18 mai 2024 6 18 /05 /mai /2024 22:19

 

 

Alfred de Musset (1810-1857) poète français 

 


La Nuit de Mai

 


La Muse

Poète, prends ton luth, et me donne un baiser ;

La fleur de l'églantier sent ses bourgeons éclore.

Le printemps naît ce soir ; les vents vont s'embraser ;

Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,

Aux premiers buissons verts commence à se poser.

Poète, prends ton luth, et me donne un baiser.

 

Le Poète

Comme il fait noir dans la vallée !

J'ai cru qu'une forme voilée

Flottait là-bas sur la forêt.

Elle sortait de la prairie ;

Son pied rasait l'herbe fleurie ;

C'est une étrange rêverie ;

Elle s'efface et disparaît.

 

La Muse

Poète, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse,

Balance le zéphyr dans son voile odorant.

La rose, vierge encor, se referme jalouse

Sur le frelon nacré qu'elle enivre en mourant.

Écoute ! tout se tait ; songe à ta bien-aimée.

Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée

Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux.

Ce soir, tout va fleurir : l'immortelle nature

Se remplit de parfums, d'amour et de murmure,

Comme le lit joyeux de deux jeunes époux.

 

Le Poète

Pourquoi mon coeur bat-il si vite ?

Qu'ai-je donc en moi qui s'agite,

Dont je me sens épouvanté ?

Ne frappe-t-on pas à ma porte ?

Pourquoi ma lampe à demi morte

M'éblouit-elle de clarté ?

Dieu puissant ! tout mon corps frissonne.

Qui vient ? qui m'appelle ? – Personne.

Je suis seul ; c'est l'heure qui sonne ;

O solitude ! ô pauvreté !

Eugene-Louis Lami - la nuit de mai

Eugene-Louis Lami - la nuit de mai

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