31 juillet 2022 7 31 /07 /juillet /2022 20:45

 

 

Juana de Ibarbourou (1892-1979) poétesse uruguayenne

 


Le Figuier

 

Parce qu’il est rugueux et laid

parce que toutes ses branches sont grises,

j’ai pitié pour le figuier.

 

Dans ma villa il y a cent beaux arbres :

pruniers ronds

droits citronniers

et orangers aux bourgeons lustrés.

 

Au printemps,

tous se couvrent de fleurs

autour du figuier.

 

Et le pauvre semble si triste

avec ses branches tordues qui jamais

ne s’ornent de bourgeons serrés.

 

Alors,

chaque fois que je passe à ses côtés

je dis, en procurant

à mon accent la douceur et l’allègresse :

"C’est le figuier, le plus beau

des arbres de mon jardin."

 

S’il m’écoute,

s’il comprend la langue que je parle,

quelle douceur si profonde se nichera

dans sa sensible âme d’arbre !

 

Et peut être la nuit,

quand le vent évente sa palme,

engourdi de joie, le figuier lui raconte :

"Aujourd’hui l’on m’a dit que j’étais beau."

 

***

 

La Higuera

 

Porque es áspera y fea,

porque todas sus ramas son grises,

yo le tengo piedad a la higuera.

 

En mi quinta hay cien árboles bellos:

ciruelos redondos,

limoneros rectos

y naranjos de brotes lustrosos.

 

En las primaveras,

todos ellos se cubren de flores

en torno a la higuera.

 

Y la pobre parece tan triste

con sus gajos torcidos que nunca

de apretados capullos se visten…

 

Por eso,

cada verz que yo paso a su lado,

digo, procurando

hacer dulce y alegre mi acento:

-Es la higuera el más bello

de los árboles en el huerto.

 

Si ella escucha,

si comprende el idioma en que hablo,

¡qué dulzura tan honda hará nido

en su alma sensible de árbol!

 

Y tal vez a la noche,

cuando el viento abanique su copa,

embriagada de gozo, le cuente:

-Hoy a mi me dijeron hermosa.


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31 juillet 2022 7 31 /07 /juillet /2022 20:21

 

 

2018

 

Jérôme Matin, auteur, poète et éditeur 

Il est diplômé d'anglais de l'Université Harvard (1997-2001), titulaire d'un Master of Philosophy de l'Université de Cambridge (2002-2003), d'un MFA en poésie de l'Université de l'Iowa (2001-2004) et d'un doctorat de l'Université de Cambridge (2005-2010).

Depuis 2014, il est auteur et éditeur à la maison d’édition Usborne Publishing. Il a écrit des livres pour la jeunesse sur la science, l'histoire et la gastronomie.


 

L’étreinte du figuier maudit

 

Je suis né d’une graine de Ficus Auréa,

Ô combien mortel,

Le figuier maudit.

Peu soucieux de mes penchants criminels,

Sur la branche d’un Mahogany je grandis.

 

Mon âme aspire aux vibrations des étoiles,

Aux pulsations de la montagne qui rythment les vallées,

Aux messages que portent les oiseaux et le vent

De ses régions obscures qui protègent leurs secrets.

 

Je l’étreins, le protège et le soutiens de mes forces,

Je l’enlace et l’embrasse de ma passion féroce.

Le majestueux, l’acajou séculaire.

Mais une tragédie se dessine sous le tropique du cancer.

 

Car nul n’échappe aux crocs du destin.

D’aucuns penseront que je suis né pour tuer.

Me voilà prisonnier de mes propres instincts,

Moi, l’étrangleur favori des sorciers,

L’allégorie de la mort qui nourrit les vivants,

Moi, le parasite conquérant des feuilles putrides,

Écarté à jamais du sentier des pénitents.

 

À présent je suis seul et ma douleur est immense,

Un trou béant à la place du coeur,

Debout sur les restes de mon amour innocent,

Le temps qui s’écoule sera ma sentence.

Jérôme Matin, - auteur, poète et éditeur - L’étreinte du figuier maudit
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31 juillet 2022 7 31 /07 /juillet /2022 20:03

 

 

2014


Michèle Guillot - écrivaine et poètesse française -

1er prix du concours Henri Montarras – Poésie classique

 


Mon figuier

 

C'était un soir d'été semblable à celui-ci,

Près d'un jeune figuier les grands s'étaient assis

Et nous, petits enfants, nous formions une ronde

Qui finissait toujours en course vagabonde.

Toujours insouciants, ignorants du bonheur,

On jouait simplement, baignant dans la douceur,

Oubliant que le temps s'écoulait invincible

Et que son moindre arrêt nous serait impossible.

 

 
C'était un soir d'été semblable à celui-ci,

Sous le joli figuier où nous étions assis.

Nous avons regardé la nuit tendre son voile

Et nos yeux éblouis voyaient la même étoile.

Tu m'as dit ton amour, tu as su me charmer

Et je t'ai écouté, dans la joie de t'aimer.

Oui la vie était là, devant nous, lisse et droite,

Comme une route neuve où le soleil miroite.

 

 
Et c'est un soir d'été semblable à tous ceux-ci,

Là sont mes souvenirs, aussi nets et précis,

Sous le très vieux figuier où je me suis assise

Où je viens si souvent pour rêver à ma guise.

L'air me semble assez doux mais cependant j'ai froid,

Je ne peux m'empêcher de penser qu'autrefois

La vie tourbillonnait dans un éclat de rire

Et tangue maintenant comme un très vieux navire.

 Michèle Guillot - écrivaine et poètesse française - Mon figuier
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27 juillet 2022 3 27 /07 /juillet /2022 22:55

 

 

2012

Vette de Fonclare (1937) écrivaine et poètesse française, Professeur de lettres

 

 

Le figuier 

 

C’est un très vieux figuier au fond de la garrigue,

Tordu comme un sarment, torturé par le temps.

Il a piètre figure, mais il y a ses figues :

Piriformes et bleues, si tendres sous la dent,

 

Des délices sucrées et molles croustillant

De leurs petits pépins craquillant de soleil !

De gros fruits délicieux que l’arbre agonisant

Rend toujours plus exquis ; dont nul ne s’émerveille !

 

Il sait qu’il va mourir ! Il est tellement vieux !

Il naquit sur la lande il y a très longtemps,

Quand les hommes croyaient en de multiples dieux

Et que ce coin perdu était encor un champ.

 

Ces fruits sont ses derniers ; bientôt ses grosses feuilles

Vont tomber sur le sol une dernière fois.

Son tronc tout biscornu et que septembre effeuille

Ne sera bientôt plus qu’une sculpture en bois

Vette de Fonclare (1937) - écrivaine et poètesse française -  Le figuier 
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27 juillet 2022 3 27 /07 /juillet /2022 22:25

 

 

Eugenio de Andrade (1923-2005) considéré par de nombreux critiques et spécialistes comme l'un des poètes majeurs de langue portugaise.

Les lieux du feu

Traduit du portugais par Michel Chandeigne

L'Escampette, 2001  

        

Le figuier


  Ce poème commence en été,

les branches du figuier qui effleurent

la terre m'avaient invité à m'allonger

dans son ombre. En elle

je me réfugiais comme au creux d'un fleuve.

Ma mère se fâchait : l'ombre

du figuier est funeste, disait-elle.

Je n'en croyais rien, je savais bien

comme leurs fruits luisaient mûrs

et fendus offerts aux dents matinales.

Là j'ai attendu toutes ces choses

peuplant les rêves. Une flûte

lointaine jouait dans une églogue

tout juste lue. La poésie caressait

mon corps en éveil jusqu'à l'os,

elle me cherchait avec une telle évidence

que je souffrais de ne pouvoir lui donner

de forme : bras, jambes, yeux ou lèvres.

Mais sous ce ciel vert du mois d'août

elle me caressait seulement, et s'en allait.

 


A figuiera


Este poema começa no verão,

os ramos da figueira a rasar

a terra convidavam a estender-me

à sua sombra. Nela

me refugiava como numrio.

A mãe ralhava : A sombra

da figueira é maligna, dizia.

Eu não acreditava, sabia bem

como cintilavam maduros e abertos

seus frutos aos dentes matinais.

Ali esperei por essas coisas

reservadas aos sonhos. Uma flauta

longínqua tocava numa écloga

apenas lida. A poesia roçavame

o corpo desperto até ao osso,

procurava-me com tal evidência

que eu sofria por não poder dar-lhe

figura : pernas, braços, olhos, boca.

Mas naquele céu verde de agosto

apenas me roçava, e partia

 Eugenio de Andrade (1923-2005) - poète portugais - Le figuier
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27 juillet 2022 3 27 /07 /juillet /2022 22:10

 

 

André Gide (1869-1951) écrivain français, il obtient le prix Nobel de littérature en 1947.

 


Les Nourritures terrestres.


.
— Chante à présent la figue, Sémiane,

Parce que ses amours sont cachées.

 

Je chante la figue, dit-elle,

Dont les belles amours sont cachées.

Sa floraison est repliée.

Figue ! Chambre close où se célèbrent des noces ;

Aucun parfum ne les conte au dehors.

Comme rien ne s’en évapore,

Tout le parfum devient succulence et saveur.

Fleur sans beauté ; fruit de délices ;

Fruit qui n’est que sa fleur mûrie…

 

J’ai chanté la figue, dit-elle,

Chante à présent toutes les fleurs…

André Gide (1869-1951) - écrivain français - Les Nourritures terrestres.
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23 juillet 2022 6 23 /07 /juillet /2022 23:07

 

 

Louis Aragon (1897-1982) poète, romancier et journaliste français


 

Le figuier


La maison n’était qu’un nœud de ténèbres

Reviens veux-tu bien nos pas recroiser

A-t-elle toujours ses volets funèbres

L’escalier de pierre aux marches brisées

 

Dis tu t’en souviens de l’enclos de murs

Où les lys avaient follement fleuri

La ronce y poussait dont saignaient les mûres

Nous rêvions alors y chercher abri

 

J’y revois toujours ta robe légère

Repassons le seuil en vain condamné

Retrouver ici l’odeur passagère

Qui remonte à nous du fond des années

 

Je trace ton nom sur le figuier mâle

Qui a ce parfum des corps entr’aimés

Ton nom va grandir dans l’écorce pâle

Avec l’arbre et l’ombre au jardin fermé

 

Peu à peu perdant la forme des lettres

Qu’il s’écarte donc comme font les plaies

Illisible alors au passant peut-être

Ce cri de soleil dont je t’appelais

 

Les mots que l’on dit sur les lèvres meurent

Le sens qu’ils portaient s’éteint lentement

Il faut apprécier que rien n’en demeure

Les baisers sont seuls partis les amants

 

Je ne t’ai donné qu’un chant périssable

Comme était ce cœur pourtant qui battit

Ah mon triste amour mon château de sable

Les baisers sont seuls les amants partis

Louis Aragon (1897-1982) - poète, romancier et journaliste français - Le figuier
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23 juillet 2022 6 23 /07 /juillet /2022 22:36

 


Robert de Montesquiou-Fezensac (1855-1921) homme de lettres français, poète, dandy et critique d'art et de littérature.

Revue des Deux Mondes, 4e période, tome 121, 1894 (p. 162-166).

 


Le Figuier

 

Ce figuier était plus de deux fois centenaire ;

Sa branche se tordait comme un nombreux serpent ;

Sous sa voûte on errait comme en un cloître on erre,

Et cet arbre était fier d’ombrager un arpent.

 

C’était toujours la nuit sous ses rameaux en arches.

Aussi les amoureux s’y donnaient rendez-vous ;

Car les enfans toujours plaisent aux patriarches,

Et les vieux sages sont amis des jeunes fous.

 

Vrai ! ses tiges vivaient parasites ou franches,

Et leur fourmillement noir bruissait toujours ;

Mais le tronc reposait rassasié de branches

Ainsi que Job était rassasié de jours.

 

Ses surgeons pullulaient sous le vert de sa robe ;

Mais la sève sans cesse émanait du vieux cœur ;

Ainsi Dieu sur un doigt levé maintient le globe

Et rien qu’en y pensant assure sa vigueur.

 

En vain des ans nouveaux s’épuisaient les clepsydres ;

Plus vieux, l’arbre, au rebours de l’homme, était plus beau ;

Ses têtes renaissaient comme celles des hydres,

Et sa racine allait réveiller le tombeau.

 

Or il roula si bien ses anneaux de couleuvre,

Or il couvrit la plaine entière d’un tel poids,

Que le Seigneur le vit, s’admira dans son œuvre,

Et dit à l’arbre vert qui paraissait un bois :

 

"Arbre, je veux pour toi faire une chose encore,

Car tu mis à profit et ton temps et ton suc ;

De quel honneur nouveau veux-tu qu’on te décore,

Ô toi qui sus vieillir sans devenir caduc ?"

 

"Veux-tu plus de rameaux, ou veux-tu plus de feuilles ?

Veux-tu que plus d’oiseaux t’emplissent de leur bruit ?

Je voudrai ce que tu voudras, quoi que tu veuilles…"

— Et l’arbre murmura : "Produire encore un fruit !"

 Robert de Montesquiou-Fezensac (1855-1921) - homme de lettres français, poète -   Le Figuier
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7 juin 2022 2 07 /06 /juin /2022 22:37

 

 

Rébecca Terniak - auteur et poète suisse

 


Bouleau au doux Amour et Vénus dédié

 

Ô toi, arbre entre tous, joli,

Si délicat, fin et gracile

Tout à Vénus dédié,

Je te contemple émerveillée,

De jour comme et de nuit,

Dans ta grâce immobile.

Tu irradies amour et beauté

Et ton feuillage aérien et fin

Fait de mille tendres cœurs petits

Exhale une douce et mobile clarté

Et verse en nous un chant serein.

Je m’extasie du tendre blanc éclat

De ton écorce au toucher délicat.

A travers toi,

J’entrevois

Vaste, tout un pays

Dans sa mystérieuse poésie,

Reprenant le flambeau de l’Esprit.

Tout jeune encore dans ses possibilités

Mais riche d’éveil pour un lointain

Cultivant le Beau et le Bien.

La Russie au cœur gonflé

D’amour et fraternité

Où dévotion sincère s’épanouit

Pour le Saint des Saint,

Où tous les germes d’avenir

Seront prêts

A éclater

Pour le Devenir

De notre mère Terre.

Et préparer le Temps béni

 Où notre planète bannira la guerre.

Rébecca Terniak - auteur et poète suisse - Bouleau au doux Amour et Vénus dédié
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7 juin 2022 2 07 /06 /juin /2022 00:05

 

 

Constant Burniaux (1892-1975), écrivain et poète belge.

1922-1963 - Le Cherche-Midi

 


Le bouleau


 Tous les vents —

des plus terribles aux plus doux,

de la tempête au zéphir —

lui racontent leurs histoires

et toutes ses feuilles —

toutes, jusqu'à celle qui tremble à la cime,

la dernière —

frissonnent et répètent,

s'agitent et racontent en chœur.

 

Puis le bouleau se redresse :

il a tout oublié.

Mais d'autres vents viennent,

d'autres vents passent

et les jours, et les semaines, et les saisons.

Le bouleau, lui, ne retient pas grand-chose

des soupirs du printemps,

des lamentos de l'automne.

Étrange bouleau.

On lui raconte tout

et il ne sait presque rien.

 

 Un jour, ses feuilles s'envolent.

Elles vont confier à la terre

mille et mille petits secrets bien mal compris,

et qui pourrissent ensemble,

au pied du bouleau,

du bouleau qui monte vers le ciel,

où vit l'éternel oubli,

l'oubli fatal qui se nuance et se colore,

et recommence et s'ennuie encore,

et se confie finalement aux nuages,

qui font toujours le même voyage.

Constant Burniaux (1892-1975) - écrivain et poète belge - Le bouleau
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