

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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:50

 

 

Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) dramaturge, romancier, poète et fabuliste français. 

Recueil : Fables (1792).

 


Les enfants et les perdreaux


Deux enfants d'un fermier, gentils, espiègles, beaux,

Mais un peu gâtés par leur père,

Cherchant des nids dans leur enclos,

Trouvèrent de petits perdreaux

Qui voletaient après leur mère.

Vous jugez de la joie, et comment mes bambins

À la troupe qui s'éparpille

Vont partout couper les chemins,

Et n'ont pas assez de leurs mains

Pour prendre la pauvre famille !

La perdrix, traînant l'aile, appelant ses petits,

Tourne en vain, voltige, s'approche ;

Déjà mes jeunes étourdis

Ont toute sa couvée en poche.

Ils veulent partager comme de bons amis ;

Chacun en garde six, il en reste un treizième :

L'aîné le veut, l'autre le veut aussi.

- Tirons au doigt mouillé. - Parbleu non. - Parbleu si.

- Cède, ou bien tu verras. - Mais tu verras toi-même.

De propos en propos, l'aîné, peu patient,

Jette à la tête de son frère

Le perdreau disputé. Le cadet en colère

D'un des siens riposte à l'instant.

L'aîné recommence d'autant ;

Et ce jeu qui leur plaît couvre autour d'eux la terre

De pauvres perdreaux palpitants.

Le fermier, qui passait en revenant des champs,

Voit ce spectacle sanguinaire,

Accourt, et dit à ses enfants :

Comment donc ! Petits rois, vos discordes cruelles

Font que tant d'innocents expirent par vos coups !

De quel droit, s'il vous plaît, dans vos tristes querelles,

Faut-il que l'on meure pour vous ?
 

Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) - dramaturge, romancier, poète et fabuliste français - Les enfants et les perdreaux
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