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30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 23:59
Victor HUGO (Victor, Marie Hugo),

né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un poète, dramaturge et prosateur romantique considéré comme l'un des plus importants écrivains de langue française.
Il est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a compté dans l'Histoire du XIX° siècle.


Premier mai

Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses. 
Je ne suis pas en train de parler d'autres choses. 
Premier mai ! l'amour gai, triste, brûlant, jaloux, 
Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ; 
L'arbre où j'ai, l'autre automne, écrit une devise, 
La redit pour son compte et croit qu'il l'improvise ; 
Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur, 
Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ; 
L'atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine 
Des déclarations qu'au Printemps fait la plaine,
Et que l'herbe amoureuse adresse au ciel charmant.
A chaque pas du jour dans le bleu firmament, 
La campagne éperdue, et toujours plus éprise,
Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise 
Envoie au renouveau ses baisers odorants ; 
Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans, 
Dont l'haleine s'envole en murmurant : Je t'aime ! 
Sur le ravin, l'étang, le pré, le sillon même, 
Font des taches partout de toutes les couleurs ; 
Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;
Comme si ses soupirs et ses tendres missives
Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives, 
Et tous les billets doux de son amour bavard, 
Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !
Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées, 
Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ; 
Tout semble confier à l'ombre un doux secret ; 
Tout aime, et tout l'avoue à voix basse ; on dirait 
Qu'au nord, au sud brûlant, au couchant, à l'aurore, 
La haie en fleur, le lierre et la source sonore, 
Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants, 
Répètent un quatrain fait par les quatre vents.

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30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 00:23
Maurice CAREME 
né à Wavre le 12 mai 1899 et mort à  Anderlecht le 13 janvier 1978
est un écrivain et poète belge de langue française,

Le muguet

Cloches naïves du muguet,
Carillonnez ! car voici Mai !

Sous une averse de lumière,
Les arbres chantent au verger,
Et les graines du potager
Sortent en riant de la terre.

Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !

Les yeux brillants, l'âme légère,
Les fillettes s'en vont au bois
Rejoindre les fées qui, déjà,
Dansent en rond sur la bruyère.

Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 00:05
Louis Des Masures, 
latinisé en Ludovicus Masurius,
 
est un poète français d'origine wallonne,
 
né à Tournai vers 1515 et mort à Eschery (Sainte-Marie-aux-Mines) le 17 juin 1574.




 
A la fontaine
 
Fontaine, dont l'eau cristalline, 
D'amont le rocher tombe aval, 
Murmurant parmi la colline, 
Puis tombe paisible en son val, 
Où d'une trace continue 
Torse en serpent, se traîne et pousse, 
Et, à travers l'herbe menue, 
Passe, arrosant l'épaisse mousse,
Mille et mille oiseaux qui te hantent, 
Le flateux bruit, le frais des eaux, 
Et les nymphes qui autour chantent 
Répondant au chant des oiseaux,

 
L'air doux, la lumière éthérée, 
Ce creux antre qui se recule, 
Où ne touche l'heure altérée 
De la brûlante canicule;
Les arbres touffus, la froide ombre, 
Les fleurs et le verdoyant pré 
Bref, tout ce pourpris, en grand nombre 
De belles couleurs diapré, 
Font que le dur ennui j'oublie 
Et que la lyre à gré je touche 
Attendant la tâche accomplie 
Du soleil qui trop tôt se couche.
 
Près de toi, Fontaine sacrée, 
L'envie et tort nous défions 
Grondant que ton bruit nous récrée, 
Unique plaisir d'Amphion 
Qui a délaissé la Dircée, 
L'aracynth, les thébaines roches, 
Pour ton eau sans cesse versée, 
Pour ce roc et tes antres proches.
A ta vive et fuyante course 
Ne vient le profane approcher, 
Tu m'es d'Aganippe la source 
Et mon Hélicon, ce rocher
A ton bruit ma lyre j'accorde 
Chantant l'heur de ma destinée 
Les amours je sonne à la corde, 
Au creux airain, le grand Enée.
Le chant qu'ainsi oisif sur l'herbe 
J'entonne, étendu à l'envers, 
Te rendra fameuse et superbe, 
Gardant la gloire de mes vers ; 
A toi, sous cette roche ombreuse, 
Callirhoé, Nymphe gentille, 
Je veux goûter à la main creuse 
L'honneur de ton eau qui sautille.
 
Elle est fraîche, nette, épurée, 
Et brille au soleil clair et beau ;
Mais puisque les vers n'ont durée 
Qui sont écrits de buveurs d'eau, 
Sus, Bacchus, noble capitaine, 
Que du vin soit pleine ma tasse 
Qui rafraîchit, en la fontaine, 
Une heure avant que je chantasse.
En chantant fais que je m'endorme 
Au bruit cette douce liqueur ; 
Si je sommeille sous cet orme
Garde moi, Nymphe au gentil coeur,
 
Que mon repos ne tourne en peine 
Par la serpentine furie 
Ainsi de ta fertile veine
Jamais ne soit l'humeur tarie.

 
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18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 01:21

Clovis Hesteau de Nuysement né entre 1550-1560 à Blois,  et mort entre 1623-1624.
 
est un poète français de la Renaissance, de plusieurs ouvrages de poèmes alchimiques, dont le Traité du Vrai sel. 
 


De la cime des monts les fiers torrents se roulent
 
De la cime des monts les fiers torrents se roulent 
Quand les neiges font place aux trésors du printemps, 
Des fontainières eaux s'engorgent les étangs 
Et leurs calmes ruisseaux par les plaines découlent.
 
Les troupeaux amoureux les fleurs à bonds refoulent, 
Les pasteurs font leur bal heureusement contents, 
Les glacés Aquilons s'enserrent pour un temps, 
Et de l'humeur d'en bas les Pléiades se saoulent.
 
De mes yeux languissants découlent deux torrents, 
Ma plaie fait de sang un étang par dedans 
Qui regorgeant se crève et s'épand dans mes veines,
 
Les Amours animés foulent mes jeunes ans, 
Mes soupirs cessent bien, mais ces astres ardents 
Sans fin tirent mon âme et influent mes peines.
 


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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 02:02

Théophile Gautier, 
 
né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872, 
 
est un poète, romancier et critique d'art français.
Il laisse l'image d'un témoin de la vie littéraire et artistique de son temps dont les conceptions artistiques ont compté et dont l'œuvre diverse est toujours reconnue.


 
Pendant la tempête
 
La barque est petite et la mer immense ; 
La vague nous jette au ciel en courroux, 
Le ciel nous renvoie au flot en démence :
Près du mât rompu prions à genoux !
 
De nous à la tombe, il n'est qu'une planche. 
Peut-être ce soir, dans un lit amer, 
Sous un froid linceul fait d'écume blanche, 
Irons-nous dormir, veillés par l'éclair !
 
Fleur du paradis, sainte Notre-Dame, 
Si bonne aux marins en péril de mort, 
Apaise le vent, fais taire la lame, 
Et pousse du doigt notre esquif au port.
 
Nous te donnerons, si tu nous délivres, 
Une belle robe en papier d'argent, 
Un cierge à festons pesant quatre livres, 
Et, pour ton Jésus, un petit saint Jean.
 

Voiliers dans la tempête de GUDIN Jean Antoine Théodore (19e)
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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 01:17
Charles-Nérée Beauchemin
 
est un écrivain et médecin québécois.

né le 20 février 1850 et mort à Yamachiche le 29 juin 1931


Le lac
En forêt
à M. W. Parker.

Au creux des humides savanes, 
Ceint des herbes et des lianes 
Qui foisonnent dans les roseaux,
Calme, à l'abri de la rafale, 
Le lac en plein soleil étale 
Le miroir de ses claires eaux.

Baignant dans les détours pleins d'ombre 
Leur manteau de velours vert sombre, 
Des bois au faîte ensoleillé, 
Dans ces profondeurs qui nous trompent, 
Si frais et si moelleux s'estompent, 
Que l'oeil en est émerveillé.

Vienne le crépuscule rouge, 
La mare noire, où rien ne bouge, 
Aux feux du ciel occidental 
Brasille ; et c'est une surprise 
De voir le frisson de la brise
Courir sur ce flambant cristal.

Deçà, delà, les demoiselles 
Du preste éclair bleu de leurs ailes 
Sillonnent le fouillis des joncs. 
La truite, entre deux eaux, frétille, 
Et, pour saisir l'aile qui brille, 
Fait mille sauts, mille plongeons.

Assis au fond de la pirogue, 
Le pêcheur, silencieux, vogue 
En pagayant à petit bruit, 
Tandis que l'appât nacré glisse 
Et roule, miroitante hélice, 
Dans le sillage d'or qui fuit.

Un cuivre au lointain sonne encore :
C'est le chasseur. L'écho sonore 
Redit trois fois, cinq fois : Taïaut !
À travers la bruine qui voile 
Monts et bois, la première étoile 
Scintille au ciel comme un joyau.

On n'entend qu'un doux bruit de feuille. 
La solitude se recueille. 
Bercé par un luth idéal, 
Sans cesse et sans cesse, en cadence, 
Autour du pôle étoilé danse 
Le météore boréal.

À peine un cri d'oiseau s'élève 
Et flotte, vague comme un rêve, 
Sur le clavier des flots déserts. 
Déployant son vol circulaire, 
La vaporeuse aube polaire 
Glisse en silence par les airs.

Bientôt tout bruissement tombe. 
Près des grands feux clairs de la combe 
Veillent chasseurs et forestiers. 
Seuls les élans roux, qui ruminent, 
Avec leurs compagnes cheminent 
Dans le clair-obscur des sentiers.

Derrière une blanche nuée 
Au moindre souffle remuée, 
Cachant son pâle front changeant, 
La lune dort : la chasseresse 
Sur l'eau qu'un vent léger caresse
A laissé choir son arc d'argent.

Diane sortant du bain de BOUCHER François (18e)
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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 01:54

Émile Adolphe Gustave Verhaeren,
 
né à Saint-Amand dans la province d'Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, 
est un poète belge flamand, d'expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes dont il parle avec lyrisme sur un ton d'une grande musicalité. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain.


La barque

Il gèle et des arbres pâlis de givre clair 
Montent au loin, ainsi que des faisceaux de lune ; 
Au ciel purifié, aucun nuage ; aucune 
Tache sur l'infini silencieux de l'air.

Le fleuve où la lueur des astres se réfracte 
Semble dallé d'acier et maçonné d'argent ; 
Seule une barque est là, qui veille et qui attend, 
Les deux avirons pris dans la glace compacte.

Quel ange ou quel héros les empoignant soudain 
Dispersera ce vaste hiver à coups de rames 
Et conduira la barque en un pays de flammes 
Vers les océans d'or des paradis lointains ?

Ou bien doit-elle attendre à tout jamais son maître, 
Prisonnière du froid et du grand minuit blanc, 
Tandis que des oiseaux libres et flagellant 
Les vents, volent, là-haut, vers les printemps à naître ?

Paysage enneigé avec des barges de William Degouve de Nuncques (1867-1935)
375px-William_Degouwe_de_Nuncques_-_Snowy_landscape_with_ba.jpg
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26 mars 2013 2 26 /03 /mars /2013 03:46

René-François SULLY PRUDHOMME 
René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme,
 
né à Paris le 16 mars 1839 et mort à Châtenay-Malabry le 6 septembre 1907, 
 
est un poète français, premier lauréat du Prix Nobel de littérature en 1901.
 
 
 
 
Les stalactites
 
 
 
J'aime les grottes où la torche
Ensanglante une épaisse nuit,
Où l'écho fait, de porche en porche,
Un grand soupir du moindre bruit.
 
 
Les stalactites à la voûte
Pendent en pleurs pétrifiés
Dont l'humidité, goutte à goutte,
Tombe lentement à mes pieds.
 
 
Il me semble qu'en ces ténèbres
Règne une douloureuse paix ;
Et devant ces longs pleurs funèbres
Suspendus sans sécher jamais,
 
 
Je pense aux âmes affligées
Où dorment d'anciennes amours :
Toutes les larmes sont figées,
Quelque chose y pleure toujours.
 
 
https://img1.picmix.com/output/pic/original/9/8/4/8/2098489_194d4.gif

 
 
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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 02:02
Eudore Évanturel né à Québec le 22 septembre 1852 et mort à Boston le 16 mai 1919
est un poète québécois.
Encouragé par le romancier Joseph Marmette, son ami, il fit paraître en 1878 un volume de Premières poésies. Ce recueil, inspiré de Alfred de Musset mais avec des accents verlainiens, scandalisa le milieu littéraire conservateur du Québec de l’époque. 
 


 
Soulagement
 
Quand je n'ai pas le coeur prêt à faire autre chose,
Je sors et je m'en vais, l'âme triste et morose,
Avec le pas distrait et lent que vous savez,
Le front timidement penché vers les pavés,
Promener ma douleur et mon mal solitaire
Dans un endroit quelconque, au bord d'une rivière,
Où je puisse enfin voir un beau soleil couchant.
 
O les rêves alors que je fais en marchant,
Dans la tranquillité de cette solitude,
Quand le calme revient avec la lassitude !
Je me sens mieux.

Je vais où me mène mon coeur.
Et quelquefois aussi, je m'assieds tout rêveur,
Longtemps, sans le savoir, et seul, dans la nuit brune,
Je me surprends parfois à voir monter la lune.
 
 
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20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 02:45

Albert Samain,
 
né à Lille le 3 avril 1858, mort à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900,
 
est un poète symboliste français.
De nombreux musiciens composent des mélodies sur ses textes, parmi lesquelles plusieurs chefs-d'œuvre, comme "Arpège" de Gabriel Fauré.
Du point de vue des formes poétiques, un de ses apports majeurs est l'invention d'un genre de sonnet à quinze vers.
 


Forêts
 
Vastes Forêts, Forêts magnifiques et fortes,
Quel infaillible instinct nous ramène toujours
Vers vos vieux troncs drapés de mousses de velours
Et vos étroits sentiers feutrés de feuilles mortes ?
Le murmure éternel de vos larges rameaux
Réveille encore en nous, comme une voix profonde,
L’émoi divin de l’homme aux premiers jours du monde,
Dans l’ivresse du ciel, de la terre, et des eaux.
Grands bois, vous nous rendez à la Sainte Nature.
Et notre coeur retrouve, à votre âme exalté,
Avec le jeune amour l’antique liberté,
Grands bois grisants et forts comme une chevelure !
Vos chênes orgueilleux sont plus durs que le fer ;
Dans vos halliers profonds nul soleil ne rayonne ;
L’horreur des lieux sacrés au loin vous environne,
Et vous vous lamentez aussi haut que la mer !
Quand le vent frais de l’aube aux feuillages circule,
Vous frémissez aux cris de mille oiseaux joyeux ;
Et rien n’est plus superbe et plus religieux
Que votre grand silence, au fond du crépuscule...
Autrefois vous étiez habités par les dieux ;
Vos étangs miroitaient de seins nus et d’épaules,
Et le Faune amoureux, qui guettait dans les saules,
Sous son front bestial sentait flamber ses yeux.
La Nymphe grasse et rousse ondoyait aux clairières
Où l’herbe était foulée aux pieds lourds des Silvains,
Et, dans le vent nocturne, au long des noirs ravins,
Le Centaure au galop faisait rouler des pierres.
Votre âme est pleine encor des songes anciens ;
Et la flûte de Pan, dans les campagnes veuves,
Les beaux soirs où la lune argente l’eau des fleuves,
Fait tressaillir encor vos grands chênes païens.
Les Muses, d’un doigt pur soulevant leurs longs voiles
À l’heure où le silence emplit le bois sacré,
Pensives, se tournaient vers le croissant doré,
Et regardaient la mer soupirer aux étoiles...

***

 
Nobles Forêts, Forêts d’automne aux feuilles d’or,
Avec ce soleil rouge au fond des avenues,
Et ce grand air d’adieu qui flotte aux branches nues
Vers l’étang solitaire, où meurt le son du cor.
Forêts d’avril : chansons des pinsons et des merles ;
Frissons d’ailes, frissons de feuilles, souffle pur ;
Lumière d’argent clair, d’émeraude et d’azur ;
Avril ! ... Pluie et soleil sur la forêt en perles ! ...
Ô vertes profondeurs, pleines d’enchantements,
Bancs de mousse, rochers, sources, bruyères roses,
Avec votre mystère, et vos retraites closes,
Comme vous répondez à l’âme des amants !
Dans le creux de sa main l’amante a mis des mûres ;
Sa robe est claire encore au sentier déjà noir ;
De légères vapeurs montent dans l’air du soir,
Et la forêt s’endort dans les derniers murmures.
La hutte au toit noirci se dresse par endroits ;
Un cerf, tendant son cou, brame au bord de la mare
Et le rêve éternel de notre coeur s’égare
Vers la maison d’amour cachée au fond des bois.
Ô calme ! ... Tremblement des étoiles lointaines ! ...
Sur la nappe s’écroule une coupe de fruits ;
Et l’amante tressaille au silence des nuits,
Sentant sur ses bras nus la fraîcheur des fontaines...

***

 
Forêts d’amour, Forêts de tristesse et de deuil,
Comme vous endormez nos secrètes blessures,
Comme vous éventez de vos lentes ramures
Nos coeurs toujours brûlants de souffrance ou d’orgueil.
Tous ceux qu’un signe au front marque pour être rois,
Pâles s’en vont errer sous vos sombres portiques,
Et, frissonnant au bruit des rameaux prophétiques,
Écoutent dans la nuit parler de grandes voix.
Tous ceux que visita la Douleur solennelle,
Et que n’émeuvent plus les soirs ni les matins,
Rêvent de s’enfoncer au coeur des vieux sapins,
Et de coucher leur vie à leur ombre éternelle.
Salut à vous, grands bois à la cime sonore,
Vous où, la nuit, s’atteste une divinité,
Vous qu’un frisson parcourt sous le ciel argenté,
En entendant hennir les chevaux de l’Aurore.
Salut à vous, grands bois profonds et gémissants,
Fils très bons et très doux et très beaux de la Terre,
Vous par qui le vieux coeur humain se régénère,
Ivre de croire encore à ses instincts puissants :
Hêtres, charmes, bouleaux, vieux troncs couverts d’écailles,
Piliers géants tordant des hydres à vos pieds,
Vous qui tentez la foudre avec vos fronts altiers,
Chênes de cinq cents ans tout labourés d’entailles,
Vivez toujours puissants et toujours rajeunis ;
Déployez vos rameaux, accroissez votre écorce
Et versez-nous la paix, la sagesse et la force,
Grands ancêtres par qui les hommes sont bénis.
 
(octobre 1896)
Albert SAMAIN - poète - "Forêts"
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