17 décembre 2021 5 17 /12 /décembre /2021 16:34

 

 

Anatole France (1844-1924) écrivain français, 

Recueil : Les poèmes dorés (1873).

 


Les sapins

 

On entend l'Océan heurter les promontoires ;

De lunaires clartés blêmissent le ravin

Où l'homme perdu, seul, épars, se cherche en vain ;

Le vent du nord, sonnant dans les frondaisons noires,

Sur les choses sans forme épand l'effroi divin.

 

Paisibles habitants aux lentes destinées,

Les grands sapins, pleins d'ombre et d'agrestes senteurs,

De leurs sommets aigus couronnent les hauteurs ;

Leurs branches, sans fléchir, vers le gouffre inclinées,

Tristes, semblent porter d'iniques pesanteurs.

 

Ils n'ont point de ramure aux nids hospitalière,

Ils ne sont pas fleuris d'oiseaux et de soleil,

Ils ne sentent jamais rire le jour vermeil ;

Et, peuple enveloppé dans la nuit familière,

Sur la terre autour d'eux pèse un muet sommeil.

 

La vie, unique bien et part de toute chose,

Divine volupté des êtres, don des fleurs,

Seule source de joie et trésor de douleurs,

Sous leur rigide écorce est cependant enclose

Et répand dans leur corps ses secrètes chaleurs.

 

Ils vivent. Dans la brume et la neige et le givre,

Sous l'assaut coutumier des orageux hivers,

Leurs veines sourdement animent leurs bras verts,

Et suscitent en eux cette gloire de vivre

Dont le charme puissant exalte l'univers.

 

Pour la fraîcheur du sol d'où leur pied blanc s'élève,

Pour les vents glacials, dont les tourbillons sourds

Font à peine bouger leurs bras épais et lourds,

Et pour l'air, leur pâture, avec la vive sève,

Coulent dans tout leur sein d'insensibles amours.

 

En souvenir de l'âge où leurs aïeux antiques,

D'un givre séculaire étreints rigidement,

Respiraient les frimas, seuls, sur l'escarpement

Des glaciers où roulaient des îlots granitiques,

L'hiver les réjouit dans l'engourdissement.

 

Mais quand l'air tiédira leurs ténèbres profondes,

Ils ne sentiront pas leur être ranimé

Multiplier sa vie au doux soleil de mai,

En de divines fleurs d'elles-mêmes fécondes,

Portant chacune un fruit dans son sein parfumé.

 

Leurs flancs s'épuiseront à former pour les brises

Ces nuages perdus et de nouveaux encor,

En qui s'envoleront leurs esprits, blond trésor,

Afin qu'en la forêt quelques grappes éprises

Tressaillent sous un grain de la poussière d'or.

 

Ce fut jadis ainsi que la fleur maternelle

Les conçut au frisson d'un vent mystérieux ;

C'est ainsi qu'à leur tour, pères laborieux,

Ils livrent largement à la brise infidèle

La vie, immortel don des antiques aïeux.

 

Car l'ancêtre premier dont ils ont reçu l'être

Prit sur la terre avare, en des âges lointains,

Une rude nature et de mornes destins ;

Et les sapins, encor semblables à l'ancêtre,

Éternisent en eux les vieux mondes éteints.

 Anatole France (1844-1924) - écrivain français - Les sapins 
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17 décembre 2021 5 17 /12 /décembre /2021 16:29


 

Dominique Dimey, née en 1957 à Issoudun, est une auteure-compositrice -interprète Française.

 

 

C’est la grève des sapins,

 


C’est la grève des sapins,

Des aiguilles, des pommes de pin

Ils veulent tous être palmiers,

Cerisiers et bananiers.

 

Les sapins sont fatigués

A la fin de chaque année.

Toutes ces guirlandes à porter

Ca leur donne le dos courbé.

 

Les sapins sont enrhumés

De vivre près des cheminées.

Sans air pur, sans horizon

Enfermés dans des maisons.

 

Les sapins en ont assez

De faire de l’ombre l’été

Sans être remerciés,

Et l’hiver d’être coupés.

 

Les sapins ont déclaré

Que pour la nouvelle année,

Ils se mettront en congé,

La forêt sera fermée.

 

Les sapins s’en vont au vert,

Les sapins quittent l’hiver,

Pour aller se faire bronzer,

Au chaud sous les cocotiers !

Dominique Dimey,(1957) auteure-compositrice-interprète Française - C’est la grève des sapins,
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17 décembre 2021 5 17 /12 /décembre /2021 16:28

 

Anna de Noailles (1876- 1933) poétesse et une romancière française d'origine roumaine,


 

L'hiver


C'est l'hiver sans parfum ni chants...

Dans le pré, les brins de verdure

Percent de leurs jets fléchissants

La neige étincelante et dure.

 

Quelques buissons gardent encor

Des feuilles jaunes et cassantes

Que le vent âpre et rude mord

Comme font les chèvres grimpantes.

 

Et les arbres silencieux

Que toute cette neige isole

Ont cessé de se faire entre eux

Leurs confidences bénévoles...

 

- Bois feuillus qui, pendant l'été,

Au chaud des feuilles cotonneuses

Avez connu les voluptés

Et les cris des huppes chanteuses,

 

Vous qui, dans la douce saison,

Respiriez la senteur des gommes,

Vous frissonnez à l'horizon

Avec des gestes qu'ont les hommes.

 

Vous êtes las, vous êtes nus,

Plus rien dans l'air ne vous protège,

Et vos coeurs tendres ou chenus

Se désespèrent sur la neige.

 

- Et près de vous, frère orgueilleux,

Le sapin où le soleil brille

Balance les fruits écailleux

Qui luisent entre ses aiguilles...

Anna de Noailles (1876- 1933) - poétesse et une romancière française d'origine roumaine - L'hiver
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17 décembre 2021 5 17 /12 /décembre /2021 16:25

 

Henri Durand (1818-1842) Poète vaudois de langue 

Recueil : Poésies complètes (1858).

 


Sous le sapin.


Quand je m'assieds sous le sapin,

Grave et seul dans ma rêverie,

J'oublierais là soir et matin

Tout, jusqu'aux fleurs de la prairie,

Sous le sapin.

 

J'écoute aux branches du sapin

Le souffle des airs, à toute heure

Murmurant une hymne sans fin,

Harpe des bois qui chante et pleure

Sous le sapin.

 

Je vois le ciel sous le sapin

A travers le sombre feuillage

Sur lequel l'hiver passe en vain,

Et je songe aux hivers de l'âge

Sous le sapin.

 

Lors je me dis, sous le sapin :

Les fleurs de l'herbe sont bien belles,

Mais durent à peine un matin ;

Cherchons les beautés éternelles

Sous le sapin.

 

Je voudrais, comme le sapin,

Me voiler d'un feuillage austère,

Et, cherchant en haut mon chemin,

Laisser mon ombre seule à terre

Sous le sapin

 

Car on m'a dit, sous le sapin,

Toute notre gloire mortelle

Pour l'âme est un rêve trop vain

Et doit dormir un jour sans elle

Sous le sapin.

 

Toi donc qui viens sous le sapin,

Regarde-moi sans trop sourire !

Et donne-moi ta douce main ;

Je n'ai plus qu'un mot à te dire

Sous le sapin.

 

Crois-moi, crois-moi, sous le sapin !

Tu sais combien mon âme t'aime ;

Mais notre amour, qu'il soit divin

Et qu'il s'appuie au tronc suprême

Sous le sapin.

Danielle Dambrin - maison forestière

Danielle Dambrin - maison forestière

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17 décembre 2021 5 17 /12 /décembre /2021 16:23

 

Christofle de Beaujeu (né en 1550) poète français de la fin du XVI° siècle

 

Je ne suis plus celui qui sous l'ombre plaisante

 

Je ne suis plus celui qui sous l'ombre plaisante

D'un beau rang de sapins, tout seul se promenait,

Un luth dessous son bras, qui doucement sonnait,

Me délivrant d'ennui, et de douleur cuisante :

 

Mais je suis bien celui qui non tant se contente

A plaidasser ici, heureux qui ne connaît

Procureurs ni procès, ainsi qui tout libre voit

Aux champs, à force d'yeux, tout ce qui se présente.

 

Ô que j'étais'heureux, exempt de toutes peines,

Etant dessus les bords de ces vives fontaines,

Ou à l'ombre plaisant d'un sapin tout nouveau !

 

Et puis comme lassé d'être voisin des nues,

Je venais contempler un cent de filles nues

Qui se baignaient au lac, jusqu'aux tétins en l'eau.

Paul Cezanne - les trois baigneuses

Paul Cezanne - les trois baigneuses

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16 décembre 2021 4 16 /12 /décembre /2021 19:37


 

René Char (1907-1988) poète et résistant français.

 

 

Feuillets d'hypnos 

(fragments)

 

L'intelligence avec l'ange, notre primordial souci. (Ange, ce qui, à l'intérieur

de l'homme, tient à l'écart du compromis religieux, la parole du plus haut

silence, la signification qui ne s'évalue pas.


Accordeur de poumons qui dore les grappes vitaminées de l'impossible.

Connaît le sang, ignore le céleste.


Ange : la bougie qui se penche au nord du cœur.)

Vous serez une part de la saveur du fruit.

Amis, la neige attend la neige pour un travail simple et pur, à la limite de

l'air et de la terre.


L'acte est vierge même répété.

Le poème est ascension furieuse ; la poésie, le jeu des berges arides.

Si l'homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne

plus voir ce qui vaut d'être regardé.


Notre héritage n'est précédé d'aucun testament.

On ne se bat bien que pour les causes qu'on modèle soi-même et avec

lesquelles on se brûle en s'identifiant.

Agir en primitif et prévoir en stratège.


Nous sommes des malades sidéraux incurables auxquels la vie sataniquement

donne l'illusion de la santé.

Pourquoi •>

Pour dépenser la vie et railler la santé ?


(Je dois combattre mon penchant pour ce aenre de pessimisme atonique,

héritage intellectuel...)
 

Simeon Solomon (1840-1905), Sommeil - 1894

Simeon Solomon (1840-1905), Sommeil - 1894

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16 décembre 2021 4 16 /12 /décembre /2021 19:36

 

Francis Bury poète

22/09/2011

 


Les anges


Heureusement qu’ils sont toujours

Au-dessus de nos têtes, les anges ;

Pour nous qui ne sommes pas des anges,

Ils sont nos anges gardiens de nuits, de jours.

 

Vous pouvez me croire,

Bien sûr, que

 

Si nous discutions sur le sexe des anges,

Au sujet de la grosseur des cheveux d’ange,

Nous serions sûrs que leur patience d’ange

Arriverait à faire de nous des anges.

 

Une drôle d’histoire

Sans tête ni queue.

Francis Bury - poète
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16 décembre 2021 4 16 /12 /décembre /2021 19:36

 


Francis Jammes (1868-1938) poète, romancier, dramaturge et critique français 

Recueil : "Clairières dans le ciel"

 


O mon Ange gardien, toi que j’ai laissé là…

 

O mon Ange gardien, toi que j’ai laissé là

pour ce beau corps blanc comme un tapis de lilas :

Je suis seul aujourd’hui. Tiens ma main dans ta main.

 

O mon Ange gardien, toi que j’ai laissé là

quand ma force éclatait dans l’Eté de ma joie :

Je suis triste aujourd’hui. Tiens ma main dans ta main.

 

O mon Ange gardien, toi que j’ai laissé là

quand je foulais d’un pied prodigue l’or des bois :

Je suis pauvre aujourd’hui. Tiens ma main dans ta main.

 

O mon Ange gardien, toi que j’ai laissé là

quand je rêvais devant la neige sur les toits.

Je ne sais plus rêver. Tiens ma main dans ta main.
 

 Francis Jammes (1868-1938) - poète, romancier français - O mon Ange gardien, toi que j’ai laissé là…
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15 décembre 2021 3 15 /12 /décembre /2021 20:43

 

Armand Silvestre (1837-1901) écrivain français, romancier, poète, conteur, librettiste et critique d'art

Recueil : "Le Pays Des Roses"

 

Offrande


A vous s’en vont mes vers tremblants

S’abattre devant vos pieds blancs

Comme des colombes blessées ;

Vous êtes ce qu’ils ont chanté,

L’espoir, la grâce, la beauté,

Toutes mes chimères passées

 

Tous mes rêves me sont rendus ;

L’ange des paradis perdus

A leur seuil sous vos traits demeure :

O doux ange au front éclatant,

Ouvrez-m’en la porte un instant

Que je vous aime et que j’en meure !

Rimma Nikolaevna Vyugova

Rimma Nikolaevna Vyugova

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15 décembre 2021 3 15 /12 /décembre /2021 20:42


 

François Coppée (1842-1908) poète, dramaturge et romancier français.

Recueil : "L'Exilée"


 

À un ange gardien

 

Mon rêve, par l’amour redevenu chrétien,

T’évoque à ses côtés, ô doux ange gardien,

Divin et pur esprit, compagnon invisible

Qui veilles sur cette âme innocente & paisible !

N’est-ce pas, beau soldat des phalanges de Dieu,

Qui, pour la protéger, fais toujours, en tout lieu,

Sur l’adorable enfant planer ton ombre ailée,

Que ta chaste personne est moins immaculée,

Que ton regard, reflet des immenses azurs,

Et que le feu qui brille à ton front, sont moins purs,

Dans leur sublime essence au paradis conquise,

Que le cœur virginal de cette enfant exquise ?

 

Ô toi qui de la voir as toujours la douceur,

Bel ange, n’est-ce pas qu’elle est comme ta sœur ?

Ô céleste témoin qui fais que sa pensée

Par une humble prière au matin commencée

Dans ses rêves du soir est plus naïve encor,

N’est-ce pas qu’en voyant s’abaisser ses cils d’or

Sur ses yeux ingénus comme ceux des gazelles,

Tu t’étonnes parfois qu’elle n’ait pas des ailes ?


 

Johann Georg von Meyer ange gardien

Johann Georg von Meyer ange gardien

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