15 mars 2022 2 15 /03 /mars /2022 11:34

 

 

Charles Le Goffic (1863-1932) poète, romancier et critique littéraire français dont l'œuvre célèbre la Bretagne.


Recueil : Le bois dormant (1900).

 


Printemps de Bretagne.

 

Une aube de douceur s'éveille sur la lande :

Le printemps de Bretagne a fleuri les talus.

Les cloches de Ker-Is l'ont dit jusqu'en Islande

Aux pâles "En-Allés" qui ne reviendront plus.

 

Nous aussi qui vivons et qui mourrons loin d'elle,

Loin de la douce fée aux cheveux de genêt,

Que notre cœur au moins lui demeure fidèle :

Renaissons avec elle à l'heure où tout renaît.

 

Ô printemps de Bretagne, enchantement du monde !

Sourire virginal de la terre et des eaux !

C'est comme un miel épars dans la lumière blonde :

Viviane éveillée a repris ses fuseaux.

 

File, file l'argent des aubes aprilines !

File pour les landiers ta quenouille d'or fin !

De tes rubis. Charmeuse, habille les collines ;

Ne fais qu'une émeraude avec la mer sans fin.

 

C'est assez qu'un reflet pris à tes doigts de flamme,

Une lueur ravie à ton ciel enchanté,

Descende jusqu'à nous pour rattacher notre âme

A l'âme du pays qu'a fleuri ta beauté !

Henri Le Goff  - Landes fleuries - Cap Sizun

Henri Le Goff - Landes fleuries - Cap Sizun

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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 21:03


 

 

Albert Samain (1858-1900) poète symboliste français.

Le chariot d’or

 

 

En printemps …

 

En printemps, quand le blond vitrier Ariel

Nettoie à neuf la vitre éclatante du ciel,

Quand aux carrefours noirs qu’éclairent les toilettes

En monceaux odorants croulent les violettes

Et le lilas tremblant, frileux encor d’hier,

Toujours revient en moi le songe absurde et cher

Que mes seize ans ravis aux candeurs des keepsakes

Vivaient dans les grands murs blancs des bibliothèques

Rêveurs à la fenêtre où passaient des oiseaux…

Dans des pays d’argent, de cygnes, de roseaux

Dont les noms avaient des syllabes d’émeraude,

Au bord des étangs verts où la sylphide rôde,

Parmi les donjons noirs et les châteaux hantés,

Déchiquetant des ciels d’eau-forte tourmentés,

Traînaient limpidement les robes des légendes.

 

Ossian ! Walter Scott ! Ineffables guirlandes

De vierges en bandeaux s’inclinant de profil.

Ô l’ovale si pur d’alors, et le pistil

Du col où s’éploraient les anglaises bouclées !

Ô manches à gigot ! Longues mains fuselées

Faites pour arpéger le coeur de Raphaël,

Avec des yeux à l’ange et l’air  "Exil du ciel",

Ô les brunes de flamme et les blondes de miel !

 

Mil-huit-cent-vingt… parfum des lyres surannées ;

Dans vos fauteuils d’Utrecht bonnes vieilles fanées,

Bonnes vieilles voguant sur  "le lac" étoilé,

Ô âmes soeurs de Lamartine inconsolé.

Tel aussi j’ai vécu les sanglots de vos harpes

Et vos beaux chevaliers ceints de blanches écharpes

Et vos pâles amants mourant d’un seul baiser.

L’idéal était roi sur un grand coeur brisé.

 

C’était le temps du patchouli, des janissaires,

D’Elvire, et des turbans, et des hardis corsaires.

Byron disparaissait, somptueux et fatal.

Et le cor dans les bois sonnait sentimental.

 

Ô mon beau coeur vibrant et pur comme un cristal.
 

Henry John Yeend King (1855-1924) printemps

Henry John Yeend King (1855-1924) printemps

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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 20:50

 

 

René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme (1839-1907) poète français, premier lauréat du prix Nobel de littérature en 1901.

Les solitudes

 

 

Prière au printemps

 

Toi qui fleuris ce que tu touches,

Qui, dans les bois, aux vieilles souches

Rends la vigueur,

Le sourire à toutes les bouches,

La vie au coeur ;

 

Qui changes la boue en prairies,

Sèmes d’or et de pierreries

Tous les haillons,

Et jusqu’au seuil des boucheries

Mets des rayons !

 

Ô printemps, alors que tout aime,

Que s’embellit la tombe même,

Verte au dehors,

Fais naître un renouveau suprême

Au coeur des morts !

 

Qu’ils ne soient pas les seuls au monde

Pour qui tu restes inféconde,

Saison d’amour !

Mais fais germer dans leur poussière

L’espoir divin de la lumière

Et du retour !


 

Sully Prudhomme (1839-1907) - poète français - Prière au printemps
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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 20:42

 

 

Gaston Couté (1880-1911) poète libertaire et chansonnier français, connu pour ses textes antimilitaristes, sociaux et anarchistes utilisant parfois le patois beauceron ou l'argot.

Les saisons 


 

Printemps

 

Le printemps va bientôt naître. Les hirondelles

Pour que l’azur s’en vienne égayer son berceau

Fendent le crêpe du brouillard à grands coups

Prestes et nets ainsi que des coups de ciseaux.

 

Des rustres stupides et des corbeaux voraces

Qui s’engraissaient parmi les horreurs de l’hiver

En voyant les oiseaux d’espoir traverser l’air

Se liguent aussitôt pour leur donner la chasse.

 

Les hirondelles agonisent en des cages,

Leur aile saigne sous la serre des corbeaux,

Mais parmi l’azur qui crève enfin les nuages

Voici l’Avril ! Voici le printemps jeune et beau.

 

O gouvernants bourgeois à la poigne cruelle

Emprisonnez les gens, faites en des martyrs,

Tuez si ça vous plaît toutes les hirondelles,

Vous n’empêcherez pas le printemps de venir.
 

Gaston Couté (1880-1911) - poète libertaire et chansonnier français - Printemps
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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 20:38


René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme (1839-1907) poète français, premier lauréat du prix Nobel de littérature en 1901.

Recueil : Les solitudes

 

 

Mars

 

En mars, quand s’achève l’hiver,

Que la campagne renaissante

Ressemble à la convalescente

Dont le premier sourire est cher ;

 

Quand l’azur, tout frileux encore,

Est de neige éparse mêlé,

Et que midi, frais et voilé,

Revêt une blancheur d’aurore ;

 

Quand l’air doux dissout la torpeur

Des eaux qui se changeaient en marbres ;

Quand la feuille aux pointes des arbres

Suspend une verte vapeur ;

 

Et quand la femme est deux fois belle,

Belle de la candeur du jour,

Et du réveil de notre amour

Où sa pudeur se renouvelle,

 

Oh ! Ne devrais-je pas saisir

Dans leur vol ces rares journées

Qui sont les matins des années

Et la jeunesse du désir ?

 

Mais je les goûte avec tristesse ;

Tel un hibou, quand l’aube luit,

Roulant ses grands yeux pleins de nuit,

Craint la lumière qui les blesse,

 

Tel, sortant du deuil hivernal,

J’ouvre de grands yeux encore ivres

Du songe obscur et vain des livres,

Et la nature me fait mal.


 

Sophia Vinogradova  - perce neige

Sophia Vinogradova - perce neige

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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 20:29

 

 

Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) écrivain et philosophe suisse, auteur d'un journal intime exceptionnel tant par son volume (17 000 pages) que par la valeur et l'universalité de son message.

Recueil : Grains de mil (1854).

 


Printemps du Nord.

 

Linotte

Qui frigotte,

Dis, que veux-tu de moi ?

Ta note,

Qui tremblote,

Me met tout en émoi.

 

Journée

Illuminée,

Soleil riant d'avril,

En quel songe

Se plonge

Mon cœur, et que veut-il ?

 

Sur la haie,

Où s'égaie

Le folâtre printemps,

La rosée,

Irisée,

Sème ses diamants.

 

Violette

Discrète,

Devant Dieu tu fleuris ;

Primevère,

A la terre,

Bouche d'or, tu souris.

 

Petite

Marguerite,

Conseillère du cœur,

Ta couronne

Mignonne

Epèle mon bonheur.

 

Blanche et fine

Aubépine,

A tes pieds, la fourmi

Déjà teille

Et réveille

Son brin d'herbe endormi.

 

La mousse

Qui repousse

Attend l'or du grillon ;

La rose,

Fraîche éclose,

Rêve au bleu papillon.

 

Mais, fidèle

Hirondelle,

Au nid toi qui reviens,

La tristesse

M'oppresse...

Où donc sont tous les miens ?

 

L'eau sans ride

Et limpide

Ouvre de ses palais,

Où tout brille

Et frétille,

Les réduits les plus frais.

 

Sur la branche

Qui penche,

Vif, l'écureuil bondit ;

La fauvette

Coquette

Se lustre dans son nid.

 

La grue

En l'étendue

A glissé, trait d'argent ;

Dans l'anse

Se balance

Le cygne négligent.

 

La follette

Alouette,

Gai chantre des beaux jours,

Dans l'azur libre

Vibre,

Appelant les amours.

 

Journée

Illuminée,

Soleil riant d'avril,

En quel songe

Se plonge

Mon cœur, et que veut-il ?

 

Dans l'onde

Vagabonde,

Aux prés, sur les buissons,

Sous la ramée

Aimée,

Aux airs, dans les sillons,

 

Tout tressaille

Et travaille,

Germe, respire et vit,

Tout palpite

Et s'agite,

Va, chante, aime et bénit.

 

Mais mon âme

Est sans flamme...

Beaux jours en vain donnés,

Nature

Calme et pure,

Ô printemps, pardonnez !

 

Linotte

Qui frigotte,

Dis, que veux-tu de moi ?

Ta note

Qui tremblote

Met mon cœur en émoi.
 

Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) - écrivain et philosophe suisse - Printemps du Nord.
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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 20:27

 

 

Antoine de Latour (1808-1881) Poète et écrivain français.

Recueil : Loin du foyer (1835).

 


Au printemps qui ne vient pas

 

Où donc est le printemps ? Endormi sous la nue

Le soleil ne luit pas ou brille sans chaleur,

Et dans les champs, la neige, aux arbres suspendue,

Tient la sève captive et dévore la fleur.

 

Tout frissonne et se tait ; le pauvre laboureur

S'assied morne et pensif sur quelque roche nue ;

Le pain pour ses enfants va manquer, et son cœur

Maudira l'heure sainte où leur mère est venue.

 

Il est aussi des temps où du soleil divin

L'homme attend le retour et le demande en vain ;

Qui de nous, une fois, et de l'âme et du monde

 

N'a cru voir les destins confondus et flottants,

Et des esprits troublés sondant la nuit profonde

Ne s'écria jamais : — Où donc est le printemps ?
 

Antoine de Latour (1808-1881) - Poète et écrivain français - Au printemps qui ne vient pas
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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 20:26

 

 

Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval, (1808-1855) est un écrivain et un poète français. Figure majeure du romantisme français, il est essentiellement connu pour ses poèmes et ses nouvelles, notamment son ouvrage Les Filles du feu, recueil de nouvelles (la plus célèbre étant Sylvie), son recueil de sonnets (Les Chimères) publié en 1854 et sa nouvelle poétique Aurélia publiée en 1855.

Odelettes

 

Chanson gothique

 

Belle épousée,

J’aime tes pleurs !

C’est la rosée

Qui sied aux fleurs.

 

Les belles choses

N’ont qu’un printemps,

Semons de roses

Les pas du Temps !

Soit brune ou blonde

Faut-il choisir ?

Le Dieu du monde,

C’est le Plaisir.

 

Vladimir Volegov-

Vladimir Volegov-

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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 20:24

 

 

Amable Tastu (1795-1885) femme de lettres française, poétesse et librettiste.

Recueil : Poésies, 1826

 


Le printemps

 

Viens, charmante saison, jeunesse de l’année,

Viens animer encore le luth des Troubadours,

Des fleurs que tu fais naître accours environnée,

Elles seront le prix de nos chansons d’amours.

 

Voici venir le jour où la Reine des anges,

Seule, au pied de la croix, répandit tant de pleurs,

Qu’elle entende aujourd’hui l’hymne de nos louanges

Redire aux saints autels ses sublimes douleurs.

 

Cité de mes aïeux, Toulouse tant chérie,

Sois à jamais l’orgueil, l’amour de tes enfants ;

Qu’ils trouvent dans les murs de leur belle patrie

Le sujet et le prix de leurs nobles accents !

 

Poètes orgueilleux, caressez l’espérance

De laisser après vous un renom immortel ;

Le mien s’éteindra vite ; et le nom de Clémence

Ne sera point connu du jeune Ménestrel.

 

La rose du matin le soir jonche la terre ;

Avec indifférence on la voit se flétrir ;

Et le vent de la nuit, de son aile légère,

Disperse dans les airs son dernier souvenir.

 

Capitole Toulouse - Salle Henri-Martin - Les amoureux -  printemps bords de la Garonne - Henri Martin

Capitole Toulouse - Salle Henri-Martin - Les amoureux - printemps bords de la Garonne - Henri Martin

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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 20:23

 

 

Henri Durand (1818-1842) - Poète vaudois de langue française 

Recueil : Poésies complètes (1858).


 

 

Le sommeil du printemps.


 

Mère, ouvre le rideau ! le soleil qui se lève

Vient jeter sur mon lit ses rayons éclatants.

Ce jour vient de ma nuit chasser le mauvais rêve,

Il fait si doux, si pur un matin de printemps !

 

On voit les monts neigeux par-dessus les charmilles ;

Mais la vigne, le pré commence à verdoyer ;

Hier au soir j'entendais chanter les jeunes filles

Sous l'ombrage naissant de notre grand noyer.

 

La sève du printemps, qui redresse les branches,

Monte dans le jeune arbre et dans le vieux aussi ;

Je vois lever la tête aux marguerites blanches.

Un souffle frais et sain m'arrive jusqu'ici.

 

Jusqu'ici Mais dehors, il fait plus beau, ma mère !

Heureux qui peut marcher quelques pas sans souffrir !

L'an dernier, je t'allais cueillir la primevère ;

Près du ruisseau, je gage, elle est prête à fleurir.

 

Aurait-on cru jamais que d'un printemps à l'autre

On pût ainsi changer ? Comme tout était beau !

Je plantais de mes fleurs mon jardin et le vôtre...

Bientôt vous planterez vos fleurs sur mon tombeau ! —

 

Puisqu'il est pour l'année encore une jeunesse,

Pour ma vie, oh ! pourquoi n'est-il plus de printemps ?

Ce qui devait mûrir de joie et de tendresse,

Faut-il que sans germer il étouffe au-dedans ?

 

Ce doux matin ! — pourtant c'est le dernier peut-être

Dont je vois ici-bas le lever triomphal...

Ma mère, au nom de Dieu, fermez cette fenêtre ;

Le printemps, le soleil, les fleurs, tout me fait mal !

 

Qu'a donc cette hirondelle à chanter si joyeuse

Sous ce malheureux toit où je plains et gémis ?

Qu'il fait froid, qu'il fait chaud sur ma couche fiévreuse !...

S'ils viennent pour me voir, renvoyez mes amis !...

 

Combien est dur, hélas ! tout ce qui vous rappelle

Qu'on est jeune et qu'on meurt ! Peut-être que l'on croit

Ma douleur consolable ; — on la croit peu réelle ;

A consoler les morts les vivants n'ont pas droit.

 

Oh ! ne te cache pas, toi, bonne mère ; pleure,

Pleure et prie avec moi ! quand ce printemps béni

Réveille tout, comment ce peut-il être l'heure

De m'endormir déjà ? Déjà Dieu ! tout fini !...

 

Non, tout n'est pas fini, frère, bonne espérance !

Béni soit ton sommeil qui vient tarir nos pleurs !

Non, tout n'est pas fini, ce printemps qui commence,

C'est celui dont juillet ne flétrit pas les fleurs ;

 

Celui dont les oiseaux ont à chanter sans cesse,

Où coule des jours purs le ruisseau sans écarts,

Le printemps éternel, l'éternelle jeunesse !...

— Heureux qui de l'automne ignore les brouillards !

Henri Durand (1818-1842) - Poète vaudois de langue française - Le sommeil du printemps.
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