Mythologie
La primevère
Elle est annonciatrice du printemps (Primo vere) et en Angleterre, une fleur porte-bonheur.
La forme caractéristique de sa corolle lui vaut le surnom de "clef des fleurs".
Ce sont les Anglais qui, dès le XVIIe siècle, donnent aux primevères leurs lettres de noblesse, en en créant d’innombrables variétés.
Les Primevères forment un genre (Primula) de plantes herbacées de la famille des Primulacées.
Ce genre auquel on rattache maintenant Cortusa, Dionysia et Dodecatheon comprend un grand nombre d'espèces, originaires pour l'essentiel des zones tempérées de l'hémisphère nord.
La primevère commune des jardins est une des premières fleurs du printemps (primo vere) signifie au début du printemps en latin). C'est une plante vivace, souvent cultivée en annuelle. Elle fleurit de février à mai, est rustique et possède un feuillage semi-persistant.
Les primevères sauvages, Primula elatior et Primula veris, dont les fleurs retombantes se présentent en ombelle au sommet d'une longue tige, sont également connues sous le nom de coucous.
Selon les régions, elle est parfois appelée coucou, brérelle, primerolle, coqueluchon, herbe à la paralysie, herbe de saint Paul, clés de Saint-Pierre, primevère de printemps, champion, printanière et primevère vraie.
En allemand on appelle le coucou "himmelschüsselchen" "himmel" ciel "shüssel" clé "chen" petit (ce qui signifie petite clé du ciel),
Ce sont des plantes de pleine lumière des prés, des talus et des bois clairs.
Les oiseaux apprécient tout particulièrement les fleurs de primevères pour leur sève particulièrement sucrée.
La primevère est un emblème du règne végétal de Vénus et le symbole de l'amour.
Vénus est dans la mythologie romaine, la déesse de l'amour, de la beauté et de la séduction, elle est la déesse la plus désirée de tous les dieux ; elle est équivalente à Aphrodite dans la mythologie grecque
Au Moyen Âge, la primevère symbolise les clefs de Notre-Dame
Cette Petite Fleur du Paradis devint l'une des favorites des jardins médiévaux.
Dans la mythologie scandinave, la primevère est associée à freyja,
Sœur jumelle de Freyr , Freyja était la déesse Vanes de la Terre et de la Fertilité. La mystique aux yeux bleus et à la chevelure dorée, était la déesse de l'Amour et de la Beauté.
Elle captivait les enfants avec cette touffe de fleurs ressemblant à un trousseau de clés, qui lui servait à ouvrir les portes de son palais aux richesses féériques. Il est dit qu’elle en ouvre la porte, d’où son surnom "La Clé de la Dame"
La légende raconte que St Pierre ayant entendu une rumeur comme quoi les hommes projetaient de rentrer au paradis par la porte de derriere au lieu des portes dont il avait les clés, se trouvait dans un état de contrariété face à ce manque de respect, qu'il en perdit son trousseau de clés qui du ciel tomba sur terre, où il prit racine, et fut transformé en massifs de primevères pour que les âmes condamnées à l'errance ne puissent pas s'en servir.
Dans la tradition chrétienne, cette fleur donnait accès au royaume des cieux.
Les chrétiens vont aussi l'associer à la jeune fille Vierge.
Dans "Il suffit de passer le pont" de Georges Brassens,
il dit :
"Entre toutes les belles que voici
Je devines celle que tu preferes :
C'est pas le coquelicot Dieu merci !
Ni le coucou mais la primevère."
- Le coquelicot est un symbole de virilite (rapport au coq).
"ardeur fragile, aimons-nous au plus tôt "
- L'oiseau coucou est symbole d'infidélite.
- Le coucou, c'est la lychnis fleur de coucou, dite amourette des prés"
- La primevère est le symbole de la jeunesse et du renouveau, d'un amour naissant, d'un éveil nouveau, des premiers désirs., symbole de "la jeune fille Vierge"
Dans le langage des fleurs
La primevère est liée à l’amour. Symbole de jeunesse, offerte à un premier amour.
couleur blanche
- pureté
- mon amour est pur
couleur jaune -
- Reçois mes tendres pensées
couleur rouge - rose
- Ta présence me fait renaître
couleur bleue
- Ma tendresse accompagne mes sentiments envers toi
On dit que la primevère préserve la jeunesse et la beauté, et repousse les étrangers lorsqu'elle est placée à l’extérieur de la maison, près de la porte d’entrée.
La primevère fait partie des herbes sacrées des druides.
La primevère fait partie des herbes sacrées des druides.
Dans la mythologie Galloise, c'est, dit-on, à base de fleurs et entre autres de primevères, que fut conçue la femme-fleur Blodeuwedd, la déesse du printemps, de la terre en floraison, des fleurs, de la sagesse et des initiations.
Pour les celtes c'etait une fleur sacrée, associée au Fées, toucher une pierre des fées avec un bouquet de primevères vous ouvrait la porte sur le monde des fées et ses trésors a condition d'avoir cueilli le bon nombre de fleurs sinon c'était la malédiction assurée.
Une autre légende dit que lorsqu'un être humain a la chance de cueillir la première primevère du printemps, celle-ci lui confie une clé d'or qui lui permettra de se glisser au cœur d'une colline enchantée dans laquelle se trouvent les plus beaux trésors que la terre ait jamais portés. L'élu de la primevère pourra emporter tout ce qu'il désire, à condition de ne pas oublier la clé magique en partant. Car, sans ce sésame, jamais il ne pourra retrouver son chemin et demeurera prisonnier de la colline d'or.
Un conte d'après un livre d'Edouard Brasey, Démons et Merveilles
.........Trois frères menaient une existence pauvre et indigente. Ils partageaient une cabane dans la montagne, et gagnaient péniblement leur vie en exerçant le métier épuisant et ingrat de bûcheron. Endurcis par la misère et les privations, les deux frères aînés étaient jaloux et avides des biens qu’ils n’avaient pas. Seul le troisième, le plus jeune, gardait encore un cœur pur. Mais cela ne le rendait pas plus riche pour autant.
Un jour, au fort de l’hiver, le frère ainé rentrait seul de la forêt, sa cognée sous le bras, lorsqu’il aperçut une magnifique fleur jaune qui avait poussé au milieu de la neige. C’était la première primevère de l’année. Séduit par sa beauté, le frère ainé la cueillit et la planta dans son chapeau. Puis il reprit son chemin. Mais, au bout de quelques pas, il remarqua que son chapeau pesait de plus en plus lourd sur sa tête. Lorsqu’il l’ôta, il eut la surprise de découvrir une fée, toute jaune, à la place de la primevère, qui lui tendait une clé d’or. Elle lui dit alors : – « Voici la clé qui te permettra d’ouvrir la colline d’or. Mais fais bien attention ! Choisis avec discernement et n’emporte que ce qu’elle contient de plus précieux…
Elle glissa la clé dans la main du premier frère et se volatilisa dans l’air froid. L’homme venait à peine de se remettre de sa surprise, qu’il aperçut alors à quelques pas de lui, la colline d’or. Sans réfléchir davantage, il introduisit la clé dans la serrure de l’adorable petite porte qu’on apercevait creusée dans la colline, et pénétra alors à l’intérieur. La colline recelait en effet les plus beaux bijoux et trésors que la terre eut jamais portés… Devant lui se trouvait des piles de pièces d’or et de pierres précieuses, des rivières de perles les plus pures, de délicats et étonnants objets. N’écoutant que son envie et sa cupidité, il remplit ses poches, autant qu’il le pouvait. Puis il sortit de la colline, sans plus penser au conseil de la fée de la primevère.
Aussitôt, la porte claqua bruyamment. Il s’écria alors : « Zut ! J’ai oublié la clé d’or dans la colline ! Tant pis, avec tout ce que j’ai emporté, je ne manquerai assurément de rien avant longtemps ». Et au lieu de rentrer partager le trésor avec ses frères qui l’attendaient, il se dirigea vers la ville pour dilapider son trésor.
Pendant ce temps, les deux autres frères, ne voyant pas leur aîné rentrer et l’ayant cherché, en vain, dans la forêt, en conclurent qu’il était mort. Ils continuèrent donc leur travail, plus pauvrement et misérablement encore qu’avant. Un jour, vers la fin de l’hiver le frère puîné, alors qu’il marchait dans la forêt, remarqua une belle primevère au bord du chemin. « Elle est tellement belle, se dit-il, je vais la planter sur mon chapeau ». Au bout de quelques pas, il sentit son chapeau aussi lourd que s’il l’avait rempli de pierres. Il le retira alors et découvrit, comme son frère aîné, la fée, qui lui tendait une clé d’argent. Celle-ci réitéra son avertissement : « Grâce à cette clé, tu pourras pénétrer dans la colline d’argent. Mais prends garde à n’emporter que ce qu’elle contient de plus précieux … »
Il saisit la clé, tandis que la fée se volatilisait. En face de lui, se trouvait une colline d’argent, au pied de laquelle se trouvait une porte. Il se dépêcha de l’ouvrir, curieux et étonné. A l’intérieur, ce n’était qu’argenterie et coffres débordant d’objets d’argent massif. Il prit tout ce qu’il pouvait et sortit, en oubliant la clé : « Zut ! J’ai oublié la clé d’argent dans la colline ! Tant pis, avec tout ce que j’ai emporté, je ne manquerai assurément de rien pendant longtemps ». Et sur ce, il se précipita vers la ville, où il dilapida tout son argent avec son frère, qu’il avait alors rapidement retrouvé.
Le benjamin, inquiet de ne pas voir son aîné rentrer, le chercha dans la forêt, pendant des jours et des jours, en vain. La neige fondit, et le printemps arriva, recouvrant les champs de ses belles nuances colorées. Un jour, il remarqua une grande et belle fleur jaune, qui avait poussé sur un parterre d’herbe tendre, au bord du chemin : « Que cette fleur est belle, je vais la porter sur mon cœur ». Il l’accrocha aussitôt sur le revers de sa chemise. Plus il marchait, plus il se sentait léger. Au bout de quelques pas, il se retrouva nez à nez avec la fée de la primevère, qui lui tendait une clé de cristal : « Voici la clé qui te permettra d’ouvrir la colline de cristal. Mais fais bien attention : n’emmène que ce qui te paraîtra le plus précieux … »
Et elle s’évapora. A sa place se trouvait la colline de cristal, entièrement transparente, à la base de laquelle se trouvait une petite porte, qu’il ouvrit. A l’intérieur se trouvaient de beaux vases de cristal, des objets précieux et des figurines finement ouvragées. Parmi elles se tenait une poupée de cristal dont les traits étaient si beaux, et si vivants, que le frère en tomba instantanément amoureux. « Qu’elle est belle, se dit-il. Pour moi, il s’agit du plus précieux des biens se trouvant ici. Le reste, je m’en moque … » Le jeune homme ressortit alors de la colline avec pour seul bagage la clé de cristal et la poupée. Il rentra chez lui et installa la poupée à coté de lui, sur une chaise, pour mieux la contempler avant de s’endormir.
Cette nuit-là, pour la première fois depuis des mois, il dormit parfaitement, et fit des rêves délicieux. A son réveil, il se tourna immédiatement vers la poupée de cristal … Mais ce qui était la veille une poupée, était maintenant une magnifique jeune femme en chair et en os qui lui souriait : « En me choisissant, tu as su écouter ton cœur et tu en es à présent récompensé. Car les trésors et bijoux s’épuisent vite, alors qu’un amour véritable peut durer toute la vie.
Le jeune homme épousa sans plus tarder la jeune femme. Ils furent très heureux, eurent beaucoup d’enfants, et comme il avait eu soin de garder la clé de la colline, ils ne manquèrent jamais de rien. Les deux autres frères, en revanche, après avoir dépensé leurs dernières richesses, se retrouvèrent encore plus pauvres qu’au début. Ils furent expulsés à l’étranger et on n’entendit plus jamais parler d’eux. Mais par leur faute, la clé d’or et d’argent de la fée de la primevère sont à jamais perdues. Seule la clé de cristal existe encore. C’est celle, qui dans ton cœur, il te faut chercher …
Certaines fleurs sont dotées de merveilleux pouvoirs féeriques.
Ainsi les primevères permettent de découvrir les trésors gardés par les fées.
Dans l’Antiquité, elle était déjà connue pour soigner la paralysie. Sous louis XV, on la nommait " "Herbe à la paralysie" et guérissait surtout la paralysie de la langue et le bégaiement.
Son usage officinal apparait avec la nonne allemande Hildegarde de Bingen (1098-1179) dans son "Jardin de santé". Dans ce manuscrit célébre, elle surnomme la primevère "clé des portes du paradis" et la préconisait pour lutter contre la mélancolie et l’apoplexie, sortes de "paralysie de l’âme".
Au XVIIIème siècle, le botaniste suédois Carl von Linné (1707-1778) vante ses propriétés sédatives, particulièrement dans la lutte contre l'insomnie.
Sébastian Kneipp (1821-1897) prêtre est à l'origine de cures naturelles. Il la préconisait contre l’arthrite.
L'odeur que les fleurs de cette plante exhalent semble annoncer une action sur le système nerveux, comme calmantes et antispasmodiques, analogue à celle des fleurs de tilleul, de moscatelline et de caille-lait jaune.
D'après Mattbiole, Ray, Bartholin, Chomel, Lieutaud, etc., la primevère serait douée de grandes vertus. Ces auteurs l'ont vantée contre la paralysie (ainsi que l'indique son nom d’herbe de la paralysie), l'apoplexie, les affections hystériques, les vertiges, les maux de tête nerveux, la gastralgie, l'insomnie, etc.
On raconte qu'en Angleterre, Benjamin Disraeli (1804-1881) Premier Ministre Conservateur, grand séducteur, appréciait particulièrement les primevères. Lorsqu’il fit de la reine Victoria l’impératrice des Indes (1877), la souveraine le remercia en lui offrant un bouquet de primevères et le titre de premier comte de Beaconsfield.
Lors des funérailles de Disraeli, la Reine Victoria (1819-1901) fit personnellement envoyer une couronne de primevères avec un mot écrit de sa main.
En son souvenir, le 19 avril est devenu le jour de la primevère
1883, il fut fondé en son honneur la "Ligue de la primevère" (Primrose League), notamment par Randolph Churchill (1849-1895), le père de Winston.
On ne vit alors que primevères partout, aux boutonnières des hommes, sur les chapeaux et les robes des femmes
Ses membres déposaient chaque 19 avril (jour du décès de Disraeli) des bouquets de coucous sur sa tombe et des couronnes sur ses statues. L
La Ligue de la primevère (Primrose league) fut active jusque dans les années 1860.
Katherine Mansfield (1888-1923)
écrivaine et poète écrit dans son journal :
"Une jeune fille est passée sous ma fenêtre, elle vendait des primevères. J'en ai acheté de grosses bottes, je les ai délivrées de leurs liens si serrés, je les ai laissées s'étirer, se détendre, les pauvres petites, dans une coupe bleu ciel où l'on met des primevères chaque année. En me penchant sur elles, j'ai vu leurs visages pâles et las me regarder de cet air perplexe et inquiet qu'ont parfois les très petits enfants. On eut dit que le printemps était entré dans ma chambre, chantant très bas, tout bas"
et dans Le Voyage indiscret
Le soleil dardait à travers la verrière de la gare de longs rayons bleu et or ; un petit garçon allait et venait le long de la rame avec un panier de primevères. Il y avait quelque chose chez les gens - chez les femmes surtout - quelque chose de paresseux et pourtant d'ardent. Le jour le plus émouvant de l'année, le premier vrai jour de printemps avait découvert sa délicieuse beauté tiède, même aux yeux de Londres.
Robert Desnos (1900-1945) - poète
Recueil : "Chantefleurs"
La Pervenche et la primevère
Doña Dolorès Primevère,
Lady Roxelane Pervenche
Un beau dimanche,
Montent en haut du belvédère.
Rêveuse pervenche,
Douce primevère,
Radieuse atmosphère.
Robert Desnos (1900-1945) - poète
Recueil : "Chantefleurs"
Le Coucou
Coucous des bois et des jardins,
J’ai le cœur joyeux, j’ai le cœur tranquille.
Coucou fleuri, coucou malin,
Je viendrai te cueillir demain.
J’ai le cœur joyeux, j’ai le cœur tranquille,
De bon matin.
Sybille Rembard, Beauté Fractionnée, 2002
Primevère de printemps
Veillés par une primevère solitaire
nous nous sommes retrouvés à la lisière du monde.
Les pétales nous regardaient surpris
la terre encore blanche de neige
les rayons du soleil embrumés.
L’hiver est parti, tu l’as senti.
Nous avons osé le désir éphémère
ensemble
nous nous sommes laissés éblouir.
La chaleur de tes mains m’a caressée sans me toucher
pétale primitif
Ton regard m’a modelée
neige de printemps
Ton souffle a enluminé mon âme
rayon de certitudes
Tes mots ont su, pour un instant, orner notre futur
Eternellement embrumé.
Athanase Vantchev de Thracy (1940) - poète
Les chastes primevères brillent
De toute la splendeur de leurs fleurs d’or
Dans la blancheur immaculée de la neige.
Toi, Ange à la transparente élégance,
Tu erres dans l’empire des rêves,
Tendrement appuyée au rebord
Fleuri de la fenêtre.
Je regarde les fleurs joviales des primevères
Et cueille, discrètement, les sourires
De tes lèvres.
Toi, mon livre blanc,
Ombre lumineuse jaillie d’une vie antérieure.
Toi, qui connais le sublime bonheur d’être triste !
Reste, reste ainsi, calme, songeuse, immobile,
Ô lumière dans la lumière du matin,
Ma primevère couleur de soleil,
Ma dernière lettre d’amour de la vie !
Serge Reggiani nous a chanté :
Primevère
C'est un bourgeon, c'est un bouton,
C'est pas plus haut qu'un quart de taon,
Qu'un frisson sur ma peau,
Mais ça renferme en miniature
Toute l'ambition de la nature,
De la graine au copeau...
Ça pousse calme, prend son temps,
Pour exploser dès le printemps
Dans un immense cri,
Dans l'écho libre, dans mon sang,
Qui fait de moi un renaissant avril
Et je fleuris...
Primevère, après le grand sommeil,
Le soleil grand ouvert,
Primevère, la vie sur une tige
Fait la pige a l'hiver,
Dans le repli d'une corolle,
Dans la cambrure d'un pétale,
Ces musiques et paroles
Du grand absent des cathédrales,
Primevère, je sais bien que tu meurs,
Ma rumeur éphémère,
Primevère, je sais bien que tu manges
Joliment la lumière,
Mais les nuits de janvier
Enneigent les calendriers,
L'univers fait l'amour
Prépare l'éternel retour...
Je suis muguet, je suis lilas,
La vie me tue, la vie est là,
Qui nargue mon destin,
Ma prisonnière, mon infidèle,
Je désespère et l'hirondelle
Arrive ce matin...
Mon moindre soupir est un chant,
J'ai l'âme en friche dans un champs
Si riche de moissons,
Que tout un univers de blé
N'y pourra jamais ressembler
L'espoir est ma chanson...
Primevère, après le grand sommeil,
Le soleil grand ouvert,
Primevère, la vie sur une tige
Fait la pige a l'hiver,
Dans le repli d'une corolle,
Dans la cambrure d'un pétale,
Ces musiques et paroles
Du grand absent des cathédrales,
Primevère, je sais bien que tu meurs,
Ma rumeur éphémère,
Primevère, je sais bien que tu manges
Joliment la lumière,
Mais les nuits de janvier
Enneigent les calendriers,
L'univers fait l'amour,
Prépare l'éternel retour...
Primevère, primevère...
J.J. Grandville (1806-1843) - illustrateur
Primevère et Perce-neige
—Primevère! Primevère! réveille-toi!
—Qui m’appelle?
—C’est Perce-Neige, ton ami, qui a froid et qui voudrait se réchauffer à ton haleine!
—Pourquoi ai-je dormi si longtemps! Il fait si bon respirer la brise printanière,
voir l’herbe verte, sentir la tiède odeur des bourgeons,se mirer dans le clair ruisseau!
—Sans moi tu dormirais encore, c’est à moi que tu dois
les sourires de cette riante matinée d’avril.
Si tu savais comme tu es jolie dans ton petit corsage blanc,
comme tes joues sont fraîches,
comme tu t’inclines gracieusement sous la brise qui t’effleure!
Penche vers moi ta corolle, et laisse-moi te donner un baiser.
—Le printemps n’aime pas l’hiver; la jeunesse n’aime pas la vieillesse.
Tu vas mourir et tu parles d’aimer!
—Mes forces se sont épuisées à percer les dures neiges de l’hiver;
mais ton parfum me ranime, Primevère; l’amour me fera revivre.
—N’entends-tu pas dans l’air comme un battement d’ailes invisibles?
Il arrive le jeune Zéphire;
c’est lui que je veux aimer, c’est lui qui aura mon premier baiser.
—J’ai fleuri jusqu’à ce jour malgré la glace; je sens venir le printemps;
me faudra-t-il mourir sans entendre le doux chant des oiseaux,
sans sentir la chaleur vivifiante du soleil et de l’amour!
—Les vieillards ne sont faits ni pour le soleil ni pour l’amour;
l’air chaud du printemps et des passions brise leur poitrine débile.
Malheur à celui qui aime trop tard!
Pendant qu’elle parlait, Zéphire planait sur la Primevère;
haleine et parfum, tout se confondit.
Le vent, ému de ce baiser, passa sur la tête du Perce-Neige;
il mourut tué par la première brise.
(Revue des Deux-Mondes, 1er février 1877)
Citation :
"La galanthine (perce-neige) et la primevère parent nos bois, et les violettes se baignent dans l'humidité du matin"