4 avril 2022 1 04 /04 /avril /2022 14:11

 

 

Alphonse Daudet (1840-1897), écrivain et auteur dramatique français.

Les Amoureuses, 1858

 

 

Les Cerisiers


I


Vous souvient-il un peu de ce que vous disiez,

Mignonne, au temps des cerisiers ?

 

Ce qui tombait du bout de votre lèvre rose,

Ce que vous chantiez, ô mon doux bengali,

Vous l’avez oublié, c’était si peu de chose,

Et pourtant, c’était bien joli…

 

Mais moi je me souviens (et n’en soyez pas surprise),

Je me souviens pour vous de ce que vous disiez.

Vous disiez (à quoi bon rougir ?)…donc vous disiez…

Que vous aimiez fort la cerise,

La cerise et les cerisiers.

 


II


Vous souvient-il un peu de ce que vous faisiez,

Mignonne, au temps des cerisiers ?

 

Plus grands sont les amours, plus courte est la mémoire

Vous l’avez oublié, nous en sommes tous là ;

Le cœur le plus aimant n’est qu’une vaste armoire.

On fait deux tours, et puis voilà.

 

Mais moi je me souviens (et n’en soyez surprise),

Je me souviens pour vous de ce que vous faisiez…

Vous faisiez (à quoi bon rougir ?)…donc vous faisiez…

Des boucles d’oreille en cerise,

En cerise de cerisiers.

 


III


Vous souvient-il d’un soir où vous vous reposiez,

Mignonne, sous les cerisiers ?

 

Seule dans ton repos ! Seule, ô femme, ô nature !

De l’ombre, du silence, et toi…quel souvenir !

Vous l’avez oublié, maudite créature,

Moi je ne puis y parvenir.

 

Voyez, je me souviens (et n’en soyez surprise),

Je me souviens du soir où vous vous reposiez…

Vous reposiez (pourquoi rougir ?)…vous reposiez…

Je vous pris pour une cerise ;

C’était la faute aux cerisiers.

Emile Vernon (1872-1920) - le temps des cerises

Emile Vernon (1872-1920) - le temps des cerises

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4 avril 2022 1 04 /04 /avril /2022 14:09

 

 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français. Il est considéré comme l'un des plus importants écrivains de la langue française.

 

 

Quand les guignes furent mangées,

 

Quand les guignes furent mangées,

Elle s'écria tout à coup :

J'aimerais bien mieux des dragées.

Est-il ennuyeux, ton Saint-Cloud !

 

On a grand-soif ; au lieu de boire,

On mange des cerises ; vois,

C'est joli, j'ai la bouche noire

Et j'ai les doigts bleus ; laisse-moi. -

 

Elle disait cent autres choses,

Et sa douce main me battait.

Ô mois de juin ! rayons et roses !

L'azur chante et l'ombre se tait.

 

J'essuyai, sans trop lui déplaire,

Tout en la laissant m'accuser,

Avec des fleurs sa main colère,

Et sa bouche avec un baiser.

 Victor Hugo (1802-1885) - poète, dramaturge - Quand les guignes furent mangées,
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28 mars 2022 1 28 /03 /mars /2022 23:57

 

 

Max Elskamp (1862-1931) poète symboliste belge. Il fut membre de l'Académie royale de langue et de littérature française

 


Le matin

 

Et la première est d’un matin

Dit tout en bleu, dit tout en blanc,

Et la première est d’un matin

Ici pour le commencement,

 

De paix d’abord, cloches sonnant,

Et Flandre étant – Vive la Rose –

Douce à chacun à sa façon,

Suivant son bien, suivant ses choses.

 

Or Mai mettant les fleurs en cause,

Et la première est d’un matin,

Or Mai mettant les fleurs en cause,

Et la première est d’un jardin,

 

Voici qu’il sent le romarin,

Et qu’on dirait – Vive la Vie –

Voici qu’il sent le romarin,

Et qu’on dirait qu’on se marie,

 

Et la première est d’un matin

Ainsi de paix et d’ornement,

Avec du pain, avec du vin,

Ici pour le commencement.
 

Max Elskamp (1862-1931) - poète symboliste belge - Le matin
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28 mars 2022 1 28 /03 /mars /2022 23:48

 

 

Jules Laforgue (1860-1887) poète franco-uruguayen symboliste.

Connu pour être un des inventeurs du vers libre, il mêle, en une vision pessimiste du monde, mélancolie, humour et familiarité du style parlé.

 


Veillée d’avril

 

Il doit être minuit. Minuit moins cinq. On dort.

Chacun cueille sa fleur au vert jardin des rêves,

Et moi, las de subir mes vieux remords sans trêves,

Je tords mon cœur pour qu’il s’égoutte en rimes d’or.

 

Et voilà qu’à songer me revient un accord,

Un air bête d’antan, et sans bruit tu te lèves

Ô menuet, toujours plus gai, des heures brèves

Où j’étais simple et pur, et doux, croyant encor.

 

Et j’ai posé ma plume. Et je fouille ma vie

D’innocence et d’amour pour jamais défleurie,

Et je reste longtemps, sur ma page accoudé,

 

Perdu dans le pourquoi des choses de la terre,

Ecoutant vaguement dans la nuit solitaire

Le roulement impur d’un vieux fiacre attardé.
 

Jules Laforgue (1860-1887) - poète franco-uruguayen symboliste - Veillée d’avril
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28 mars 2022 1 28 /03 /mars /2022 13:40
 
 
 
Théophile Gautier (1811-1872), poète, romancier et critique d'art français.
 

 
 
Premier sourire du printemps
 
 
Tandis qu'à leurs oeuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
 
Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse des collerettes
Et cisèle des boutons d'or.
 
Dans le verger et dans la vigne,
Il s'en va, furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l'amandier.
 
La nature au lit se repose ;
Lui descend au jardin désert,
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.
 
Tout en composant des solfèges,
Qu'aux merles il siffle à mi-voix,
Il sème aux prés les perce-neiges
Et les violettes aux bois.
 
Sur le cresson de la fontaine
Où le cerf boit, l'oreille au guet,
De sa main cachée il égrène
Les grelots d'argent du muguet.
 
Sous l'herbe, pour que tu la cueilles,
Il met la fraise au teint vermeil,
Et te tresse un chapeau de feuilles
Pour te garantir du soleil.
 
Puis, lorsque sa besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d'avril tournant la tête,
Il dit : " Printemps, tu peux venir ! "
 
 Leopold Franz Kowalski

Leopold Franz Kowalski

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26 mars 2022 6 26 /03 /mars /2022 22:24


 

Charles-Nérée Beauchemin (1850-1931)  écrivain et médecin québécois.

Les floraisons matutinales

 

L’avril boréal

 

Est-ce l’avril ? Sur la colline

Rossignole une voix câline,

De l’aube au soir.

Est-ce le chant de la linotte ?

Est-ce une flûte ? est-ce la note

Du merle noir ?

 

Malgré la bruine et la grêle,

Le virtuose à la voix frêle

Chante toujours ;

Sur mille tons il recommence

La mélancolique romance

De ses amours.

 

Le chanteur, retour des Florides,

Du clair azur des ciels torrides

Se souvenant,

Dans les bras des hêtres en larmes

Dis ses regrets et ses alarmes

À tout venant.

 

Surpris dans son vol par la neige,

Il redoute encor le cortège

Des noirs autans ;

Et sa vocalise touchante

Soupire et jase, pleure et chante

En même temps.

 

Fuyez, nuages, giboulées,

Grêle, brouillards, âpres gelées,

Vent boréal !

Fuyez ! La nature t’implore,

Tardive et languissante aurore

De floréal.

 

Avec un ciel bleu d’améthyste,

Avec le charme vague et triste

Des bois déserts,

Un rythme nouveau s’harmonise.

Doux rossignol, ta plainte exquise

Charme les airs !

 

Parfois, de sa voix la plus claire,

L’oiseau, dont le chant s’accélère,

Égrène un tril :

Dans ce vif éclat d’allégresse,

C’est vous qu’il rappelle et qu’il presse,

Beaux jours d’avril.

 

Déjà collines et vallées

Ont vu se fondre aux soleillées

Neige et glaçons ;

Et, quand midi flambe, il s’élève

Des senteurs de gomme et de sève

Dans les buissons.

 

Quel souffle a mis ces teintes douces

Aux pointes des frileuses pousses ?

Quel sylphe peint

De ce charmant vert véronèse

Les jeunes bourgeons du mélèze

Et du sapin ?

 

Sous les haleines réchauffées

Qui nous apportent ces bouffées

D’air moite et doux,

Il nous semble que tout renaisse.

On sent comme un flot de jeunesse

Couler en nous.

 

Tout était mort dans les futaies ;

Voici, tout à coup, plein les haies,

Plein les sillons,

Du soleil, des oiseaux, des brises,

Plein le ciel, plein les forêts grises,

Plein les vallons.

 

Ce n’est plus une voix timide

Qui prélude dans l’air humide,

Sous les taillis ;

C’est une aubade universelle ;

On dirait que l’azur ruisselle

De gazouillis.

 

Devant ce renouveau des choses,

Je rêve des idylles roses ;

Je vous revois,

Prime saison, belles années,

De fleurs de rêve couronnées,

Comme autrefois.

 

Et, tandis que dans les clairières

Chuchotent les voix printanières,

Et moi j’entends

Rossignoler l’âme meurtrie,

La tant douce voix attendrie

De mes printemps.
 

oiseaux printemps - Millette

oiseaux printemps - Millette

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26 mars 2022 6 26 /03 /mars /2022 22:19
 
 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique. Il est considéré comme l'un des plus importants écrivains de la langue française. 
 
Recueil : Toute la Lyre
 

 

                                     Printemps

 
Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire !
Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire,
Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !
Les peupliers, au bord des fleuves endormis,
Se courbent mollement comme de grandes palmes ;
L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;
Il semble que tout rit, et que les arbres verts
Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers.
Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ;
Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre,
A travers l’ombre immense et sous le ciel béni,
Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini.
 
 
pommier Maria Dorothy Webb

pommier Maria Dorothy Webb

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25 mars 2022 5 25 /03 /mars /2022 21:19

 

 

Charles-Nérée Beauchemin (1850-1931)  écrivain et médecin québécois.

Les floraisons matutinales

 


Fleurs d’aurore

 

Comme au printemps de l’autre année,

Au mois des fleurs, après les froids,

Par quelque belle matinée,

Nous irons encore sous bois.

 

Nous y verrons les mêmes choses,

Le même glorieux réveil,

Et les mêmes métamorphoses

De tout ce qui vit au soleil.

 

Nous y verrons les grands squelettes

Des arbres gris, ressusciter,

Et les yeux clos des violettes

À la lumière palpiter.

 

Sous le clair feuillage vert tendre,

Les tourterelles des buissons,

Ce jour-là, nous feront entendre

Leurs lentes et molles chansons.

 

Ensemble nous irons encore

Cueillir dans les prés, au matin,

De ces bouquets couleur d’aurore

Qui fleurent la rose et le thym.

 

Nous y boirons l’odeur subtile,

Les capiteux aromes blonds

Que, dans l’air tiède et pur, distille

La flore chaude des vallons.

 

Radieux, secouant le givre

Et les frimas de l’an dernier,

Nos chers espoirs pourront revivre

Au bon vieux soleil printanier.

 

En attendant que tout renaisse,

Que tout aime et revive un jour,

Laisse nos rêves, ô jeunesse,

S’envoler vers tes bois d’amour !

 

Chère idylle, tes primevères

Éclosent en toute saison ;

Elles narguent les froids sévères

Et percent la neige à foison.

 

Éternel renouveau, tes sèves

Montent même aux coeurs refroidis,

Et tes capiteuses fleurs brèves

Nous grisent comme au temps jadis.

 

Oh ! oui, nous cueillerons encore,

Aussi frais qu’à l’autre matin,

Ces beaux bouquets couleur d’aurore

Qui fleurent la rose et le thym.
 

Charles-Nérée Beauchemin (1850-1931) - écrivain et médecin québécois - Fleurs d’aurore
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25 mars 2022 5 25 /03 /mars /2022 17:34

 

 

Auguste Angellier (1848-1911) poète, Critique et historien de la littérature et universitaire français.


Recueil : Le chemin des saisons (1903).

 


Le printemps

 

Les bourgeons verts, les bourgeons blancs

Percent déjà le bout des branches,

Et, près des ruisseaux, des étangs

Aux bords parsemés de pervenches,

Teintent les arbustes tremblants ;

 

Les bourgeons blancs, les bourgeons roses,

Sur les buissons, les espaliers,

Vont se changer en fleurs écloses ;

Et les oiseaux, dans les halliers,

Entre eux déjà parlent de roses ;

 

Les bourgeons verts, les bourgeons gris,

Reluisant de gomme et de sève

Recouvrent l'écorce qui crève

Le long des rameaux amoindris ;

Les bourgeons blancs, les bourgeons rouges,

Sèment l'éveil universel,

Depuis les cours noires des bouges ;

 

Jusqu'au pur sommet sur lequel,

Ô neige éclatante, tu bouges ;

Bourgeons laiteux des marronniers,

Bourgeons de bronze des vieux chênes,

Bourgeons mauves des amandiers,

Bourgeons glauques des jeunes frênes,

Bourgeons cramoisis des pommiers,

 

Bourgeons d'ambre pâle du saule,

Leur frisson se propage et court,

À travers tout, vers le froid pôle,

Et grandissant avec le jour

Qui lentement sort de sa geôle,

Jette sur le bois, le pré,

Le mont, le val, les champs , les sables,

Son immense réseau tout prêt

À s'ouvrir en fleurs innombrables

Sur le monde transfiguré.
 

Auguste Angellier (1848-1911) - poète, Critique et historien de la littérature - Le printemps
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25 mars 2022 5 25 /03 /mars /2022 17:17
 
 
 
Émile Goudeau (1849-1906) journaliste, romancier et poète français.
 
 
 
Pour hâter le retour du Printemps
 
Voici revenir le Printemps,
Qui chasse les Frimas moroses.
J’ouvre mon cœur à deux battants
Au Roi-Soleil, père des Roses.
Je guette l’horizon vermeil,
Et faites-y de longues pauses,
Mon beau Soleil !
 
Déjà les oiseaux querelleurs
Sur les rameaux boivent les sèves.
Écoutons les merles siffleurs !
Les forêts s’emplissent de rêves.
Je veux me mettre à l’unisson:
Entrez chez moi, jeune Chanson ;
Faites sonner les heures brèves,
Douce Chanson !
 
Déjà fleurissent les lilas
En lourdes grappes violettes.
Les charmeuses à falbalas
Jettent au zéphyr leurs voilettes :
Prenez le chemin le plus court,
Entrez chez moi, Seigneur Amour,
Rois des femmes et des athlètes,
Ô bel Amour !
 
  
Emile Goudeau - poète - Pour hater le retour du printemps
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