Sylvain Adeline, dit Syrano (1979) auteur-compositeur-interprète, vidéaste, graphiste et illustrateur français
Source : Musixmatch
2015
Et les saules pleurent
Je me souviens de tout. Du hêtre et de l'avoir,
Des marrons, des châtaignes, des premières coupures de rasoir
Et des tisanes au tilleul le soir qui embaumaient nos chambres
Quand maman contait l'histoire. C'est vrai cela n'est plus que cendre
Mais l'incendie n'a rien ôté à la chaleur des longs dimanches
Passés à chat perché ou cochon pendu dans les branches
Du grand cerisier. A l'ombre de sa silhouette voûtée
On guérissait les brûlures indiennes par un goûter.
J'en ai connu des canicules et des gelées terre à terre.
Il a fallu plus d'une fois faire preuve de caractère
Et s'endurcir dans la rigueur loin du confort des serres
Sans obscurcir le lendemain pour voir plus clair hier.
Le corps frêne et l'esprit peuplier
Mais je me rappelle de tout. Les étés dans notre abris côtier
Lorsque montait la sève. Et je me résigne
A ces instants figés dans l'ambre, la résine.
Maintenant que mes vieux os craquent comme les bûches crépitent
Dans l'âtre brûlant où ils brasillent comme des pépites
Juste le temps de faire une connerie, je me souviens les conifères,
Un gosse moulant ses mains dans le plâtre pour la fête des mères
Ou enfilant, maladroit, des nouilles en collier.
En y pensant je me promène encore à l'orée des bois.
J'ai gardé ces empreintes dans mon coeur écolier
Et j'emprunte toujours les allées bordées de lilas.
Et les saules pleurent sur les charmes de ma jeunesse
Les années qui bourgeonnent et l'allégresse en fleur.
Comme tout est sourd. Comme tout est sordide
Quand la mémoire implore la fin qui nous effleure.
Et les saules pleurent sur les charmes de ma jeunesse
Les années qui mûrissent et l'allégresse en fleur.
Comme tout est sourd. Comme tout est sordide
Quand la mémoire implore la fin qui nous effleure.
Je me souviens de tout. De la moindre bourrasque,
De chacune des tempêtes qui a balayé mes basques
Et ma parure dont les restes sous le vent
En se soulevant pestent sur la façon dont jadis ils apparurent.
Je me souviens du temps ou j'étais beau et fort,
Où mon corps fourbu ne rechignait pas encore à l'effort
Où je faisais voler ces jupes comme des feuilles qui se balancent
En effaçant nos airs timides quand elle m'accordait une danse.
Deux éclats d'émeraudes posés sur des pommettes écarlates.
J'accompagnais ma dame dans quelque valse délicate.
Je n ai jamais plié. Toujours droit, le torse fier
Si ce n'est enchanté par les courbes de ma douce sorcière.
Puis nous avons regardé grandir paisiblement
Les deux jeunes pousses qu'on avait planté en s'aimant.
On les a protégé densément. Peut-être trop.
Une façon de s'excuser d'avoir au pied les chaines du bouleau.
Naturellement, elles sont parties puiser en d'autres sols
La force d'élever d'autres pousses au milieu des herbes folles
Apprenant des anciens que le ciel se touche
Pour apprendre aux petits quelles sont leurs racines et leurs souches.
Et d'au revoir en adieux la vie a soufflé nos seize ans,
Plissé notre écorce écorchée par les saisons
Mais dans ma vieille peau elle étouffit, devait se sentir à l'étroit.
Bon sang, qu'il a fait chaud pendant l'été 2003.
Et les saules pleurent sur les charmes de ma jeunesse
Les années qui bourgeonnent et l'allégresse en fleur.
Comme tout est sourd. Comme tout est sordide
Quand la mémoire implore la fin qui nous effleure.
Et les saules pleurent sur les charmes de ma jeunesse
Les années qui mûrissent et l'allégresse en fleur.
Comme tout est sourd. Comme tout est sordide
Quand la mémoire implore la fin qui nous effleure.
Et les saules pleurent sur les charmes de ma jeunesse
Les années qui bourgeonnent et l'allégresse en fleur.
Comme tout est sourd. Comme tout est sordide
Quand la mémoire implore la fin qui nous effleure.
Et les saules pleurent sur les charmes de ma jeunesse
Les années qui mûrissent et l'allégresse en fleur.
Comme tout est sourd. Comme tout est sordide
Quand la mémoire implore la fin qui nous effleure.
SYRANO - "Et les saules pleurent"
Groupe: Syrano Titre: Et les saules pleurent Album: Musiques de Chambre Année: 2006 Site Officiel: http://www.syrano.net/
Cicely Mary Barker (1895-1973) illustratrice britannique connue pour ses illustrations de fées et de fleurs.
Fée du saule
Au bord du paisible ruisseau ou du bassin ombragé
je trempe mes feuilles dans l'eau fraîche.
Au-dessus de l'eau je me penche toute la journée,
Où jouent les épinoches et les vairons.
Je danse, je danse, quand la brise souffle,
Et plonge mes orteils dans le ruisseau en contrebas.
Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique
Œuvres complètes - III
Comédie dans les feuilles
Au fond du parc qui se délabre,
Vieux, désert, mais encor charmant
Quand la lune, obscur candélabre,
S’allume en son écroulement,
Un moineau-franc, que rien ne gêne,
A son grenier, tout grand ouvert,
Au cinquième étage d’un chêne
Qu’avril vient de repeindre en vert.
Un saule pleureur se hasarde
À gémir sur le doux gazon,
À quelques pas de la mansarde
Où ricane ce polisson.
Ce saule ruisselant se penche ;
Un petit lac est à ses pieds,
Où tous ses rameaux, branche à branche,
Sont correctement copiés.
Tout en visitant sa coquine
Dans le nid par l’aube doré,
L’oiseau rit du saule, et taquine
Ce bon vieux lakiste éploré.
Fred Vargas (1957) écrivaine française
(Éditions Viviane Hamy, 1999),
L'Homme à l'envers
"Assis dans l'herbe au bord du Rhône, à l'écart
d'une petite route qui longeait la berge, dans une sorte de
clairière à l'horizon bouché par des haies de saules,
Adamsberg plongeait dans la rivière une longue branche
et luttait du bout de cette branche contre le courant.
(...)
Camille le repéra après presque une heure de marche,
dans une clairière étroite et silencieuse, isolée au milieu des saules.
Elle s'arrêta à une vingtaine de pas, Adamsberg s'était assis
tout au bord de la berge, les pieds touchant l'eau.
Il ne faisait rien, selon toute apparence, mais pour Adamsberg,
être assis dehors constituait une occupation en soi.
(...)
Cette branche de saule, peut-être, dit-il en effleurant
la baguette de bois placée entre eux deux.
Et moi, de temps à autre.
- Bien, dit Camille en soupirant. Je vis avec lui.
- On comprend mieux comme ça, dit Adamsberg.
Il se leva, ramassa la branche de saule
et fit quelques pas dans la clairière."
Martin Dowle - poète français
Conflans Ste Honorine, novembre 1997
Le saule pleureur
Un jour, fût-ce un songe ? Un rêve ? Je l’ignore !
Je me voyais, isolé, dans un bois au crépuscule.
Un automne précoce teintait les feuilles d’or,
Tandis que j’errais au pas d’un somnambule.
Un lourd silence glacé m’enveloppait comme une ombre.
Rien ne semblait réel mais pourtant je me voyais !
Isolé en ce bois, retiré, froid et si sombre,
Où à une croisée de chemins un saule pleureur pleurait.
Ce digne arbre puisait de la terre par ses racines,
Et de l’eau, dans un cours d’eau, la magie qui orchestrait
De limpides lamentations ! Elles s’élevaient ; tristes Hymnes !
Contant d’antiques amours qui en ce lieu furent brisées.
Il me conta des misères, des malheurs et bien pire !
Il se lamentait sans répit, ressassant tous ces drames,
Disant : "L’arrogante jeunesse ne peut passer sans soupir !"
Me tançant de préserver le souvenir de ces pauvres âmes.
De ces gens qui crurent pouvoir bâtir de leurs mains
Une destinée royale de richesses et de passions,
Mais ils oubliaient qu’aujourd’hui disparaît et que demain
Balaie tout, brise les rêves, sans aucune concession.
Mais je m’en allai stoïque, imperméable à la tristesse,
Pour courir, utopique, embrasser de fous espoirs.
Vivre dans une joie factice que des mirages d’amour caressent,
Mais immanquablement, à la lumière succède le noir.
Et demain arriva ! Et enfin je compris,
Que ce deuil, que ce saule pleureur célébrait,
Etait l’image précurseur de ma propre mélancolie.
Et dans son bois retiré, c’était pour moi qu’il pleurait !
Et je mourus là bercé par des chants de criquets,
Qui tricotaient de leurs pattes un requiem solennel,
Tandis qu’au loin le saule, encore plus triste se courbait,
Maudissant une fois de plus la vanité des mortels...
Paul Valéry (1871-1945) écrivain, poète et philosophe français
Corona et Coronilla, 1938-1945.
Le Saule
Tremble, Tombe légère… Un souffle t’aime, Saule,
Qui fait sur toi frémir le songe d’une épaule…
Brise ?… ou mon seul soupir si simple et si soudain
Que j’exhale d’amour pour ce flottant jardin.
Sur ses fleurs, mon regard trompe le mal d’attendre
Le pas, la voix, la main, et puis, tout l’être tendre,
Cette Toi tout à moi que je sens devenir,
A qui l’heure qui meurt peut tout à coup m’unir
Et qui vient !… Je le sens…
Ma bouche enfin t’accueille !
L’approche met dans l’âme un tremblement de feuille
Et mes yeux, quoique pleins de feuillage et de jour,
Te voient derrière moi, toute rose d’amour…
Tremble, Tombe légère ! Un souffle t’aime, Saule…
Mais je n’ai plus besoin de songer d’une épaule,
Et ce souffle n’est plus le souffle d’un seul cœur…
Le temps vaincu succombe, et le baiser vainqueur
De l’absence sans nom dont un nom me délivre,
Boit dans l’ombre à longs traits le feu qui nous fait vivre !
1930
Robert Desnos (1900-1945) poète surréaliste et résistant français
Corps et Biens (Éditions Gallimard, 1930).
Sous les saules
L’étrange oiseau dans la cage aux flammes
Je déclare que je suis le bûcheron de la forêt d’acier
que les martes et les loutres sont des jamais connues
l’étrange oiseau qui tord ses ailes
et s’illumine
Un feu de bengale inattendu a charmé ta parole
Quand je te quitte il rougit mes épaules et l’amour
Le quart d’heure vineux mieux vêtu qu’un décor lointain étire
ses bras débiles et fait craquer ses doigts d’albâtre
À la date voulue tout arrivera en transparence
plus fameux que la volière où les plumes se dispersent
Un arbre célèbre se dresse au-dessus du monde avec des pendus
en ses racines profondes vers la terre
c’est ce jour que je choisis
Un flamboyant poignard a tué l’étrange oiseau dans la cage de
flamme et la forêt d’acier vibre en sourdine illuminée par le feu
des mortes giroflées
Dans le taillis je t’ai cachée
dans le taillis qui se proclame roi des plaines.
Raymond Radiguet (1903-1923) écrivain français.
Saule pleureur
Il perd ses plumes perd ses larmes
Comme un coeur se vide de larmes
L'arrosoir a perdu ses plumes
Éventail au soleil fané
Loterie des mois des années
Dans l'allée le sable s'enroue
Où mon chagrin fera la roue
Jardin faut-il que tu t'en ailles
Et l'été de cet éventail
Secondé par mon petit doigt
Qui chatouille un bouton de rose
Effronté sans pourtant qu'il ose
Trop presser son éclosion
Après s'être bien amusée
La rose rentre en son cocon
La rose revêt sa chemise
Et tout est à recommencer
Et les outils dans la remise
Ensemblejardin se lamentent
L'arrosoir voudrait sur l'amante
Verser des larmes mais la bêche
N'a pas retrouvé cette espiègle
Qui se cache sous l'herbe sèche
Émile Verhaeren (1855-1916) poète belge
La guirlande des dunes
Ce saule-là
Est-il tordu, troué, souffrant et vieux !
Sont-ils crevés et bossués les yeux
Que font les noeuds dans son écorce !
Est-il frappé dans sa vigueur et dans sa force !
Est-il misère, est-il ruine,
Avec tous les couteaux du vent dans sa poitrine,
Et, néanmoins, planté au bord
De son fossé d’eau verte et de fleurs d’or ;
A travers l’ombre et à travers la mort,
Au fond du soir, mord-il la vie, encor !
Un soir de foudre et de fracas,
Son tronc craqua
Soudainement, de haut en bas.
Depuis, l’un de ses flancs
Est sec, stérile et blanc ;
Mais l’autre est demeuré gonflé de sève.
Des fleurs, parmi ses crevasses, se lèvent,
Les lichens nains le festonnent d’argent ;
L’arbre est tenace et dur : son feuillage bougeant
Luit au toucher furtif des brises tatillonnes.
L’automne et ses mousses le vermillonnent ;
Son front velu, comme un front de taureau,
Bute, contre les chocs de la tempête ;
Et dans les trous profonds de son vieux corps d’athlète,
Se cache un nid de passereaux.
Matin et soir, même la nuit,
À toute heure je suis allé vers lui ;
Il domine les champs qui l'environnent,
Les sablons gris et les pâles marais ;
Mon rêve, avec un tas de rameaux frais
Et jaillissants, l'exalte et le couronne.
Je l'ai vu maigre et nu, pendant l'hiver,
Poteau de froid, planté sur des routes de neige ;
Je l'ai vu clair et vif, au seuil du printemps vert,
Quand la jeunesse immortelle l'assiège,
Quand des bouquets d'oiseaux fusent vers le soleil ;
Je l'ai vu lourd et harassé, dans la lumière,
Les jours d'été, à l'heure où les grands blés vermeils,
Autour des jardins secs et des closes chaumières,
S'enflent, de loin en loin, comme des torses d'or ;
J'ai admiré sa vie en lutte avec sa mort,
Et je l'entends, ce soir de pluie et de ténèbres,
Crisper ses pieds au sol et bander ses vertèbres
Et défier l'orage, et résister encor.
Si vous voulez savoir où son sort se décide,
C'est tout au loin, là-bas, entre Furne et Coxyde,
Dans un petit chemin de sable clair,
Près des dunes, d'où l'on peut voir dans l'air,
Les batailles perpétuées
Des vents et des nuées
Bondir de l'horizon et saccager la mer.