Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:16


 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français

Recueil : Océan - vers.

 


Mes poèmes


Mes poèmes ! soyez des fleuves !

Allez en vous élargissant !

Désaltérez dans les épreuves

Les coeurs saignants, les âmes veuves,

Celui qui monte ou qui descend.

 

Que l'aigle plonge, loin des fanges,

Son bec de lumière en vos eaux !

Et dans vos murmures étranges

Mêlez l'hymne de tous les anges

Aux chansons de tous les oiseaux 
 

 Victor Hugo (1802-1885) - Poète français - Mes poèmes
Partager cet article
Repost0
1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:16

 

Victor Hugo (1802-1885) - Poète français - La tombe dit à la rose  


Les Voix intérieures 

 

La tombe dit à la rose 


La tombe dit à la rose :

– Des pleurs dont l’aube t’arrose

Que fais-tu, fleur des amours ?

La rose dit à la tombe :

– Que fais-tu de ce qui tombe

Dans ton gouffre ouvert toujours ?

La rose dit : – Tombeau sombre,

De ces pleurs je fais dans l’ombre

Un parfum d’ambre et de miel.

La tombe dit : – Fleur plaintive,

De chaque âme qui m’arrive

Je fais un ange du ciel !
 

Victor Hugo (1802-1885) - Poète français - La tombe dit à la rose 
Partager cet article
Repost0
1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:15

 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français

Extrait de:  Les chansons des rues et des bois (1865)

 


 Fuis l'Eden des Anges déchus

 

Fuis l'éden des anges déchus ;

Ami, prends garde aux belles filles ;

Redoute à Paris les fichus,

Redoute à Madrid les mantilles.

 

Tremble pour tes ailes, oiseau,

Et pour tes fils, marionnette.

Crains un peu l'oeil de Calypso,

Et crains beaucoup l'oeil de Jeannette.

 

Quand leur tendresse a commencé,

Notre servitude est prochaine.

Veux-tu savoir leur A B C ?

Ami, c'est Amour, Baiser, Chaîne.

 

Le soleil dore une prison,

Un rosier parfume une geôle,

Et c'est là, vois-tu, la façon

Dont une fille nous enjôle.

 

Pris, on a sa pensée au vent

Et dans l'âme une sombre lyre,

Et bien souvent on pleure avant

Qu'on ait eu le temps de sourire.

 

Viens dans les prés, le gai printemps

Fait frissonner les vastes chênes,

L'herbe rit, les bois sont contents,

Chantons ! Oh, les claires fontaines !
 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français - Fuis l'Eden des Anges déchus
Partager cet article
Repost0
1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:15

 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français

Extrait de:  Toute la lyre (1888 et 1893)

 

Le 4 avril 1854.


Les Evangélistes


Sur des livres où rien n'était écrit encore,

Quatre hommes méditaient quand mourut l'homme-Dieu ;

Tournés au nord, au sud, au couchant, à l'aurore,

Ces hommes se nommaient Luc, Jean, Marc et Matthieu.

Pendant que sur leur noir registre

Tombait l'ombre du mont sinistre,

Et qu'ils rêvaient, battus des vents,

On vit, sur la croix qui nous navre ;

Les clous de l'immense cadavre

Grandir et devenir vivants.

 

Le premier clou devint un aigle à forme étrange,

Le second fut un boeuf, le troisième un lion,

Le quatrième prit la figure d'un ange

Ayant l'éclair pour aile et pour oeil le rayon ;

Puis, s'envolant du haut calvaire,

Ils quittèrent l'arbre sévère,

Ils quittèrent l'affreux chevet,

Et chacun, dans l'ombre où nous sommes,

À l'oreille de ces quatre hommes

Vint raconter ce qu'il savait.
 

Les quatre Evangélistes Saint Matthieu, Saint Marc, Saint Luc, Saint Jean 17° s. - Artus Wolfaerts - Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Les quatre Evangélistes Saint Matthieu, Saint Marc, Saint Luc, Saint Jean 17° s. - Artus Wolfaerts - Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 19:52

 

Charles Baudelaire (1821-1867) Poète français

Recueil : Les fleurs du mal (1857).

 

 

Réversibilité

 

Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,

La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,

Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits

Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse ?

Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse ?

 

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,

Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,

Quand la Vengeance bat son infernal rappel,

Et de nos facultés se fait le capitaine ?

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine ?

 

Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,

Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,

Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,

Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres ?

Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres ?

 

Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,

Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment

De lire la secrète horreur du dévouement

Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avides ?

Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides ?

 

Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,

David mourant aurait demandé la santé

Aux émanations de ton corps enchanté ;

Mais de toi je n'implore, ange, que tes prières,

Ange plein de bonheur, de joie et de lumières !
 

Charles Baudelaire (1821-1867) - Poète français - Réversibilité
Partager cet article
Repost0
30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 19:52

 

Pierre de Ronsard (1524-1585) Poète français


Recueil : Le premier livre des Amours (1552).

 

Ange divin, qui mes plaies embaume

 

Ange divin, qui mes plaies embaume,

Le truchement et le héraut des dieux,

De quelle porte es-tu coulé des cieux,

Pour soulager les peines de mon âme ?

 

Toi, quand la nuit par le penser m'enflamme,

Ayant pitié de mon mal soucieux,

Ore en mes bras, ore devant mes yeux,

Tu fais nager l'idole de ma Dame.

 

Demeure, Songe, arrête encore un peu !

Trompeur, attends que je me sois repu

De ce beau sein dont l'appétit me ronge,

 

Et de ces flancs qui me font trépasser :

Sinon d'effet, souffre au moins que par songe

Toute une nuit je les puisse embrasser.
 

Pierre de Ronsard (1524-1585) - Poète français - Ange divin, qui mes plaies embaume
Partager cet article
Repost0
30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 19:51

 

Henri-Auguste Barbier (1805-1882) poète français, également nouvelliste, mémorialiste, librettiste, critique d'art et traducteur.


 

Un dîner d'Anges - Satire

Nouvelle interprétation d' Horace:


Paris présente aux yeux des contrastes étranges;

On y voit les démons parler comme des anges

Et les anges souvent vivre de la façon

La plus habituelle aux enfants du démon,

Dans toutes les douceurs que donne la richesse,

Le monde, le confort et la charmante ivresse

Des fins repas... un jour de cet hiver dernier,

Je reçois d'un des miens une invite à dîner.


C'est un homme savant et de ferme droiture,

Riche, des mieux placé dans la magistrature,

Mais un peu simple et, bien que fort pieux, trop chaud

Pour les coureurs d'église et le monde bigot.

N'importe, au jour marqué par son billet aimable,

Chez notre amphitryon, en habit convenable,

Je me rends, et voilà qu'un superbe salon

M'ouvre sa porte au cri d'un laquais à galon.


Là, dans un bon fauteuil, près de la flamme active

D'un foyer monstrueux dont la chaleur ravive,

Tout en causant avec mon hôte un peu distrait,

J'attends que des dîneurs le cercle soit complet.

L' attente n' est pas longue... à fort peu d'intervalle

Des invités paraît la bande triomphale.

Le premier qu' on annonce est un gros réjoui

À l'oeil vif, au teint frais, au rire épanoui,

Masque de bon vivant chauffé de rouge antique,

Qui jubile et s'incline au nom de: cher critique !

Le second, salué par mon parent trois fois,

Est traité de plus haut: une broche de croix

Étincelle au-dessous de sa blanche cravate:

C'est quelque grand seigneur et même un diplomate.


Derrière lui surgit, du fond d'un paletot

Doublé de molleton bien douillet et bien chaud,

Un long profil blafard, sec, à la lèvre mince,

Qui s' avance de l'air d' un pontife ou d' un prince,

Et dont le salut roide et le regard hautain

Décèlent un grand clerc, un saint Thomas D'Aquin.

Pour faire le contraste un monsieur en moustache

Entre sur ses talons; ses cheveux en panache

Se dressent, un habit d'un goût neuf et coquet

Emprisonne ses reins comme dans un corset.


Un pantalon collant lui dessine la cuisse;

On dirait à le voir un lion de coulisse.

Le cercle à son abord est tout empoisonné

D' une senteur de musc qui vous brûle le né.

Enfin, le front suant, couvert d' un rouge tendre,

Honteux et tout confus de s' être fait attendre,

Se glisse un petit homme à l' imberbe menton,

Un abbé d' autrefois, un reste du vieux ton,

Qu' à ses saluts nombreux et sa mine discrète,

Comme l' a dit Boileau, je reconnus poëte.

Les convives présents, dans le lieu du festin

Nous passons; en marchant, tout heureux, mon cousin

Me dit: " tu vois la fleur des esprits catholiques,

Mon cher, écoute bien ces bouches angéliques :

Leur pensée est solide et leur parler divin. "

Le service était beau, plats d'argent, damas fin.


On s' assied, et d' abord circule le madère;

Mon convive de gauche en dégustant son verre

Adresse la parole au blond poétereau :

"Eh bien, cher Sannazar, à quand le saint Bruno !

Le chef-d'oeuvre attendu ne se dévoile guères.

- Et vous, cher Théophraste, à quand vos caractères ?

Ce que l' on en connaît est d'un si haut ragoût

Que nous avons au coeur grand appétit du tout. "

Et voilà de nouveau ces héros de Molière

Se jetant par le nez tout le vocabulaire

Des fades compliments en mots pharamineux :

" On n' est pas plus piquant! - on ne chante pas mieux ! "

Mais un vaste turbot fait à point son entrée

Pour finir l'embrassade et la phrase sucrée

Des deux lettrés ; alors, les yeux sur le morceau,

Chacun de s' écrier en choeur: " ah ! Que c' est beau !

- Je ne crois pas, dit l'un, que la superbe bête

Pour laquelle un César fit si grave requête

Aux sénateurs de Rome ait valu ce poisson.


- Eh, eh ! Domitien... ce prince avait du bon,

Repart le diplomate à la langue affilée ;

Il savait se moquer des bavards d' assemblée,

Seulement, il usait trop souvent du bourreau.

- Messieurs, dit à l' instant l'homme aux parfums, le beau,

En donnant un grand coup de couteau sur la table,

Ne faisons pas trop fi de l'homme respectable

Qui se nomme Bourreau; nous ne pourrions sans lui

Manger en sûreté le dîner d' aujourd' hui.

- C'est vrai, répond la troupe. - hier, j' étais en visite

Chez la marquise D, coeur tendre, esprit d'élite,

Pour la désennuyer je lui lus tout d' un trait

Le portrait merveilleux qu' un grand homme en a fait.

 

 

Elle n'avait rien lu de si beau de sa vie.

- Pardieu, je le crois bien, dit le fils d'Apollon,

C'était du pur De Maistre. " au bruit de ce grand nom,

Ainsi qu'au fond des bois le cri d'un chien qui jappe

Est soudain répété par les échos qu'il frappe

Quatre ou cinq fois, ainsi de nos gosiers béats

De Maistre fait jaillir un torrent de hourras.

"Quel homme, quel lutteur ! Quelle ironie amère !

- Comme il vous flanque à bas ce drôle de Voltaire !

- Jean-Jacques, Montesquieu, ces donneurs de leçons,

Auprès du savoyard sont de vrais polissons !"

Et mille autres propos ; mon cousin pâmait d'aise,

À chaque trait ses yeux scintillaient comme braise,

Il ne dégorgeait mot, mais je voyais son oeil

De temps en temps vers moi tourner avec orgueil

Semblant me dire : eh bien ! était-ce raillerie

Quand je te promettais si fine compagnie!

Je ne décrirai pas les différents morceaux

Qui nous furent servis tant refroidis que chauds ;

Hure de sanglier cuite à la bohémienne,

Côtelettes d' agneau, dinde à la parisienne,

Truffes du Périgord ; je ne parlerai pas

Non plus des entremets couronnant le repas,

Pois verts au naturel et gelée à la fraise,

Croque-en-bouche, babas, crème à la polonaise ;

Pour dignement louer ce service excellent

Il faudrait un Berchoux... je n'ai pas son talent ;

Je viens donc au dessert; il apparaît splendide,

Du champagne escorté; l'homme à face livide,

Notre penseur profond qui n'avait pas encor

Pris langue, dit d'un ton de saint Jean bouche d'or :

"Permettez moi, messieurs, en dévoué confrère,

De vous faire présent à tous d'un exemplaire

Du livre que je vais donner sur la douleur.

-La douleur! Ah! Vraiment, répond la table en choeur,

Quel superbe sujet! - oui, messieurs, c'est le thème

Que je viens de traiter avec un soin extrême.

J' en ai sondé le fond d'un regard plein d'amour,

Saisi tous les côtés, et le contre et le pour,

Et du tout j'ai conclu que rien sur cette terre

À notre avancement n'était plus nécessaire.

Vous jugerez, messieurs, mais je crois avoir fait

De mon mieux et toujours être demeuré vrai.

- Admirable, bravo ! Dit chacun à la ronde.

La douleur, la douleur ! C'est la bêche féconde

Qui, délivrant nos coeurs des penchants vicieux,

Les prépare à mûrir la semence des cieux ;

C'est le divin creuset où sur l'ardente flamme

Le fer devient acier... c'est la trempe de l' âme...

Sans elle nous serions moins que des animaux,

Des mollusques grossiers, de fades végétaux... "

C'était à qui mieux mieux: d'un moment de silence

Je profite à mon tour pour doter l'assistance

De mon mot, et je dis: " messieurs, pour moi, de Dieu

En créant la douleur j'ignore encor le voeu,

Mais je le bénis fort de sa pitié des hommes

Et d'avoir fait couler sur le globe où nous sommes

Tant de flots de bon vin afin de l'y noyer... "

Mon mot lâché, j'attends l' effet du plaidoyer.

Hélas! On aurait dit qu'une flamme effroyable

Du feu d' enfer venait de tomber sur la table.

Tous les yeux aussitôt se dirigent vers moi

Étonnés, inquiets, comme saisis d' effroi ;

Il semblait que je fusse une horrible vipère,

Un scorpion mortel... j'étais plus, un faux frère

Faufilé dans la bande on ne sait trop comment,

Pour y porter le trouble et l' empoisonnement.

Je voyais dans les yeux s' amasser la tempête,

Des cris, peut-être bien quelque verre à la tête ;

Redoutant pour lui-même une part des éclats, 

Mon cousin tout penaud regardait dans les plats. 

Pourtant, grâce à l'entrain de notre gros critique,

La chose prit un air moins lugubre et tragique.

"Monsieur en est encore au Dieu des bonnes gens,

C' est un peu vieux, dit-il, mais soyons indulgents :

Un jour, comme plus d'un il brisera l'idole 

De son printemps; pour nous, reprenant notre rôle, 

À notre ami portons une santé d'honneur.

Au noble historien de la sainte douleur,

Au poëte inspiré de la grâce suprême

Qui, tous, nous doit sauver par un second baptême,

Gloire, hommage, succès ! " - et levant dans les cieux

Son verre étincelant du jus délicieux,

Il le vide d'un trait ; ce magnifique exemple

Est soudain imité par les anges du temple,

Et la table bientôt n'est plus qu' un cliquetis

De verres ballottés, de vivats et de cris,

Parmi lesquels pourtant j' entends à mes oreilles

Tinter d'étranges mots et des phrases pareilles

À celles-ci: - " la ligue avait bien sa raison...

Vivent les fils d'Ignace et l'inquisition ! "

Connaissant trop l'effet de ma courte harangue,

Je n' étais plus d' humeur à jouer de la langue

Dans ce tohu-bohu, puis je ne voulais pas

Affliger le cousin d'un nouvel embarras;

Je pris donc le parti de demeurer en place

Bouche close, écoutant d' un sang-froid tout de glace

Tomber le flot vineux des grotesques rumeurs

Qu' épanchait le gosier de ces gais festineurs.

Cependant je cherchais sourdement en moi-même

Un honnête moyen, un décent stratagème

Pour fausser compagnie à notre Amphitryon.


Il se montra bientôt. Dès l'instant qu' au salon

Tout le monde passa pour achever la fête,

Entre le moka noir et la blanche anisette,

Je saisis mon chapeau; puis, d' un pied clandestin

M'esquivant, de mon toit je repris le chemin,

Non sans rire parfois au feu des réverbères

De ce grave troupeau de Sénèques austères

Que j'avais vus, suivant le poëte Victor,

Boire si joliment le falerne dans l'or.
 

Bartolomé Esteban Murillo  (1617-1682) la Cuisine des Anges - 1646

Bartolomé Esteban Murillo (1617-1682) la Cuisine des Anges - 1646

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 14:22

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) Poétesse française   


 
Le convoi d'un Ange


Quand j'ignorais la mort, je pense qu'une fois

On me fit blanche et belle, et qu'on serra ma tête

D'une tresse de fleurs comme pour une fête ;

Qu'une gaze tombait sur mes souliers plus beaux ;

Et qu'à travers le jour nous portions des flambeaux :

Et puis, qu'un long ruban nous tenait, jeunes filles

Prises pour le cortège au sein de nos familles.

 

Oui, de mes jours pleures je vois sortir ce jour

Tout soleil ! ruisselant sur la fraîche chapelle

Où je voudrais prier quand je me la rappelle.

Enfants, nous emportions à son dernier séjour

Un enfant plus léger, plus peureux de la terre.

Et qui s'en retournait habillé de mystère,

Furtif comme l'oiseau sur nos toits entrevu,

Posé pour nous chanter son passage imprévu,

Dont la flèche invisible a détendu les ailes.

Et qui se traîne aux fleurs, et disparaît sous elles !

 

Nous entrâmes sans bruit dans la chapelle ouverte,

Étrangère au soleil sous sa coupole verte ;

Là, comme une eau qui coule au milieu de l'été,

On entendait tout bas courir l'éternité ;

Quelque chose de tendre y languissait : du lierre

Y tenait doucement la vierge prisonnière ;

Parmi le jour douteux qui flottait dans le chœur,

On voyait s'abaisser et s'élever son cœur.

Je le croirai toujours : c'était comme une femme

Sur ses genoux émus tenant son premier-né,

Chaste et nu, doux et fort, humble et prédestiné,

Déjà si plein d'amour qu'il nous attirait l'âme !

 

La mort passait sans pleurs. Hélas ! on n'avait pu

Porter la mère au seuil où la blanche volée,

Sur la petite boîte odorante et voilée,

Reprenait l'hymne frêle aux vents interrompu :

Et le deuil n'était pas dans notre frais cortège ;

Car le prêtre avait dit : "Enfant, Dieu te protège ;

Dieu t'enlève au banquet mortel qui t'appelait,

Encor gonflé pour toi de larmes et de lait !"

 

Et quand je ne vis plus ce doux fardeau de roses

Trembler au fond du voile au soleil étendu,

On dit : "Regarde au ciel !" Et je vis tant de choses,

Que je l'y crus porté par le vent, ou perdu.

 

Fait ange dans l'azur inondé de lumière ;

Car l'or du ciel fondait en fils éuncelants,

Et tant de jour coulait sur nos vêtements blancs.

Qu'il fallut curieuse en ôter ma paupière.

Longtemps tout fut mobile et rouge sous ma main,

Et je ne pus compter les arbres du chemin :

Sous le toit sans bonheur on nous reçut encore :

Le jardin nous offrit ce que l'enfance adore,

 

Et nous trouvâmes bons les fruits de l'ange.

Hélas ! Une chambre était triste : elle ne s'ouvrit pas ;

Et nous fîmes un feu des églantines mortes,

Dont l'enfant qui s'en va fait arroser les portes.
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - Poétesse française - Le convoi d'un Ange
Partager cet article
Repost0
30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 14:22


Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) Poétesse française   

Recueil : Pauvres fleurs (1839).

 


L'ange gardien

 

Oui, vous avez un ange ; un jeune ange qui pleure ;

Il pleure, car il aime... et vous ne pleurez pas ;

Il s'en plaint doucement dans le ciel, puis dans l'heure,

Quand elle sonne triste à ralentir vos pas.

Voyez comme il vous donne et couve sous son aile

Des mots harmonieux tièdes d'âme et d'encens :

Et, quand vous les prenez dans sa main fraternelle,

Comme ils forment aux yeux de célestes accents.

 

Nous avons tous notre ange, et je tiens de ma mère,

Qu'on ne marche pas seul dans une voie amère.

Le rayon de soleil qui passe et vient vous voir,

L'haleine de vos fleurs que vous buvez le soir ;

Un pauvre qui bénit votre obole furtive,

Dont la prière à Dieu s'achève moins plaintive ;

La fraîche voix d'enfant qui vous jette : Bonjour !

Comptez que c'est votre ange et votre ange d'amour !

 

D'autres fois, je croyais qu'on nous coupait les ailes,

Pour nous faire oublier le chemin des oiseaux.

Puis, qu'elles renaissaient plus vives et plus belles,

Quand nous avions marché longtemps, quand les roseaux

Ne se relevaient plus près des dormantes eaux :

Nous remontions alors raconter nos voyages

Aux frères parcourant leurs villes de nuages ;

Et las de cette terre où tombent toutes fleurs,

Nous chantions au soleil avec des voix sans pleurs !

Rêves d'enfant pensif et bercé de prières,

Dont quelque doux cantique assoupit les paupières ;

Indigent, mais comblé de biens mystérieux,

Au foyer calme et nu qu'ornait le buis pieux !

 

À présent je suis femme à la terre exilée,

Descendue à l'école où vous brûlez vos jours ;

Toujours en pénitence ou d'un livre accablée,

N'apprenant rien du monde et l'épelant toujours !

 

Ce livre, c'est ma vie et ses mobiles pages

Où le cyprès serpente à chaque ligne. Eh quoi !

N'avez-vous pas des pleurs à cacher comme moi,

Sous l'album périssable et lourd de trop d'images ?

 

Dans ces jours embaumés respirés par le cœur,

N'avez-vous pas aussi vu tomber bien des roses ?

N'aviez-vous pas choisi parmi ces frêles choses,

Un intime trésor qui s'appela : Malheur !

 

Mais je crois ! mais quelque ange à l'aveugle écolière,

Ouvre parfois son aile et sa pitié de feu :

Il me laisse à genoux ; mais il desserre un peu

L'anneau qui loin de lui me retient prisonnière !
 

Angelo Custode - ange gardien

Angelo Custode - ange gardien

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 14:21

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) Poétesse française   

Recueil : Romances (1830).

 


L'ange et le rameau


Que ce rameau béni protège ta demeure !

L'ange du souvenir me l'a donné pour toi :

Toi qui n'aimes pas que l'on pleure,

Sois heureux, plus heureux que moi !

 

Écoute : À ce rameau j'attache une espérance :

L'ange qui me conduit sait mon cœur comme toi ;

S'il a bien compris ma souffrance,

Sois heureux, plus heureux que moi !

 

J'ai respiré l'encens de ce vieux sanctuaire,

Et je m'y suis assise, et j'ai prié pour toi ;

Je n'ai dit que cette prière :

Sois heureux, plus heureux que moi !

 

Pour passer près de toi j'ai fait un long voyage ;

Mais l'ange me rappelle et veut m'ôter à toi.

Adieu... Donne-moi du courage :

Sois heureux, plus heureux que moi !
 

Ange tenant un Rameau d'olivier - Hans Memling - Musée du Louvre

Ange tenant un Rameau d'olivier - Hans Memling - Musée du Louvre

Partager cet article
Repost0

 

*

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recherche

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Catégories

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Evans - Le gros chêne

 

 

 

 

 

 

 

Evans - le chateau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Evans clocher

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mes Blogs Amis À Visiter

Fontaine du vigneron - Salins les Bains