Lettre de Maurice Genevoix à Paul Dupuy,
directeur de l’Ecole normale supérieure,
23 février 1915
"Nous marchions sur une terre bouleversée, calcinée, puante, semée de débris de fils de fer, de piquets, de vêtements hachés et sanglants, de paquets de chair humaine.
A cinq heures le bombardement allemand commençait. Pendant le même temps, des mitrailleuses (…) combinaient leurs effets avec ceux de l’artillerie.
De minuit à 6 heures, bombardement moins intense. A l’aube nous avons reçu des grenades, des bombes, un tas d’engins infernaux qui affolent nos hommes. Je me suis lancé en avant, le revolver à la main. J’en ai tué 3 à bout portant. Deux caporaux m’avaient suivi : ils ont été tués tous les deux.
Nous avons perdu les tranchées conquises. Mais le soir, à 4 heures, nous y retournions et les occupions de nouveau. Nous y restions malgré les contre attaques.
Nous y restions malgré le bombardement incessant et formidable (...) Cette guerre est ignoble. (..) Je suis écœuré, saoul d’horreurs."