8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 22:32

 

 

Bernard de Ventadour (v. 1150-1200) écrivain français troubadour du XII° siècle 


Extrait poème (traduit)


 

Chanson


Ce n'est pas merveille si je chante

Mieux que nul autre chanteur,

Car je tourne davantage mon cœur à l'amour

E suis mieux fait à son commandement.

Corps et cœur, et savoir et esprit,

Et force et pouvoir j'y ai mis ;

Le frein me tire tellement vers l'amour

Que vers nulle autre part je me dirige.

Bien et mort qui d'amour se sent

Au cœur quelque douce saveur.

Et à quoi bon vivre sans amour

Sinon à être ennuyeux à tout le monde,

Que jamais Dieu ne me haïsse assez

         Pour que par la suite je vive un jour ou un mois                                                      
Après qu'on m'aura reproché de donner de l'ennui

Et que je n'aurai plus désir  d'amour.

En bonne foi et sans tromperie

J'aime la plus belle et la meilleure.

Du cœur je soupire et des yeux je pleure
 

Bernard de Ventadour (c. 1150-1200) - écrivain français troubadour du XIIe - Extrait Chanson
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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 22:10

 

 

Li Bai (702-762), Li Po ou Li Bo, ou encore Li Taibai, son nom de plume, est un des plus grands poètes chinois de la dynastie Tang.


Jouer du luth et boire du vin

sont deux choses qui vont bien ensemble.

Une tasse de vin vaut, en son temps, mille onces d’or.

Bien que le ciel ne périsse point,

bien que la terre soit de longue durée,

Combien pourra durer pour nous

la possession de l’or et du jade ?

Cent ans au plus.

Voilà le terme de la plus longue espérance.

Vivre et mourir une fois,

voilà ce dont tout homme est assuré.

Ecoutez là-bas, sous les rayons de la lune,

écoutez le singe accroupi qui pleure,

tout seul, sur les tombeaux.

Et maintenant remplissez ma tasse ;

il est temps de la vider d’un seul trait.
 

Li Bai (702-762) - poète chinois de la dynastie Tang - Jouer du luth et boire du vin
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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 21:21

 

 

Wang Wei, nom de cour et de plume (701-761) poète, peintre et musicien chinois de la période Tang

 


La Gloriette-aux-Bambous

 

Seul assis au milieu des bambous

Je joue du luth et siffle à mesure

Ignoré de tous au coeur du bois

La lune s’est approchée : clarté
 

Wang Wei, nom de cour et de plume (701-761) - poète, peintre et musicien chinois - La Gloriette-aux-Bambous
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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 20:52

 

 

Ovide (43 av. J.-C.-7 ou 18 ap. J.-C.),  poète latin qui vécut durant la période de la naissance de l'Empire romain. 

 


Les Métamorphoses.

 

Mort d'Orphée - Châtiment des Ménades (11, 1-84)


Orphée, dont les chants captivent toutes les créatures, est pris à partie par les Ménades de Thrace qui, ne lui pardonnant pas son mépris à l'égard des femmes, se déchaînent contre lui. Massacrant d'abord les animaux envoûtés par le chant du poète, elles font arme de tout ce qu'elles trouvent pour lui donner le coup de grâce. (11, 1-43)

 

La nature entière pleure le poète, dont les restes mutilés et la lyre sont emportés par l'Hèbre jusqu'à la mer et finissent par échouer à Lesbos. Apollon métamorphose en rocher un serpent qui s'en prenait à la tête de son poète, tandis que l'ombre d'Orphée se retrouve définitivement réunie avec Eurydice dans les Enfers. (11, 44-66)

 

Bacchus ne laisse pas impuni le meurtre d'Orphée et, pour châtier les Ménades qui avaient participé ou assisté au meurtre, il les métamorphose en arbres enracinés sur place. (11, 67-84)

 

Tandis que le chantre de Thrace avec ce genre de récits


entraîne à sa suite forêts, bêtes sauvages et rochers,


voilà que les femmes des Cicones, en proie au délire,

la poitrine couverte de peaux de bêtes,

aperçoivent du haut d'un tertre

Orphée accompagnant ses chants des accords de sa lyre.

L'une d'elles secoue sa chevelure dans l'air léger :

"Le voilà, le voilà, celui qui nous méprise !", dit-elle

et, visant la bouche harmonieuse du poète d'Apollon,

elle lance son thyrse orné de feuilles,

qui le marque sans le blesser.

Une deuxième s'arme d'une pierre, qu'elle jette en l'air,

mais le projectile, dominé par l'accord de la voix et de la lyre,

vint tomber aux pieds du poète,

comme pour implorer son pardon après tant de folle audace.

ependant les attaques se font plus osées,

toute retenue a disparu et la démente Érinye règne en maître.

Le chant d'Orphée aurait pu émousser tous les traits ;

mais une clameur immense, la flûte du Bérécynthe au bout

recourbé, les tambourins, les battements et les hurlements

bacchiques couvrirent le son de la cithare ;

et finalement les rochers, n'entendant plus le poète,

devinrent rouges de sang.

En premier lieu, comme la voix du chanteur

tenait toujours envoûtés des oiseaux sans nombre,

des serpents, une troupe de bêtes sauvages,

les Ménades se saisirent d'eux,

qui attestaient le triomphe d' Orphée.

Ensuite, mains ensanglantées, elles se tournent vers Orphée,

et se rassemblent comme les oiseaux,

qui parfois aperçoivent un oiseau de nuit errant en plein jour ;

et comme dans un amphithéâtre des chiens s'acharnent sur un

cerf condamné à périr le matin dans l'arène,

elles fondent sur le poète et jettent sur lui

leurs thyrses ornés de verts feuillages,

des thyrses non destinés à cet usage.

Les unes lancent des mottes de terre, d'autres

des branches d'arbres arrachées,d'autres des pierres.

Et comme pour fournir des armes à leur fureur,

le hasard voulut que des boeufs tirant

une charrue remuent la terre et que, non loin de là,

de robustes paysans tout en sueur préparent les récoltes,

en creusant péniblement leurs champs.

À la vue de la troupe des femmes, ils fuient,

laissant sur place leurs instruments de travail.

Dans les champs désertés gisent épars des sarcloirs,

de lourds râteaux et de longues houes.

Ces sauvages s'emparent des outils, mettent en pièces

les boeufs aux cornes menaçantes,

puis viennent s'en prendre à la vie du poète.

Il tendait les mains et alors pour la première fois,

ses paroles restaient sans effet

et sa voix ne touchait plus rien ni personne.

Les femmes sacrilèges l'achèvent et, ô Jupiter,

par cette bouche écoutée par les rochers

et comprise par les bêtes sauvages,

son âme s'est exhalée et s'est éloignée dans le vent.

les durs rochers, les forêts qui souvent ont suivi ton chant,

tous t'ont pleuré. L'arbre, dépouillé de son feuillage, cheveux

rasés, a pris ton deuil ; les fleuves mêmes racontent

qu'ils se sont gonflés de leurs propres larmes ;

les Naïades et les Dryades couvrirent leurs voiles de couleur

sombre et laissèrent flotter leurs cheveux.

Les membres d'Orphée sont dispersés en divers lieux ;

toi, l'Hèbre, tu as recueilli sa tête et sa lyre,

et – miracle ! –, sa lyre, glissant au milieu du fleuve,

émet une sorte de sanglot plaintif ;

sa langue sans vie murmure, plaintive, et,

plaintives, les rives répondent.

Maintenant parvenus à la mer ces restes

quittent le fleuve familier et prennent possession

du rivage de la Méthymne de Lesbos.

Là un affreux serpent veut s'en prendre à cette tête

abandonnée sur ce rivage étranger,

à ces cheveux d'où l'eau dégouline.

Finalement Phébus survient et écarte le serpent

prêt à mordre et il transforme en pierre sa gueule béante,

et ses mâchoires figées se durcissent,

telles qu'elles étaient, largement écartées.

L'ombre d'Orphée se glisse sous terre

et il reconnaît tous les lieux qu'il avait vus avant ;

puis, la cherchant dans les champs réservés

aux êtres pieux, il découvre Eurydice

et la serre dans ses bras avides.

Tantôt tous deux, accordant leurs pas,

se promènent en ce lieu  ; tantôt, il la suit et elle le précède ;

tantôt il marche le premier, et sans crainte désormais,

Orphée se retourne et regarde son Eurydice. 

Cependant Lyaeus ne permet pas que ce crime reste impuni.

Pleurant la perte du chantre de ses mystères sacrés,

il fixe aussitôt dans la forêt, à l'aide de racines sinueuses,

toutes les femmes édoniennes, qui avaient vu le crime impie :

à l'endroit même où chacune d'elles avait poursuivi le poète,

il avait allongé leurs orteils,

et enfoncé leurs extrémités dans le sol ferme.

Ainsi, lorsque un oiseau, qui a mis sa patte dans les filets

tendus par un oiseleur habile, a compris qu'il est captif,

il bat des ailes, s'agite

et ses mouvements resserrent ses liens.

De même, toutes les Ménades, une fois solidement fixées

au sol, tentaient éperdument de fuir.

Mais en vain : une souple racine

les retient prisonnières et entrave leurs bonds.

 Et quand elles cherchent où sont leurs doigts,

leurs pieds  et leurs ongles, elles voient du bois

gagnant leurs mollets galbés;

et, quand, de chagrin, elles tentent de frapper leurs cuisses,

leur main percute du bois.

Leur poitrine devient ligneuse,

ligneuses leurs épaules ; leurs bras tendus,

on les prendrait pour de vraies branches,

et l'on ne se tromperait pas en le croyant.

Émile Bin (1825-1897) La mort d'Orphée

Émile Bin (1825-1897) La mort d'Orphée

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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 20:39

 

 

Ovide ( 43 av. J.-C.-17 ou 18 ap. J.-C.), poète latin 

 


XV
Sappho à Phaon 

Contrairement à Sappho, le personnage de Phaon est une création…


Est-ce qu’au vu de cette lettre écrite d’une main passionnée

Tes yeux ont aussitôt reconnu qu’il s’agissait de la mienne ?

Si tu n’avais pas lu le nom de son auteur, Sappho,

Ne saurais-tu d’où vient cette œuvre brève ?

Peut-être vas-tu te demander pourquoi mes vers sont alternés

Alors que je suis plus portée vers les mètres lyriques 

Mon amour doit se dire en pleurant : élégie, poème des pleurs ;

Nul autre chant ne s’accorde à mes larmes.

Je me consume comme brûle, sous les flammes attisées

Par l’indomptable Eurus,

un champ fertile aux récoltes incendiées.

Phaon fréquente les plaines lointaines de l’Etna de Typhée 

Moi, l’ardeur qui m’habite n’est pas moindre

que le feu de l’Etna,

Et les vers que je pourrais unir à l’harmonie des cordes

Ne me viennent pas : 

le poème a besoin que l’on ait l’esprit libre.

Ni les femmes de Pyrrha ni celles de Méthymne

Ni aucune des autres Lesbiennes ne me charment.

Sans intérêt pour moi est Anactorié,

sans intérêt l’éblouissante Cydro ;

Atthis n’est plus, comme jadis, agréable à mes yeux,

Et cent autres que j’ai été, certes, coupable d’aimer.

Cruel, tu possèdes à toi seul

ce qui a appartenu à tant de femmes.

Ta beauté, ta jeunesse sont faits pour les jeux d’amour.

Ô beauté traîtresse pour mes yeux !

Prends une lyre et un carquois :

tu deviendras Apollon en personne ;

Que des cornes te poussent sur le front et tu seras Bacchus.

Phœbus a aimé Danaé et Bacchus la fille de Gnose 

En revanche les Muses me dictent les poèmes les plus exquis ;

Mon nom est déjà célébré dans l’univers entier

Et Alcée, mon compatriote et frère en poésie, n’est pas

Plus encensé bien que ses chants soient fort sublimes.

Si la nature capricieuse m’a refusé la beauté,

Je pallie ce défaut de beauté par mon talent.

Je suis petite, mais j’ai un nom qui peut emplir toute la terre ;

Je dois ma stature à ma seule réputation.

Si je n’ai pas la peau claire, la fille de Céphée, Andromède,

Qui plut à Persée, avait le teint basané de son pays

Et les blanches colombes s’unissent

souvent à d’autres bigarrées,

Et la tourterelle noire est aimée par un oiseau vert.

Si tu ne veux pas d’autre femme que celle dont la beauté

Te paraîtra digne de toi,

tu n’auras pas de femme, pas de femme !

 

Lorsque tu lisais mes poèmes, je te paraissais même belle :

Tu jurais que j’étais la seule à pouvoir parler sans fin.

Je chantais, je m’en souviens

(les amantes se souviennent de tout) ;

Pendant que je chantais, tu me volais des baisers.


Tu en étais même enchanté et je te plaisais en tous points

Mais bien plus encore au moment de l’acte d’amour.

Alors, tu trouvais un charme fou à ma sensualité,

À mon insatiable activité,

aux mots qui accompagnaient nos ébats

Et au fait que, une fois épuisé le plaisir de l’un et l’autre,

Une intense langueur envahissait nos corps las.

Maintenant, ce sont les filles de Sicile,

 

proie nouvelle, qui viennent à toi ;

Qu’ai-je à voir avec Lesbos ? Je veux être Sicilienne !

Ô vous, renvoyez de votre pays ce vagabond,

Mères de Mégare et brus de Mégare,

Et que ses paroles flatteuses

 

et mensongères ne vous abusent pas :

Ce qu’il vous dit, c’est à moi qu’auparavant il l’a dit.

Quant à toi, déesse Érycine qui habites les monts de Sicile

Protège ta poétesse – car je suis à toi.

La puissante Fortune poursuit-elle sa marche inexorable

Et demeure-t-elle, dans sa course, toujours aussi dure ?

J’avais six ans lorsque, recueillis avant l’heure,

Les restes de mon père ont absorbé mes larmes ;

Puis, amouraché d’une prostituée, mon frère a brûlé de désir

Et en a subi le préjudice, joint à la honte du déshonneur.

Devenu pauvre, il sillonne les mers d’azur sur un bateau léger

Et les biens qu’il a coupablement perdus,

il les cherche coupablement 

Et parce que je l’ai souvent bien conseillé,

avec franchise, il me hait :

C’est ce que m’ont valu mon franc-parler, mon dévouement,

Et comme si je n’avais pas assez de ces tourments sans fin

Ma petite fille ajoute encore à mes soucis.

Et tu viens par surcroît : dernière raison de me lamenter ;

Non, ce n’est pas un vent propice qui pousse mon bateau !

Mes cheveux s’étalent sur mon cou, épars et en désordre,

Et aucune pierre précieuse ne brille à mes doigts.

Je suis vêtue très simplement,

ma coiffure n’est pas tressée d’or,

Ma chevelure ne connaît pas les présents d’Arabie.

Pour qui me parer, malheureuse, à qui m’efforcer de plaire ?

L’unique destinataire de mon élégance est absent.

J’ai le cœur tendre et vulnérable aux flèches rapides,

Et c’est toujours de sa faute si je suis toujours amoureuse,

Soit que les Sœurs l’aient ainsi décidé à ma naissance

En ne dotant pas ma vie d’un fil rigoureux,

Soit que les préoccupations influencent

le caractère et que Thalie

En m’enseignant son art, m’ait façonné un tempérament tendre.

Quoi d’étonnant si j’ai été séduite

par l’âge où la barbe est naissante,

Ces années qui peuvent susciter l’amour d’un homme ?

J’avais peur, Aurore, que tu ne l’enlèves à la place de Céphale

Et tu pouvais le faire, mais ton premier rapt te retient 

Si tu le voyais, toi, Phœbé qui vois tout,

C’est Phaon qui serait condamné à dormir éternellement 

Vénus l’aurait bien emporté sur son char d’ivoire

Mais elle sait qu’il pourrait plaire à son cher Mars.

Toi qui n’es pas encore un jeune homme et déjà plus un enfant,

Le bel âge, toi l’honneur et l’immense gloire de ton siècle,

Viens ici, beau garçon, et retombe dans mes bras !

Je ne demande pas que tu m’aimes,

mais que tu te laisses aimer.

J’écris et les larmes jaillissent et coulent de mes yeux ;

Regarde toutes les taches qui se trouvent à cet endroit.

Si tu étais bien décidé à t’en aller d’ici, tu pouvais partir

Plus correctement en me disant : "Adieu, fille de Lesbos."

Tu n’as emporté ni mes larmes ni mes derniers baisers ;

Enfin, je n’ai pu m’inquiéter de ce que j’allais souffrir.

Je n’ai rien de toi mis à part cet outrage et toi

Tu n’as pas de présent pour te rappeler ton amante.

Je ne t’ai point fait de recommandations et je ne t’en aurais,

Du reste, fait aucune sinon

celle de bien vouloir ne pas m’oublier.

Je te le jure par Amour,

qui ne s’éloigne jamais beaucoup de toi,

Et par les neuf déesses, mes puissances divines :

Lorsque je ne sais qui m’a dit : "Ton amoureux s’enfuit",

Longtemps je n’ai pu ni pleurer ni parler ;

Mes yeux étaient sans larmes, ma bouche sans paroles,

Un froid glacial me comprimait le cœur.

Quand la douleur s’est révélée je me suis, sans honte, frappé

La poitrine, arraché les cheveux en hurlant

Ainsi qu’une mère aimante qui porterait vers un bûcher dressé

Le cadavre de son fils que la mort lui aurait ravi.

Mon frère Charaxus se réjouit de ma détresse et s’en sert,

Allant et venant devant mes yeux en disant,

Pour bien montrer que la raison de ma douleur est honteuse :

"De quoi s’afflige-t-elle ? Sa fille est bien vivante !"

La pudeur et l’amour ne vont pas bien ensemble :

le peuple entier

Voyait, sous ma tunique déchirée, que j’avais les seins nus.

C’est toi, Phaon, qui me tourmentes ; toi que je revois en rêve,

Des rêves plus clairs qu’une belle journée.

C’est là que je te retrouve,

bien que tu sois absent de ce pays ;

Mais la joie du sommeil ne se prolonge pas assez.

J’ai souvent l’impression d’appuyer ma tête

au creux de tes bras,

Souvent celle de soutenir la tienne au creux des miens.

Je reconnais les baisers que ta langue savait faire naître,

Aussi experte à les recevoir qu’à les donner.

Parfois, je me caresse et j’emploie exactement les mêmes mots

Que dans la vie réelle,

et ma bouche est attentive à mes sens ;

J’ai honte de te raconter la suite, mais elle a lieu

Et je jouis, et il m’est impossible de rester sèche.

Mais lorsqu’apparaît le Titan et toutes choses avec lui

Je déplore que le sommeil m’abandonne si vite.

Je recherche les grottes et les bois comme si grottes et bois

Pouvaient m’aider ; car ils ont été complices de mes plaisirs.

Là, privée de raison, telle une possédée de la terrible Enyo 

Les cheveux tombant autour de mon cou, je suis emportée.

Mes yeux revoient ces grottes, creusées dans le tuf rugueux,

Qui me paraissaient égaler le marbre de Mygdonie.

Je retrouve la forêt qui nous a souvent offert une couche

Et nous a couverts de son épaisse et sombre chevelure.

Mais je ne trouve pas le maître de cette forêt et le mien :

Ce lieu n’est qu’un terrain vulgaire ;

c’est lui qui lui donnait du prix.

J’ai reconnu l’herbe foulée de la clairière que je connais bien :

Le poids de nos corps y avait courbé le gazon.

Je m’y suis étendue et j’ai touché l’endroit où tu étais ;

L’herbe jadis accueillante a bu mes larmes.

Bien plus, les branches dépouillées de leurs feuilles semblent

pleurer, et aucun oiseau n’y émet de plaintes suaves.

Seul l’oiseau de Daulis,

mère accablée qui se vengea de son époux

De manière impie, célèbre Itys l’Ismarien 

L’oiseau chante Itys, Sappho l’amour qui lui manque ;

Voilà : tout le reste se tait, comme en pleine nuit.

Il y a là, ravissante et plus transparente qu’un clair ruisseau,

Une source sacrée ; elle est habitée,

pense-t-on, par une divinité.

Un lotus d’eau étend ses branches au-dessus d’elle :

Un arbre à lui tout seul. La terre verdoie d’herbe tendre.

 peine y avais-je étendu, en larmes, mon corps las

Qu’apparut devant mes yeux une Naïade ;

Elle apparut en disant : "Puisque tu brûles d’une passion

Non partagée, il faut que tu gagnes la terre d’Ambracie."

Phœbus voit, d’un promontoire, toute l’étendue de la mer :

Les habitants l’appellent mer d’Actium et de Leucade.

C’est de là qu’embrasé d’amour pour Pyrrha, Deucalion

S’est jeté, et son corps a touché l’eau sans se blesser

Aussitôt, un amour réciproque a transpercé l’insensible cœur

De Pyrrha ; délivré, Deucalion s’est détaché de sa passion.

Voilà la propriété de ce lieu. "Gagne tout de suite les hauteurs

de Leucade et saute sans crainte du rocher."

Sur ce conseil, elle se tut et disparut. Je me dressai, transie,

Et mes yeux ne réprimèrent pas leurs larmes.

J’irai, ô nymphe, je gagnerai le rocher que tu m’as indiqué ;

Que la crainte s’éloigne, vaincue par mon amour fou.

De toute façon, ce sera mieux que maintenant. Brise,

Glisse-toi sous moi : mon corps ne pèse pas bien lourd.

Toi aussi, tendre Amour, soutiens ma chute avec tes ailes

Pour que ma mort ne soit pas imputée aux eaux de Leucade.

En retour, j’offrirai à Phœbus une lyre

– notre instrument commun –

Et j’écrirai au-dessous les deux vers suivants :

Merci, Phœbus ; je t’offre cette lyre,

moi, Sappho la poétesse ;

Elle est faite pour moi, elle est faite pour toi.

Mais pourquoi m’envoies-tu, malheureuse,

vers les rivages d’Actium

Lorsque tu peux toi-même revenir de tes errances ?

Tu peux m’être plus salutaire que les eaux de Leucade ;

Ta beauté, tes mérites feront de toi mon Phœbus.

Pourras-tu assumer, si je meurs – toi plus dur que les pierres

Et que toutes les eaux –, la responsabilité de ma mort ?

Et pourtant, combien mon cœur pourrait s’unir à toi

Plutôt que se laisser précipiter du haut de roches !

C’est ce cœur, Phaon, que tu ne cessais de louer

Et qui t’a semblé si souvent intelligent.

Aujourd’hui, j’aimerais être éloquente ;

la souffrance fait obstacle

Au talent et mes malheurs ont figé en moi toute intelligence.

Je n’ai nul écho dans mes vers de mon ancienne force :

Mon luth se tait de douleur, de douleur ma lyre est muette.

Lesbiennes de la mer, jeunes mariées ou fiancées,

Lesbiennes, dont j’ai chanté les noms sur ma lyre éolienne,

Lesbiennes aimées qui avez fait de moi un objet de scandale,

Cessez d’accourir en foule au son de ma cithare.

Phaon a tout emporté de ce qui vous plaisait jadis

(Malheureuse ! j’allais presque dire : mon Phaon).

Faites-le revenir, et votre poétesse reviendra :

C’est lui qui donne des forces à mon talent,

lui qui me les enlève.

Pourquoi me répandre en prières ? un cœur inculte s’émeut-il

Ou reste-t-il impassible aux mots fragiles

qu’emportent les zéphyrs ?

Eux qui emportent mes paroles,

je voudrais qu’ils ramènent tes voiles ;

C’est ce qu’il faudrait que tu fasses,

insensible, si tu étais avisé.

Si tu dois revenir et si l’on prépare

pour ton bateau des offrandes

Votives, pourquoi ce retard qui me déchire le cœur ?

Appareille ! Vénus, née de la mer,

rend la mer clémente aux amants :

La brise te poussera ; tu n’as qu’à appareiller.

Installé à la poupe, Cupidon en personne tiendra le gouvernail ;

Il mettra à la voile ou ralentira d’une main légère.

Ou s’il te plaît de fuir bien loin Sappho de Lesbos –

Et pourquoi le mériterais-je, tu ne peux le déterminer –,

Fais-le moi dire au moins par une lettre dure,

Afin que je trouve la mort dans les eaux de Leucade.
 

Jacques-Louis David  (1748-1825) - Sappho et Phaon

Jacques-Louis David (1748-1825) - Sappho et Phaon

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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 17:57

 

 

Properce (47 av. J.-C.- v. 16/15 av. J.-C. ) poète latin 

 


Elegie II - A Cynthie


...

C'est pour toi qu'Apollon dispose de sa lyre ;

Sur un rythme aonien Calliope t'inspire ;

Tu mets dans tes discours les charmes de Phébus ;

Minerve, pour t'orner, s'entend avec Vénus.

Riche de leurs faveurs, tu seras, ma Cynthie,

Loin d'un luxe importun, le bonheur de ma vie.

 Nicolas Poussin Apollon ou l'inspiration du poête

Nicolas Poussin Apollon ou l'inspiration du poête

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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 17:37

 

 

Trésor des Athéniens (138 et 128 av. J.-C.) 

Les hymnes delphiques à Apollon ont été découverts en Mai 1893 à Delphes, par l’École française d’Athènes, lors d’une exploration des ruines du " Trésor des Athéniens ".

Emile Martin : traduction du deuxième hymne delphique à Apollon. 

Le poète invite les Muses à quitter l’Hélicon pour chanter leur frère, Apollon. Il raconte sa naissance et l’apaisement que toute la nature en ressentit.

 

Hymne delphique à Apollon. 


" Venez sur cette double cime qui regarde au loin,

Le Parnasse ami des chœurs, et présidez à mes chants, 

Ô Piérides, qui habitez les roches neigeuses de l’Hélicon. 

Venez chanter le Pythien aux cheveux d’or, 

Le maître de l’arc et de la lyre, Phébus, 

Qu’enfanta l’heureuse Latone près du lac illustre, 

Quand, dans ses douleurs, elle eût touché de ses mains 

Un rameau verdoyant de l’olivier ".

Raphaël - Le Parnasse (détail_Apollon)

Raphaël - Le Parnasse (détail_Apollon)

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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 17:32

 

 

Genèse 31 : 26-27-28

 

Alors Laban dit à Jacob : 

Qu'as-tu fait ? 

Pourquoi m'as-tu trompé, et emmènes-tu mes filles 

comme des captives par l'épée ? 

Pourquoi as-tu pris la fuite en cachette, m'as-tu trompé, 

et ne m'as-tu point averti ? 

Je t'aurais laissé partir au milieu des réjouissances

et des chants, au son du tambourin et de la harpe. 

Tu ne m'as pas permis d'embrasser mes fils et mes filles!

C'est en insensé que tu as agi.…
 

Genèse 31 : 26-27-28  - Alors Laban dit à Jacob : 
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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 17:22

 

 

Méléagre de Gadara (v. 140 av. J.-C. -v. 60 av. J.-C. ), poète grec 

 

Epigramme

Sauterelle


Sauterelle, charme de mes amours,

Consolation de mes insomnies,

Muse des guérets aux ailes harmonieuses, 

Naturel écho de la lyre, chante-moi quelque air aimé, 

En frappant avec tes pieds tes ailes sonores, 

Afin de me délivrer de mes soins et de mes peines, 

Ô sauterelle, par ces délicieuses modulations 

Qui dissipent les tourments de l'amour. 

Je te promets un présent matinal, une ciboule fleurie 

Et des gouttelettes de la rosée des champs.
 

Méléagre de Gadara (v. 140 av. J.-C. -v. 60 av. J.-C. ) - poète grec - épigramme Sauterelle
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8 mai 2024 3 08 /05 /mai /2024 16:08

 

 

Méléagre de Gadara (v. 140 av. J.-C. -v. 60 av. J.-C. ), poète grec 

 


Cléarista


Cléarista, en déliant sa ceinture virginale, 

N'a point épousé son fiancé, mais Pluton. 

Tout à l'heure, les flûtes du soir résonnaient encore 

Aux portes de la chambre des époux 

Et guidaient les pas bruyants des danseurs ; 

Et les flûtes du matin ont éclaté en sanglots, 

Et Hyménée a fait succéder au silence des cris lamentables. 

Les mêmes flambeaux, Cléarista, 

Qui éclairèrent ta couche nuptiale, te montrèrent,

Après ta mort, le chemin des enfers.
 

Pluton avec une corne d'abondance (amphore attique à figures rouges, ca. 470 av. J.-C.)

Pluton avec une corne d'abondance (amphore attique à figures rouges, ca. 470 av. J.-C.)

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