René Guy Cadou (1920-1951) poète français
Douce étable de la terre
Douce étable de la terre
Pas plus grande qu’appentis
On y met pelles et pioches
On y rentre les brebis
Dans l’auberge haute et large
À l’enseigne des rieurs
On dispute on se goberge
De volailles et de liqueurs
Des draps blancs de quoi en somme
T’en payer toute la nuit
Tu rigoles mon bonhomme
Pourquoi pas poulet au riz
Le Joseph le malhabile
Sa casquette entre ses doigts
Donnez-nous ce soir asile
Ma femme ne va pas bien
Cependant la neige tombe
Et par l’huis entrebâillé
Des étoiles d’argent nimbent
Le front blanc de sa moitié
Pour la nuit ou bien pour l’heure
Nous n’avons place pour toi
Couchez-vous si ça vous chante
Dans l’étable qui est là
Et du doigt désignant l’ombre
Il referme à double tour
Le battant de son auberge
Et la porte de son cœur
Mais la nuit malgré les rires
On entend bien les clameurs
Nom de Dieu ! dit l’aubergiste
Y a le feu dans ma demeure
Il bouscule la servante
Et s’acharne sur la clef
Dans la nuit la neige bouge
Comme feuilles de lauriers
Rassuré il se rapproche
De l’étable des rôdeurs
Il voit double il se raccroche
Aux piquets de la clôture
Un enfant sur de la paille
Tout autour illuminé
Et les gens du voisinage
Debout près du monde entier.
Ainsi soit-il.