26 mars 2022 6 26 /03 /mars /2022 22:24


 

Charles-Nérée Beauchemin (1850-1931)  écrivain et médecin québécois.

Les floraisons matutinales

 

L’avril boréal

 

Est-ce l’avril ? Sur la colline

Rossignole une voix câline,

De l’aube au soir.

Est-ce le chant de la linotte ?

Est-ce une flûte ? est-ce la note

Du merle noir ?

 

Malgré la bruine et la grêle,

Le virtuose à la voix frêle

Chante toujours ;

Sur mille tons il recommence

La mélancolique romance

De ses amours.

 

Le chanteur, retour des Florides,

Du clair azur des ciels torrides

Se souvenant,

Dans les bras des hêtres en larmes

Dis ses regrets et ses alarmes

À tout venant.

 

Surpris dans son vol par la neige,

Il redoute encor le cortège

Des noirs autans ;

Et sa vocalise touchante

Soupire et jase, pleure et chante

En même temps.

 

Fuyez, nuages, giboulées,

Grêle, brouillards, âpres gelées,

Vent boréal !

Fuyez ! La nature t’implore,

Tardive et languissante aurore

De floréal.

 

Avec un ciel bleu d’améthyste,

Avec le charme vague et triste

Des bois déserts,

Un rythme nouveau s’harmonise.

Doux rossignol, ta plainte exquise

Charme les airs !

 

Parfois, de sa voix la plus claire,

L’oiseau, dont le chant s’accélère,

Égrène un tril :

Dans ce vif éclat d’allégresse,

C’est vous qu’il rappelle et qu’il presse,

Beaux jours d’avril.

 

Déjà collines et vallées

Ont vu se fondre aux soleillées

Neige et glaçons ;

Et, quand midi flambe, il s’élève

Des senteurs de gomme et de sève

Dans les buissons.

 

Quel souffle a mis ces teintes douces

Aux pointes des frileuses pousses ?

Quel sylphe peint

De ce charmant vert véronèse

Les jeunes bourgeons du mélèze

Et du sapin ?

 

Sous les haleines réchauffées

Qui nous apportent ces bouffées

D’air moite et doux,

Il nous semble que tout renaisse.

On sent comme un flot de jeunesse

Couler en nous.

 

Tout était mort dans les futaies ;

Voici, tout à coup, plein les haies,

Plein les sillons,

Du soleil, des oiseaux, des brises,

Plein le ciel, plein les forêts grises,

Plein les vallons.

 

Ce n’est plus une voix timide

Qui prélude dans l’air humide,

Sous les taillis ;

C’est une aubade universelle ;

On dirait que l’azur ruisselle

De gazouillis.

 

Devant ce renouveau des choses,

Je rêve des idylles roses ;

Je vous revois,

Prime saison, belles années,

De fleurs de rêve couronnées,

Comme autrefois.

 

Et, tandis que dans les clairières

Chuchotent les voix printanières,

Et moi j’entends

Rossignoler l’âme meurtrie,

La tant douce voix attendrie

De mes printemps.
 

oiseaux printemps - Millette

oiseaux printemps - Millette

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