1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 16:08

Alfred Victor de Vigny ou comte de Vigny (1797-1863) écrivain, romancier, dramaturge et poète français.

Recueil : "Poèmes antiques et modernes"

 

 

Éloa, ou la sœur des Anges – Chant I – Naissance

 

C’est le serpent, dit-elle, je l’ai écouté,

et il m’a trompée.

Genèse.

 

 

Il naquit sur la terre un Ange, dans le temps

Où le Médiateur sauvait ses habitants.

Avec sa suite obscure et comme lui bannie,

Jésus avait quitté les murs de Béthanie ;

À travers la campagne il fuyait d’un pas lent,

Quelquefois s’arrêtait, priant et consolant,

Assis au bord d’un champ le prenait pour symbole,

Ou du Samaritain disait la parabole,

La brebis égarée, ou le mauvais pasteur,

Ou le sépulcre blanc pareil à l’imposteur ;

Et, de là, poursuivant sa paisible conquête,

De la Chananéenne écoutait la requête,

À la fille sans guide enseignait ses chemins,

Puis aux petits enfants il imposait les mains.

L’aveugle-né voyait, sans pouvoir le comprendre,

Le lépreux et le sourd se toucher et s’entendre,

Et tous, lui consacrant des larmes pour adieu,

Ils quittaient le désert où l’on exilait Dieu.

Fils de l’homme et sujet aux maux de la naissance,

Il les commençait tous par le plus grand, l’absence,

Abandonnant sa ville et subissant l’Édit,

Pour accomplir en tout ce qu’on avait prédit.

 

Or, pendant ces temps-là, ses amis en Judée

Voyaient venir leur fin qu’il avait retardée :

Lazare, qu’il aimait et ne visitait plus,

Vint à mourir, ses jours étant tous révolus.

Mais l’amitié de Dieu n’est-elle pas la vie ?

Il partit dans la nuit ; sa marche était suivie

Par les deux jeunes sœurs du malade expiré,

Chez qui dans ses périls il s’était retiré.

C’étaient Marthe et Marie ; or Marie était celle

Qui versa les parfums et fit blâmer son zèle.

Tous s’affligeaient ; Jésus disait en vain : "Il dort."

Et lui-même, en voyant le linceul et le mort,

Il pleura. — Larme sainte à l’amitié donnée,

Oh ! vous ne fûtes point aux vents abandonnée !

Des Séraphins penchés l’urne de diamant,

Invisible aux mortels, vous reçut mollement,

Et comme une merveille, au Ciel même étonnante,

Aux pieds de l’Éternel vous porta rayonnante.

De l’oeil toujours ouvert un regard complaisant

Émut et fit briller l’ineffable présent ;

Et l’Esprit-Saint sur elle épanchant sa puissance,

Donna l’âme et la vie à la divine essence.

Comme l’encens qui brûle aux rayons du soleil

Se change en un feu pur, éclatant et vermeil,

On vit alors du sein de l’urne éblouissante

S’élever une forme et blanche et grandissante,

Une voix s’entendit qui disait : "Éloa !"

Et l’Ange apparaissant répondit : "Me voilà."

 

Toute parée, aux yeux du Ciel qui la contemple,

Elle marche vers Dieu comme une épouse au Temple ;

Son beau front est serein et pur comme un beau lis,

Et d’un voile d’azur il soulève les plis ;

Ses cheveux, partagés comme des gerbes blondes,

Dans les vapeurs de l’air perdent leurs molles ondes,

Comme on voit la comète errante dans les cieux

Fondre au sein de la nuit ses rayons gracieux

Une rose aux lueurs de l’aube matinale

N’a pas de son teint frais la rougeur virginale ;

Et la lune, des bois éclairant l’épaisseur,

D’un de ses doux regards n’atteint pas la douceur.

Ses ailes sont d’argent ; sous une pâle robe,

Son pied blanc tour à tour se montre et se dérobe,

Et son sein agité, mais à peine aperçu,

Soulève les contours du céleste tissu.

C’est une femme aussi, c’est une Ange charmante ;

Car ce peuple d’Esprits, cette famille aimante,

Qui, pour nous, près de nous, prie et veille toujours,

Unit sa pure essence en de saintes amours :

L’Archange Raphaël, lorsqu’il vint sur la Terre,

Sous le berceau d’Éden conta ce doux mystère.

Mais nulle de ces sœurs que Dieu créa pour eux

N’apporta plus de joie au ciel des Bienheureux.

Les Chérubins brûlants qu’enveloppent six ailes,

Les tendres Séraphins, dieux des amours fidèles,

Les Trônes, les Vertus, les Princes, les Ardeurs,

Les Dominations, les Gardiens, les Splendeurs,

Et les Rêves pieux, et les saintes Louanges,

Et tous les Anges purs, et tous les grands Archanges,

Et tout ce que le Ciel renferme d’habitants,

Tous, de leurs ailes d’or voilés en même temps,

Abaissèrent leurs fronts jusqu’à ses pieds de neige,

Et les Vierges ses sœurs, s’unissant en cortège,

Comme autour de la Lune on voit les feux du soir,

Se tenant par la main, coururent pour la voir.

Des harpes d’or pendaient à leur chaste ceinture ;

Et des fleurs qu’au Ciel seul fit germer la nature,

Des fleurs qu’on ne voit pas dans l’Été des humains,

Comme une large pluie abondaient sous leurs mains.

 

« Heureux, chantaient alors des voix incomparables,

Heureux le monde offert à ses pas secourables !

Quand elle aura passé parmi les malheureux,

L’esprit consolateur se répandra sur eux.

Quel globe attend ses pas ? Quel siècle la demande ?

Naîtra-t-il d’autres cieux afin qu’elle y commande ?"

Un jour… (Comment oser nommer du nom de jour

Ce qui n’a pas de fuite et n’a pas de retour ?

Des langages humains défiant l’indigence,

L’éternité se voile à notre intelligence,

Et, pour nous faire entendre un de ces courts instants,

Il faut chercher pour eux un nom parmi les temps.)

Un jour, les habitants de l’immortel empire,

Imprudents une fois, s’unissaient pour l’instruire.

"Éloa, disaient-ils, oh ! veillez bien sur vous :

Un Ange peut tomber ; le plus beau de nous tous

N’est plus ici : pourtant dans sa vertu première

On le nommait celui qui porte la lumière ;

Car il portait l’amour et la vie en tout lieu,

Aux astres il portait tous les ordres de Dieu ;

La terre consacrait sa beauté sans égale,

Appelant Lucifer l’étoile matinale,

Diamant radieux, que sur son front vermeil,

Parmi ses cheveux d’or a posé le soleil.

Mais on dit qu’à présent il est sans diadème,

Qu’il gémit, qu’il est seul, que personne ne l’aime,

Que la noirceur d’un crime appesantit ses yeux,

Qu’il ne sait plus parler le langage des Cieux ;

La mort est dans les mots que prononce sa bouche ;

Il brûle ce qu’il voit, il flétrit ce qu’il touche ;

Il ne peut plus sentir le mal ni les bienfaits ;

Il est même sans joie aux malheurs qu’il a faits.

Le Ciel qu’il habita se trouble à sa mémoire,

Nul ange n’oserait vous conter son histoire,

Nul ange n’oserait dire une fois son nom."

Et l’on crut qu’Éloa le maudirait ; mais non,

L’effroi n’altéra point son paisible visage,

Et ce fut pour le Ciel un alarmant présage.

Son premier mouvement ne fut pas de frémir,

Mais plutôt d’approcher comme pour secourir ;

La tristesse apparut sur sa lèvre glacée

Aussitôt qu’un malheur s’offrit à sa pensée ;

Elle apprit à rêver, et son front innocent

De ce trouble inconnu rougit en s’abaissant ;

Une larme brillait auprès de sa paupière.

Heureux ceux dont le cœur verse ainsi la première !

 

Un ange eut ces ennuis qui troublent tant nos jours,

Et poursuivent les grands dans la pompe des cours ;

Mais, au sein des banquets, parmi la multitude,

Un homme qui gémit trouve la solitude ;

Le bruit des nations, le bruit que font les rois,

Rien n’éteint dans son cœur une plus forte voix.

Harpes du Paradis, vous étiez sans prodiges !

Chars vivants dont les yeux ont d’éclatants prestiges !

Armures du Seigneur, pavillons du saint lieu,

Étoiles des bergers tombant des doigts de Dieu,

Saphirs des encensoirs, or du céleste dôme,

Délices du nebel, senteurs du cinnamome,

Vos bruits harmonieux, vos splendeurs, vos parfums

Pour un ange attristé devenaient importuns ;

Les cantiques sacrés troublaient sa rêverie,

Car rien n’y répondait à son âme attendrie

Et soit lorsque Dieu même, appelant les esprits,

Dévoilait sa grandeur à leurs regards surpris,

Et montrait dans les cieux, foyer de la naissance,

Les profondeurs sans nom de sa triple puissance,

Soit quand les chérubins représentaient entre eux

Ou les actes du Christ ou ceux des bienheureux,

Et répétaient au Ciel chaque nouveau mystère

Qui, dans les mêmes temps, se passait sur la terre,

La crèche offerte aux yeux des mages étrangers,

La famille au désert, le salut des bergers,

Éloa, s’écartant de ce divin spectacle,

Loin de leur foule et loin du brillant tabernacle,

Cherchait quelque nuage où dans l’obscurité

Elle pourrait du moins rêver en liberté.

Les anges ont des nuits comme la nuit humaine.

Il est dans le Ciel même une pure fontaine ;

Une eau brillante y court sur un sable vermeil ;

Quand un ange la puise, il dort, mais d’un sommeil

Tel que le plus aimé des amants de la terre

N’en voudrait pas quitter le charme solitaire,

Pas même pour revoir dormant auprès de lui

La beauté dont la tête a son bras pour appui.

Mais en vain Éloa s’abreuvait dans son onde,

Sa douleur inquiète en était plus profonde ;

Et toujours dans la nuit un rêve lui montrait

Un ange malheureux qui de loin l’implorait.

Les vierges quelquefois, pour connaître sa peine,

Formant une prière inentendue et vaine,

L’entouraient, et, prenant ces soins qui font souffrir,

Demandaient quels trésors il lui fallait offrir,

Et de quel prix serait son éternelle vie,

Si le bonheur du Ciel flattait peu son envie ;

Et pourquoi son regard ne cherchait pas enfin

Les regards d’un archange ou ceux d’un séraphin.

Éloa répondait une seule parole :

« Aucun d’eux n’a besoin de celle qui console.

On dit qu’il en est un… » Mais détournant leurs pas,

Les vierges s’enfuyaient et ne le nommaient pas.

 

Cependant, seule, un jour, leur timide compagne,

Regarde autour de soi la céleste campagne,

Étend l’aile et sourit, s’envole, et dans les airs

Cherche sa terre amie ou des astres déserts.

 

Ainsi dans les forêts de la Louisiane,

Bercé sous les bambous et la longue liane,

Ayant rompu l’œuf d’or par le soleil mûri,

Sort de son lit de fleurs l’éclatant Colibri ;

Une verte émeraude a couronné sa tête,

Des ailes sur son dos la pourpre est déjà prête,

La cuirasse d’azur garnit son jeune cœur,

Pour les luttes de l’air l’oiseau part en vainqueur…

Il promène en des lieux voisins de la lumière

Ses plumes de corail qui craignent la poussière ;

Sous son abri sauvage étonnant le ramier,

Le hardi voyageur visite le palmier.

La plaine des parfums est d’abord délaissée ;

Il passe, ambitieux, de l’érable à l’alcée,

Et de tous ses festins croit trouver les apprêts

Sur le front du palmiste ou les bras du cyprès ;

Mais les bois sont trop grands pour ses ailes naissantes.

Et les fleurs du berceau de ces lieux sont absentes ;

Sur la verte savane il descend les chercher ;

Les serpents-oiseleurs qu’elles pourraient cacher

L’effarouchent bien moins que les forêts arides.

Il poursuit près des eaux le jasmin des Florides,

La nonpareille au fond de ses chastes prisons,

Et la fraise embaumée au milieu des gazons.

 

C’est ainsi qu’Éloa, forte dès sa naissance,

De son aile argentée essayant la puissance,

Passant la blanche voie où des feux immortels

Brûlent aux pieds de Dieu comme un amas d’autels,

Tantôt se balançant sur deux jeunes planètes,

Tantôt posant ses pieds sur le front des comètes,

Afin de découvrir les êtres nés ailleurs,

Arriva seule au fond des Cieux inférieurs.

 

L’Éther a ses degrés, d’une grandeur immense,

Jusqu’à l’ombre éternelle où le chaos commence.

Sitôt qu’un ange a fui l’azur illimité,

Coupole de saphirs qu’emplit la Trinité,

Il trouve un air moins pur ; là passent des nuages,

La tournent des vapeurs, serpentent des orages,

Comme une garde agile, et dont la profondeur

De l’air que Dieu respire éteint pour nous l’ardeur.

Mais, après nos soleils et sous les atmosphères

Où, dans leur cercle étroit, se balancent nos sphères,

L’espace est désert, triste, obscur, et sillonné

Par un noir tourbillon lentement entraîné.

Un jour douteux et pâle éclaire en vain la nue,

Sous elle est le chaos et la nuit inconnue ;

Et, lorsqu’un vent de feu brise son sein profond,

On devine le vide impalpable et sans fond.

Jamais les purs esprits, enfants de la lumière,

De ces trois régions n’atteignent la dernière ;

Et jamais ne s’égare aucun beau séraphin

Sur ces degrés confus dont l’Enfer est la fin.

Même les chérubins, si forts et si fidèles,

Craignent que l’air impur ne manque sous leurs ailes,

Et qu’ils ne soient forcés, dans ce vol dangereux,

De tomber jusqu’au fond du chaos ténébreux.

Que deviendrait alors l’exilé sans défense ?

Du rire des démons l’inextinguible offense,

Leurs mots, leurs jeux railleurs, lent et cruel affront,

Feraient baisser ses yeux, feraient rougir son front.

Péril plus grand peut-être il lui faudrait entendre

Quelque chant d’abandon voluptueux et tendre,

Quelque regret du Ciel, un récit douloureux

Dit par la douce voix d’un ange malheureux.

Et même, en lui prêtant une oreille attendrie,

Il pourrait oublier la céleste patrie,

Se plaire sous la nuit et dans une amitié

Qu’auraient nouée entre eux les chants et la pitié.

Et comment remonter à la voûte azurée,

Offrant à la lumière éclatante et dorée

Des cheveux dont les flots sont épars et ternis,

Des ailes sans couleurs, des bras, un col brunis,

Un front plus pâle, empreint de traces inconnues

Parmi les fronts sereins des habitants des nues,

Des yeux dont la rougeur montre qu’ils ont pleuré,

Et des pieds noirs encor d’un feu pestiféré ?

Voila pourquoi, toujours prudents et toujours sages,

Les anges de ces lieux redoutent les passages.

 

C’était là cependant, sur la sombre vapeur,

Que la vierge Éloa se reposait sans peur ;

Elle ne se troubla qu’en voyant sa puissance,

Et les bienfaits nouveaux causés par sa présence.

Quelques mondes punis semblaient se consoler ;

Les globes s’arrêtaient pour l’entendre voler.

S’il arrivait aussi qu’en ces routes nouvelles

Elle touchât l’un d’eux des plumes de ses ailes,

Alors tous les chagrins s’y taisaient un moment,

Les rivaux s’embrassaient avec étonnement ;

Tous les poignards tombaient oubliés par la haine ;

Le captif souriant marchait seul et sans chaîne ;

Le criminel rentrait au temple de la loi ;

Le proscrit s’asseyait au palais de son roi ;

L’inquiète insomnie abandonnait sa proie ;

Les pleurs cessaient partout, hors les pleurs de la joie ;

Et, surpris d’un bonheur rare chez les mortels,

Les amants séparés s’unissaient aux autels.


 

Raphaël Drouart - Eloa ou La sœur des Anges - 1928

Raphaël Drouart - Eloa ou La sœur des Anges - 1928

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1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:17

 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français

Les contemplations

 

 

Aux anges qui nous voient

 

- Passant, qu'es-tu ? je te connais.

Mais, étant spectre, ombre et nuage,

Tu n'as plus de sexe ni d'âge.

- Je suis ta mère, et je venais !

 

- Et toi dont l'aile hésite et brille,

Dont l'oeil est noyé de douceur,

Qu'es-tu, passant ? - Je suis ta sœur.

- Et toi, qu'es-tu ? - Je suis ta fille.

 

- Et toi, qu'es-tu, passant ? - Je suis

Celle à qui tu disais : -Je t'aime !

- Et toi ? - Je suis ton âme même.

Oh ! cachez-moi, profondes nuits !
 

Victor Hugo (1802-1885) - Poète français -  Aux anges qui nous voient
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1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:16


 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français

Recueil : Océan - vers.

 


Mes poèmes


Mes poèmes ! soyez des fleuves !

Allez en vous élargissant !

Désaltérez dans les épreuves

Les coeurs saignants, les âmes veuves,

Celui qui monte ou qui descend.

 

Que l'aigle plonge, loin des fanges,

Son bec de lumière en vos eaux !

Et dans vos murmures étranges

Mêlez l'hymne de tous les anges

Aux chansons de tous les oiseaux 
 

 Victor Hugo (1802-1885) - Poète français - Mes poèmes
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1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:16

 

Victor Hugo (1802-1885) - Poète français - La tombe dit à la rose  


Les Voix intérieures 

 

La tombe dit à la rose 


La tombe dit à la rose :

– Des pleurs dont l’aube t’arrose

Que fais-tu, fleur des amours ?

La rose dit à la tombe :

– Que fais-tu de ce qui tombe

Dans ton gouffre ouvert toujours ?

La rose dit : – Tombeau sombre,

De ces pleurs je fais dans l’ombre

Un parfum d’ambre et de miel.

La tombe dit : – Fleur plaintive,

De chaque âme qui m’arrive

Je fais un ange du ciel !
 

Victor Hugo (1802-1885) - Poète français - La tombe dit à la rose 
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1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:15

 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français

Extrait de:  Les chansons des rues et des bois (1865)

 


 Fuis l'Eden des Anges déchus

 

Fuis l'éden des anges déchus ;

Ami, prends garde aux belles filles ;

Redoute à Paris les fichus,

Redoute à Madrid les mantilles.

 

Tremble pour tes ailes, oiseau,

Et pour tes fils, marionnette.

Crains un peu l'oeil de Calypso,

Et crains beaucoup l'oeil de Jeannette.

 

Quand leur tendresse a commencé,

Notre servitude est prochaine.

Veux-tu savoir leur A B C ?

Ami, c'est Amour, Baiser, Chaîne.

 

Le soleil dore une prison,

Un rosier parfume une geôle,

Et c'est là, vois-tu, la façon

Dont une fille nous enjôle.

 

Pris, on a sa pensée au vent

Et dans l'âme une sombre lyre,

Et bien souvent on pleure avant

Qu'on ait eu le temps de sourire.

 

Viens dans les prés, le gai printemps

Fait frissonner les vastes chênes,

L'herbe rit, les bois sont contents,

Chantons ! Oh, les claires fontaines !
 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français - Fuis l'Eden des Anges déchus
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1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 14:15

 

Victor Hugo (1802-1885) Poète français

Extrait de:  Toute la lyre (1888 et 1893)

 

Le 4 avril 1854.


Les Evangélistes


Sur des livres où rien n'était écrit encore,

Quatre hommes méditaient quand mourut l'homme-Dieu ;

Tournés au nord, au sud, au couchant, à l'aurore,

Ces hommes se nommaient Luc, Jean, Marc et Matthieu.

Pendant que sur leur noir registre

Tombait l'ombre du mont sinistre,

Et qu'ils rêvaient, battus des vents,

On vit, sur la croix qui nous navre ;

Les clous de l'immense cadavre

Grandir et devenir vivants.

 

Le premier clou devint un aigle à forme étrange,

Le second fut un boeuf, le troisième un lion,

Le quatrième prit la figure d'un ange

Ayant l'éclair pour aile et pour oeil le rayon ;

Puis, s'envolant du haut calvaire,

Ils quittèrent l'arbre sévère,

Ils quittèrent l'affreux chevet,

Et chacun, dans l'ombre où nous sommes,

À l'oreille de ces quatre hommes

Vint raconter ce qu'il savait.
 

Les quatre Evangélistes Saint Matthieu, Saint Marc, Saint Luc, Saint Jean 17° s. - Artus Wolfaerts - Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Les quatre Evangélistes Saint Matthieu, Saint Marc, Saint Luc, Saint Jean 17° s. - Artus Wolfaerts - Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

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30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 19:52

 

Charles Baudelaire (1821-1867) Poète français

Recueil : Les fleurs du mal (1857).

 

 

Réversibilité

 

Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,

La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,

Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits

Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse ?

Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse ?

 

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,

Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,

Quand la Vengeance bat son infernal rappel,

Et de nos facultés se fait le capitaine ?

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine ?

 

Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,

Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,

Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,

Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres ?

Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres ?

 

Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,

Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment

De lire la secrète horreur du dévouement

Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avides ?

Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides ?

 

Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,

David mourant aurait demandé la santé

Aux émanations de ton corps enchanté ;

Mais de toi je n'implore, ange, que tes prières,

Ange plein de bonheur, de joie et de lumières !
 

Charles Baudelaire (1821-1867) - Poète français - Réversibilité
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30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 19:52

 

Pierre de Ronsard (1524-1585) Poète français


Recueil : Le premier livre des Amours (1552).

 

Ange divin, qui mes plaies embaume

 

Ange divin, qui mes plaies embaume,

Le truchement et le héraut des dieux,

De quelle porte es-tu coulé des cieux,

Pour soulager les peines de mon âme ?

 

Toi, quand la nuit par le penser m'enflamme,

Ayant pitié de mon mal soucieux,

Ore en mes bras, ore devant mes yeux,

Tu fais nager l'idole de ma Dame.

 

Demeure, Songe, arrête encore un peu !

Trompeur, attends que je me sois repu

De ce beau sein dont l'appétit me ronge,

 

Et de ces flancs qui me font trépasser :

Sinon d'effet, souffre au moins que par songe

Toute une nuit je les puisse embrasser.
 

Pierre de Ronsard (1524-1585) - Poète français - Ange divin, qui mes plaies embaume
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30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 19:51

 

Henri-Auguste Barbier (1805-1882) poète français, également nouvelliste, mémorialiste, librettiste, critique d'art et traducteur.


 

Un dîner d'Anges - Satire

Nouvelle interprétation d' Horace:


Paris présente aux yeux des contrastes étranges;

On y voit les démons parler comme des anges

Et les anges souvent vivre de la façon

La plus habituelle aux enfants du démon,

Dans toutes les douceurs que donne la richesse,

Le monde, le confort et la charmante ivresse

Des fins repas... un jour de cet hiver dernier,

Je reçois d'un des miens une invite à dîner.


C'est un homme savant et de ferme droiture,

Riche, des mieux placé dans la magistrature,

Mais un peu simple et, bien que fort pieux, trop chaud

Pour les coureurs d'église et le monde bigot.

N'importe, au jour marqué par son billet aimable,

Chez notre amphitryon, en habit convenable,

Je me rends, et voilà qu'un superbe salon

M'ouvre sa porte au cri d'un laquais à galon.


Là, dans un bon fauteuil, près de la flamme active

D'un foyer monstrueux dont la chaleur ravive,

Tout en causant avec mon hôte un peu distrait,

J'attends que des dîneurs le cercle soit complet.

L' attente n' est pas longue... à fort peu d'intervalle

Des invités paraît la bande triomphale.

Le premier qu' on annonce est un gros réjoui

À l'oeil vif, au teint frais, au rire épanoui,

Masque de bon vivant chauffé de rouge antique,

Qui jubile et s'incline au nom de: cher critique !

Le second, salué par mon parent trois fois,

Est traité de plus haut: une broche de croix

Étincelle au-dessous de sa blanche cravate:

C'est quelque grand seigneur et même un diplomate.


Derrière lui surgit, du fond d'un paletot

Doublé de molleton bien douillet et bien chaud,

Un long profil blafard, sec, à la lèvre mince,

Qui s' avance de l'air d' un pontife ou d' un prince,

Et dont le salut roide et le regard hautain

Décèlent un grand clerc, un saint Thomas D'Aquin.

Pour faire le contraste un monsieur en moustache

Entre sur ses talons; ses cheveux en panache

Se dressent, un habit d'un goût neuf et coquet

Emprisonne ses reins comme dans un corset.


Un pantalon collant lui dessine la cuisse;

On dirait à le voir un lion de coulisse.

Le cercle à son abord est tout empoisonné

D' une senteur de musc qui vous brûle le né.

Enfin, le front suant, couvert d' un rouge tendre,

Honteux et tout confus de s' être fait attendre,

Se glisse un petit homme à l' imberbe menton,

Un abbé d' autrefois, un reste du vieux ton,

Qu' à ses saluts nombreux et sa mine discrète,

Comme l' a dit Boileau, je reconnus poëte.

Les convives présents, dans le lieu du festin

Nous passons; en marchant, tout heureux, mon cousin

Me dit: " tu vois la fleur des esprits catholiques,

Mon cher, écoute bien ces bouches angéliques :

Leur pensée est solide et leur parler divin. "

Le service était beau, plats d'argent, damas fin.


On s' assied, et d' abord circule le madère;

Mon convive de gauche en dégustant son verre

Adresse la parole au blond poétereau :

"Eh bien, cher Sannazar, à quand le saint Bruno !

Le chef-d'oeuvre attendu ne se dévoile guères.

- Et vous, cher Théophraste, à quand vos caractères ?

Ce que l' on en connaît est d'un si haut ragoût

Que nous avons au coeur grand appétit du tout. "

Et voilà de nouveau ces héros de Molière

Se jetant par le nez tout le vocabulaire

Des fades compliments en mots pharamineux :

" On n' est pas plus piquant! - on ne chante pas mieux ! "

Mais un vaste turbot fait à point son entrée

Pour finir l'embrassade et la phrase sucrée

Des deux lettrés ; alors, les yeux sur le morceau,

Chacun de s' écrier en choeur: " ah ! Que c' est beau !

- Je ne crois pas, dit l'un, que la superbe bête

Pour laquelle un César fit si grave requête

Aux sénateurs de Rome ait valu ce poisson.


- Eh, eh ! Domitien... ce prince avait du bon,

Repart le diplomate à la langue affilée ;

Il savait se moquer des bavards d' assemblée,

Seulement, il usait trop souvent du bourreau.

- Messieurs, dit à l' instant l'homme aux parfums, le beau,

En donnant un grand coup de couteau sur la table,

Ne faisons pas trop fi de l'homme respectable

Qui se nomme Bourreau; nous ne pourrions sans lui

Manger en sûreté le dîner d' aujourd' hui.

- C'est vrai, répond la troupe. - hier, j' étais en visite

Chez la marquise D, coeur tendre, esprit d'élite,

Pour la désennuyer je lui lus tout d' un trait

Le portrait merveilleux qu' un grand homme en a fait.

 

 

Elle n'avait rien lu de si beau de sa vie.

- Pardieu, je le crois bien, dit le fils d'Apollon,

C'était du pur De Maistre. " au bruit de ce grand nom,

Ainsi qu'au fond des bois le cri d'un chien qui jappe

Est soudain répété par les échos qu'il frappe

Quatre ou cinq fois, ainsi de nos gosiers béats

De Maistre fait jaillir un torrent de hourras.

"Quel homme, quel lutteur ! Quelle ironie amère !

- Comme il vous flanque à bas ce drôle de Voltaire !

- Jean-Jacques, Montesquieu, ces donneurs de leçons,

Auprès du savoyard sont de vrais polissons !"

Et mille autres propos ; mon cousin pâmait d'aise,

À chaque trait ses yeux scintillaient comme braise,

Il ne dégorgeait mot, mais je voyais son oeil

De temps en temps vers moi tourner avec orgueil

Semblant me dire : eh bien ! était-ce raillerie

Quand je te promettais si fine compagnie!

Je ne décrirai pas les différents morceaux

Qui nous furent servis tant refroidis que chauds ;

Hure de sanglier cuite à la bohémienne,

Côtelettes d' agneau, dinde à la parisienne,

Truffes du Périgord ; je ne parlerai pas

Non plus des entremets couronnant le repas,

Pois verts au naturel et gelée à la fraise,

Croque-en-bouche, babas, crème à la polonaise ;

Pour dignement louer ce service excellent

Il faudrait un Berchoux... je n'ai pas son talent ;

Je viens donc au dessert; il apparaît splendide,

Du champagne escorté; l'homme à face livide,

Notre penseur profond qui n'avait pas encor

Pris langue, dit d'un ton de saint Jean bouche d'or :

"Permettez moi, messieurs, en dévoué confrère,

De vous faire présent à tous d'un exemplaire

Du livre que je vais donner sur la douleur.

-La douleur! Ah! Vraiment, répond la table en choeur,

Quel superbe sujet! - oui, messieurs, c'est le thème

Que je viens de traiter avec un soin extrême.

J' en ai sondé le fond d'un regard plein d'amour,

Saisi tous les côtés, et le contre et le pour,

Et du tout j'ai conclu que rien sur cette terre

À notre avancement n'était plus nécessaire.

Vous jugerez, messieurs, mais je crois avoir fait

De mon mieux et toujours être demeuré vrai.

- Admirable, bravo ! Dit chacun à la ronde.

La douleur, la douleur ! C'est la bêche féconde

Qui, délivrant nos coeurs des penchants vicieux,

Les prépare à mûrir la semence des cieux ;

C'est le divin creuset où sur l'ardente flamme

Le fer devient acier... c'est la trempe de l' âme...

Sans elle nous serions moins que des animaux,

Des mollusques grossiers, de fades végétaux... "

C'était à qui mieux mieux: d'un moment de silence

Je profite à mon tour pour doter l'assistance

De mon mot, et je dis: " messieurs, pour moi, de Dieu

En créant la douleur j'ignore encor le voeu,

Mais je le bénis fort de sa pitié des hommes

Et d'avoir fait couler sur le globe où nous sommes

Tant de flots de bon vin afin de l'y noyer... "

Mon mot lâché, j'attends l' effet du plaidoyer.

Hélas! On aurait dit qu'une flamme effroyable

Du feu d' enfer venait de tomber sur la table.

Tous les yeux aussitôt se dirigent vers moi

Étonnés, inquiets, comme saisis d' effroi ;

Il semblait que je fusse une horrible vipère,

Un scorpion mortel... j'étais plus, un faux frère

Faufilé dans la bande on ne sait trop comment,

Pour y porter le trouble et l' empoisonnement.

Je voyais dans les yeux s' amasser la tempête,

Des cris, peut-être bien quelque verre à la tête ;

Redoutant pour lui-même une part des éclats, 

Mon cousin tout penaud regardait dans les plats. 

Pourtant, grâce à l'entrain de notre gros critique,

La chose prit un air moins lugubre et tragique.

"Monsieur en est encore au Dieu des bonnes gens,

C' est un peu vieux, dit-il, mais soyons indulgents :

Un jour, comme plus d'un il brisera l'idole 

De son printemps; pour nous, reprenant notre rôle, 

À notre ami portons une santé d'honneur.

Au noble historien de la sainte douleur,

Au poëte inspiré de la grâce suprême

Qui, tous, nous doit sauver par un second baptême,

Gloire, hommage, succès ! " - et levant dans les cieux

Son verre étincelant du jus délicieux,

Il le vide d'un trait ; ce magnifique exemple

Est soudain imité par les anges du temple,

Et la table bientôt n'est plus qu' un cliquetis

De verres ballottés, de vivats et de cris,

Parmi lesquels pourtant j' entends à mes oreilles

Tinter d'étranges mots et des phrases pareilles

À celles-ci: - " la ligue avait bien sa raison...

Vivent les fils d'Ignace et l'inquisition ! "

Connaissant trop l'effet de ma courte harangue,

Je n' étais plus d' humeur à jouer de la langue

Dans ce tohu-bohu, puis je ne voulais pas

Affliger le cousin d'un nouvel embarras;

Je pris donc le parti de demeurer en place

Bouche close, écoutant d' un sang-froid tout de glace

Tomber le flot vineux des grotesques rumeurs

Qu' épanchait le gosier de ces gais festineurs.

Cependant je cherchais sourdement en moi-même

Un honnête moyen, un décent stratagème

Pour fausser compagnie à notre Amphitryon.


Il se montra bientôt. Dès l'instant qu' au salon

Tout le monde passa pour achever la fête,

Entre le moka noir et la blanche anisette,

Je saisis mon chapeau; puis, d' un pied clandestin

M'esquivant, de mon toit je repris le chemin,

Non sans rire parfois au feu des réverbères

De ce grave troupeau de Sénèques austères

Que j'avais vus, suivant le poëte Victor,

Boire si joliment le falerne dans l'or.
 

Bartolomé Esteban Murillo  (1617-1682) la Cuisine des Anges - 1646

Bartolomé Esteban Murillo (1617-1682) la Cuisine des Anges - 1646

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30 novembre 2021 2 30 /11 /novembre /2021 14:22

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) Poétesse française   


 
Le convoi d'un Ange


Quand j'ignorais la mort, je pense qu'une fois

On me fit blanche et belle, et qu'on serra ma tête

D'une tresse de fleurs comme pour une fête ;

Qu'une gaze tombait sur mes souliers plus beaux ;

Et qu'à travers le jour nous portions des flambeaux :

Et puis, qu'un long ruban nous tenait, jeunes filles

Prises pour le cortège au sein de nos familles.

 

Oui, de mes jours pleures je vois sortir ce jour

Tout soleil ! ruisselant sur la fraîche chapelle

Où je voudrais prier quand je me la rappelle.

Enfants, nous emportions à son dernier séjour

Un enfant plus léger, plus peureux de la terre.

Et qui s'en retournait habillé de mystère,

Furtif comme l'oiseau sur nos toits entrevu,

Posé pour nous chanter son passage imprévu,

Dont la flèche invisible a détendu les ailes.

Et qui se traîne aux fleurs, et disparaît sous elles !

 

Nous entrâmes sans bruit dans la chapelle ouverte,

Étrangère au soleil sous sa coupole verte ;

Là, comme une eau qui coule au milieu de l'été,

On entendait tout bas courir l'éternité ;

Quelque chose de tendre y languissait : du lierre

Y tenait doucement la vierge prisonnière ;

Parmi le jour douteux qui flottait dans le chœur,

On voyait s'abaisser et s'élever son cœur.

Je le croirai toujours : c'était comme une femme

Sur ses genoux émus tenant son premier-né,

Chaste et nu, doux et fort, humble et prédestiné,

Déjà si plein d'amour qu'il nous attirait l'âme !

 

La mort passait sans pleurs. Hélas ! on n'avait pu

Porter la mère au seuil où la blanche volée,

Sur la petite boîte odorante et voilée,

Reprenait l'hymne frêle aux vents interrompu :

Et le deuil n'était pas dans notre frais cortège ;

Car le prêtre avait dit : "Enfant, Dieu te protège ;

Dieu t'enlève au banquet mortel qui t'appelait,

Encor gonflé pour toi de larmes et de lait !"

 

Et quand je ne vis plus ce doux fardeau de roses

Trembler au fond du voile au soleil étendu,

On dit : "Regarde au ciel !" Et je vis tant de choses,

Que je l'y crus porté par le vent, ou perdu.

 

Fait ange dans l'azur inondé de lumière ;

Car l'or du ciel fondait en fils éuncelants,

Et tant de jour coulait sur nos vêtements blancs.

Qu'il fallut curieuse en ôter ma paupière.

Longtemps tout fut mobile et rouge sous ma main,

Et je ne pus compter les arbres du chemin :

Sous le toit sans bonheur on nous reçut encore :

Le jardin nous offrit ce que l'enfance adore,

 

Et nous trouvâmes bons les fruits de l'ange.

Hélas ! Une chambre était triste : elle ne s'ouvrit pas ;

Et nous fîmes un feu des églantines mortes,

Dont l'enfant qui s'en va fait arroser les portes.
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - Poétesse française - Le convoi d'un Ange
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