14 octobre 2020 3 14 /10 /octobre /2020 00:27

Nérée Beauchemin (1850-1931) est un poète français

Recueil : Les floraisons matutinales (1897)

 


Chrysanthèmes

 

Ils disent qu'au ciel on retrouve

Ces chers petits morts tant pleurés.

Ah ! savent-ils bien ce qu'éprouve

Le cœur des parents éplorés.

 

Ils sont étonnés qu'on se plaigne.

Savent-ils bien notre douleur ?

À nous dont le sein meurtri saigne,

On parle d'un monde meilleur !

 

J'y crois à cette autre demeure,

À cet immense azur béni ;

Oui, j'y crois ! et, pourtant, je pleure :

J'ai peur de ce vague infini.

 

Lui, là-haut, si loin de sa mère !

Je ne puis croire qu'il n'ait pas

Comme une nostalgie amère

De ceux qu'il aimait ici-bas.

 

Et, comme en un rêve, il me semble

Voir errer dans ce ciel si grand

Un bel ange qui lui ressemble,

Qui nous tend les bras en pleurant.

 

Il partit alors que les roses

S'ouvrent dans l'air étincelant :

De leurs premières fleurs écloses

On couvrit le suaire blanc.

 

Pour longtemps la chambre est fermée :

Dans sa froide atmosphère en deuil

Flotte encore l'âme embaumée

Des chrysanthèmes du cercueil.

 

En secret, la mère, hagarde,

Toute pâle, tournant la clé

De l'huis funèbre, se hasarde

À franchir le seuil endeuillé.

 

Dans la pièce où son œil pénètre

Elle cherche et voudrait bien voir

Les beaux yeux du cher petit être

Qui manque aux caresses du soir.

 

Une fièvre intense hallucine

Et son oreille et son regard ;

Ce nid plein d'ombre la fascine :

Son trésor est là, quelque part.

 

Ce demi-jour mélancolique

Que reflète le ténébreux

Cristal du grand miroir oblique.

C'est le reflet des jours heureux.

 

L'alcôve était claire et fleurie ;

C'est là que l'enfant fut bercé.

Ah ! l'alcôve est bien assombrie

Depuis que la mort a passé.

 

Où sont les fleurs, les fines gazes,

Les merveilles du blanc trousseau ?

Les fleurs ne sont plus dans les vases,

Et l'enfant n'est plus au berceau.

 

C'est pourquoi la mère affolée,

En proie aux regrets superflus,

Ne veut pas être consolée,

Parce que son amour n'est plus.

Nérée Beauchemin (1850-1931) - poète - chrysanthèmes
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