Remy de Gourmont, né au manoir de la Motte à Bazoches-au-Houlme, près d'Argentan (Orne), le 4 avril 1858 et mort à Paris le 27 septembre 1915 est un écrivain français, à la fois romancier, journaliste et critique d'art, proche des symbolistes.
Le Verger
Simone, allons au verger
Avec un panier d’osier.
Nous dirons à nos pommiers,
En entrant dans le verger :
Voici la saison des pommes.
Allons au verger, Simone,
Allons au verger.
Les pommiers sont plein de guêpes,
Car les pommes sont très mûres :
Il se fait un grand murmure
Autour du vieux doux-aux-vêpes.
Les pommiers sont pleins de pommes,
Allons au verger, Simone,
Allons au verger.
Nous cueillerons le calville,
Le pigeonnet et la reinette,
Et aussi des pommes à cidre
Dont la chair est un peu doucette.
Voici la saison des pommes,
Allons au verger, Simone,
Allons au verger.
Tu auras l’odeur des pommes
Sur ta robe et sur tes mains,
Et tes cheveux seront pleins
Du parfum doux de l’automne.
Les pommiers sont pleins de pommes,
Allons au verger, Simone,
Allons au verger.
Simone, tu seras mon verger
Et mon pommier de doux-aux-vêpes ;
Simone, écarte les guêpes
De ton coeur et de mon verger.
Voici la saison des guêpes,
Allons au verger, Simone,
Allons au verger.
Charles Frémine, né le 3 mai 1841 à Villedieu-les-Poêles et mort le 10 juin 1906 à Paris, est un journaliste, poète et écrivain français.
La chanson du pays
Les pommiers
Quand les récoltes sont rentrées
Et que l'hiver est revenu,
Des arbres, en files serrés,
Se déroulent sur le sol nu ;
Ils n'ont pas le port droit des ormes,
Ni des chênes les hauts cimiers ;
Ils sont trapus, noirs et difformes :
Pourtant qu'ils sont beaux mes pommiers !
Leurs rangs épais couvrent la plaine
Et la vallée et les plateaux ;
En droite ligne et d'une haleine
Ils escaladent les coteaux ;
Tout leur est bon, le pré, la lande...
Mais s'il faut du sable aux palmiers,
Il faut de la terre normande
À la racine des pommiers !
Quand Mai sur leur tête arrondie
Pose une couronne de fleurs,
Les filles de la Normandie
N'ont pas de plus fraîches couleurs ;
Leurs floraisons roses et blanches
Sont la gloire de nos fermiers :
Heureux qui peut voir sous leur branches
Crouler la neige des pommiers !
Les matinales tourterelles
Chantent dans leurs rameaux touffus,
Et les geais y font des querelles
Aux piverts logés dans leurs fûts ;
Les grives s'y montrent très dignes
Et tendres comme des ramiers ;
Elles se grisent dans les vignes,
Mais font leurs nids dans les pommiers.
L’automne vient qui les effeuille ;
Les pommiers ont besoin d’appuis,
Et leurs longs bras, pour qu’on les cueille,
Jusqu’à terre inclinent leurs fruits ;
Ève fut prise à leur caresse,
Ils la tentèrent les premiers ;
Gloire à la grande pécheresse !
L'amour est né sous les pommiers !
Leurs fleurs, leurs oiseaux, leurs murmures,
Ont enchanté mes premiers jours,
Et j'ai, plus tard, sous leurs ramures
Mené mes premières amours ;
Que l'on y porte aussi ma bière,
Et mon corps, sans draps ni sommiers,
Dans un coin du vieux cimetière
Dormira bien sous les pommiers !
L'abbé Joseph Reyre (1735-1812) était un jésuite et écrivain français, spécialisé dans la littérature de jeunesse.
Le Pommier dépouillé de son fruit
Voyez-vous, disait un pommier
Aux arbres de son entourage,
Quand le fruit sous son poids le forçait à plier,
Voyez-vous comme on vient ici me rendre hommage ?
Je vois arriver tour à tour
Le maître du jardin ainsi que la maîtresse
Enfants et valets, tout s’empresse
Soir et matin à me faire la cour,
Il n’est, ma foi, rien tel que la richesse,
Pour avoir grand nombre d’amis.
Voisin, je suis de votre avis,
Lui dit un vieux poirier ; mais attendez, de grâce,
Qu’à l’hiver l’automne ait fait place,
Et de cette amitié vous connaîtrez le prix.
La réflexion était bonne ;
Car dès qu’on eut cueilli le fruit,
Adieu maître, maîtresse, enfants, valets, tout fuit,
Le pommier resta seul et ne vit plus personne.
Etonné de ce changement,
On ne m’aimait donc pas, dit-il en soupirant,
Et l’on n’en voulait qu’à mes pommes ?
Oui, lui dit le poirier, vous ne vous trompez point.
Mais, pour vous consoler, sachez que sur ce point,
Comme vous on traite les hommes.
Ils ont beaucoup d’amis tandis qu’ils sont heureux ;
Dès qu’ils ne le sont plus, chacun s’éloigne d’eux.
Germain Marie Bernard Nouveau, né le 31 juillet 1851 à Pourrières (Var) en France où il est mort le 4 avril 1920, est un poète français.
Recueil : Valentines (1885)
Le cidre
Je veux en vider un grand litre.
C'est très chic le cidre, et d'abord
C'est le tien ! je l'aime à ce titre.
Il est clair, derrière sa vitre,
Comme une aube des Ciels du Nord.
C'était le cidre de Corneille,
Ne pas confondre avec le Cid :
Le premier sort de la bouteille,
L'autre, le casque sur l'oreille,
Doit venir de Valladolid.
C'était le cidre de Guillaume,
Duc des Normands pleins de valeur,
Qui fit, sur leur nouveau royaume,
Flotter les plumes de son heaume,
Plus doux que les pommiers en fleur !
Ah ! vos pommiers criblés de pommes,
Savez-vous qu'ils ne sont pas laids !
Il me semble que nous y sommes,
Non loin des flots, où sont les hommes,
Près du sable, où sont les mollets.
Et les pommes donc ! qui n'adore
Leurs jolis rouges triomphants !
Qu'elles soient deux ou plus encore ;
Sans les pommes que l'on dévore,
Personne ne ferait d'enfants.
L'humanité serait peu flère ;
Vos cœurs, Femmes, seraient glacés.
Sans les pommes... qu'avait ton père,
Sans celles qu'adorait ma mère
Oh !... plutôt trop, que pas assez.
Ah ! bienheureuses sont les branches,
Qui cachent, dans leur gai fouillis,
Le cidre d'Harfleur ou d'Avranches,
Que l'on boit gaiement, les dimanches,
Aux cabarets de ton pays !
Et bienheureux sont ceux qui portent
Ces fruits dans toutes leurs saveurs ;
Que jamais, jamais ils n'avortent,
Puisque aussi bien c'est d'eux que sortent
Les Buveuses et les Buveurs !
Antoine Vincent Arnault (né le 1er janvier 1766 à Paris et mort le 16 septembre 1834 à Goderville) est un homme politique, poète et auteur dramatique français, deux fois élu à l'Académie française.
Recueil : Poésies mêlées (1826)
Le jardin des Hespérides
Je vois bien l'arbre aux pommes d'or
Prospérer dans vos prés humides ;
Mais cela n'en fait pas encor
Un vrai jardin des Hespérides.
La timide sécurité
N'avait pas de plus doux asile
Que le verger riche et tranquille,
Par les fils d'Atlas habité.
Loin du loup, la brebis, en joie,
Y bondissait parmi les fleurs,
Et de l'hyène aux yeux menteurs
Les agneaux n'étaient pas la proie.
L'honnête homme, sans passe-ports,
S'y promenait exempt d'alarmes.
Un dragon veillait au dehors ;
Mais au dedans pas de gendarmes.
Écrit à La Haye, en 1818