Rafael Alberti (1902-1955) poète et dramaturge espagnol
– Ange mort, réveille-toi.
Où te tiens-tu ? Illumine
de ton rayon le retour.
...
Pour, sans que je me lamente,
creuser une rivière de lumière douce dans ma poitrine
et rendre mon âme navigable.
***
– Ángel muerto, despierta.
Dónde estàas ? Illumina
con tu rayo el retorno.
Para, sin lastimarme,
cavar una ribera de luz dulce em mi pecho
y hacerne el alma navegable.
Homero Aridjis (1940) poète Mexicain
L'Ange du soleil couchant (extraits)
Il marchait dans la forêt perturbée,
entendait le parfum des plantes effacées,
touchait le chant des oiseaux disparus,
voyait les branches de végétations mortes,
car dans sa mémoire chaque temps était présent,
des visions se détachaient par ses yeux.
...
Les ancêtres venaient à sa rencontre :
"Qu'as-tu fait des animaux? Pourquoi salir les flots?
L'air a changé. Où sont partis les oiseaux?"
"L'année fut sans printemps, et sera sans hiver.
Le soleil, comme un oeil sans paupières,
fixe furieusement la terre."
Lui, figé sur la colline du Couchant,
vêtu de jaune, les ailes resplendissantes,
ne trouvait pas de mots pour répondre;
il leur montrait simplement de la main
les bribes bleues, les lambeaux verts
du paysage de son enfance lacérée
Raymond Radiguet (1903-1923) écrivain et poète français
Recueil : "Les Joues en feu"
L’Ange
Au front de bon élève, l’ange
Lauré de fleurs surnaturelles.
Pour ne pas manquer ses calculs,
Appliqué, il tire la langue,
Tentant de suivre à cloche-pied,
Au verger des quatre saisons,
Le pointillé de leurs frontières.
La neige, est-ce bon à manger ?
L’ange pillard en a tant mis
Dans sa poche, à jamais il reste
Parmi nous les forçats terrestres
Que cette boule rive au sol,
Faite en neige qu’on croit légère.
Sans cesse empêché dans son vol,
Comme nous dans notre délire,
Cet ange enchaîné bat des ailes,
De ses amis implorant l’aide ;
Aussitôt qu’il s’élève un peu,
Retombe dans les marronniers,
Où la gomme de leurs bourgeons
S’accrochant à ses cheveux d’ange
L’empêche à jamais de nier.
Croyez-vous que ce soit pour rien,
Qu’au poirier le pépiniériste
Laisse blettir ses belles poires ?
C’est qu’on reconnaît le voleur,
À la molle empreinte du doigt.
Mais Dieu examine les mains
Des anges voleurs de framboises,
Des assassins, chaque dimanche,
Et dans les mains les plus sanglantes,
Met des livres dorés sur tranches.
Dites ce que sont vos prisons,
Demande l’ange par trop niais,
Aux deux gendarmes l’emmenant
Avec pièce à conviction,
Dans le char des quatre saisons.
Louis Janmot (1814-1892) peintre et poète français
Poèmes de l'âme
I-V Naissance et enfance de l'âme
V - Souvenir du ciel
Lorsqu'arrive le soir, l'enfant lassé repose près du lit maternel sa tête blonde et rose ;
Et les songes, amis du paisible berceau, d'un monde merveilleux écartent le rideaux.
Dans une vaste plaine, au bord d'un fleuve,
Il rêve qu'il marche tout joyeux, ramassant sur la grève coquille et diamant, dont le prisme changeant
Luit dans le sable d'or en clairs reflets d'argent ; pendant que le soleil, qui sur les eaux décline,
Jette un dernier regard à la ville voisine, que les vitres en flamme et les toits, empourprés
D'une étrange splendeur, brillent transfigurés.
Tout à coup il entend comme un battement d'ailes, il écoute, il regarde : ô surprises nouvelles!
Des anges radieux aux doux yeux, au front pur, passent en se jouant dans le limpide azur.
Quel sourire divin sur leur bouche divine,sous leurs cheveux flottants quand leur beau col s'incline,
Sur le front d'un enfant qui, pour être embrassé, leur sourit à son tour entre leurs bras bercé !
Ainsi la rose en fleurs sur le bouton se penche, quand, au vent du matin, la verdoyante branche
Qui porte avec orgueil le couple gracieux, se balance légère en les berçant tous deux.
Des chants d'une harmonie inconnue à la terre, s'élèvent dans les airs, voilés, pleins de mystères.
Comme ces bruits confus que la brise parfois murmure en soupirant à l'ombre des grands bois.
Les célestes accents se croisent, se confondent et s'appellent entr'eux ;
des harpes leur répondent comme des lis semés sur la pourpre des rois, les belles notes d'or brillent entre les voix.
Lorsqu'apparaît dans le ciel d'un bleu sombre l'astre aux rayons d'argent, des étoiles sans nombre
Le chœur brillant l'entoure, et leur vive lueur scintille à ses côtés, sans ternir sa blancheur.
L'enfant seul délaissé, d'une oreille ravie écoute, puis soupire, et d'un œil plein d'envie Il regarde, il implore, en leur tendant les bras,
Les groupes bienheureux qui ne l'entendent pas ; qui, tels que des oiseaux, tantôt rasent la terre,
Dans l'ombre disparus, tantôt à la lumière émergeant tout à coup, reparaissent au loin,
S'entr'ouvrant dans la nue un splendide chemin que ne peut-il, comme eux emporté dans l'espace,
Atteindre dans son vol le nuage qui passe, le mettre sous ses pieds comme un échelon d'or,
Et de là vers les cieux reprendre son essor ! Mais plus grands sont les vœux, plus les efforts stériles.
De ses yeux abaissés sur ses pieds immobiles, des pleurs de désespoir commençaient à couler,
Quand d'une voix connue, il s'entend appeler : « Que de tes pleurs amers la source soit tarie ;
Vois-tu l'enfant Jésus et la Vierge Marie? Ils te consoleront.
En s'approchant de nous comme ils semblent sourire !.. à genoux, à genoux ! »
A peine ont-ils fléchi que, grâce inespérée ! Comme d'un corps mortel une âme délivrée.
Fleuve, grève, sous ses pieds semblent fuir, et, d'un vol qui s'accroît au gré de son désir, il monte vers le ciel...
mais, hélas ! même en rêve, le bonheur s'entrevoit et jamais ne s'achève des êtres lumineux la vision s'enfuit,
Et l'enfant reste seul dans la profonde nuit.
Louis Janmot (1814-1892) peintre et poète français
Poèmes de l'âme
I-V Naissance et enfance de l'âme
I - Génération Divine
A l'instant qu'a choisi la sagesse infinie
Le néant vaincu cède et fait place à la vie :
De l'abime entr'ouvert, sombre et silencieux,
Une âme humaine monte à la clarté des cieux ;
Et le Dieu créateur, d'une ineffable ivresse,
A tressailli lui-même, et sur son cœur il presse
Comme un père l'enfant que son souffle a formé,
Et qui s'est senti vivre en se sentant aimé.
Salut, nouveau venu, qu'élève au rang de l'être
Le triple don d'aimer, de vouloir, de connaître!
Que votre voix se joigne aux célestes concerts ;
Elle manquait pour Dieu dans l'immense univers !
Contemplez, abrité sous l'ombre de ses ailes,
Du Bien, du Beau, du Vrai les sources éternelles ;
Car l'Idéal, pour vous un moment dévoilé,
Bientôt va s'obscurcir ; il faut, pauvre exilé,
Il faut, quittant le ciel, que votre ange vous mène
Par ce chemin où doit passer toute âme humaine ;
Libre de mériter, à l'heure du retour,
Un arrêt sans appel de colère ou d'amour.
Quels destins vous fera l'épreuve de la terre?
Nul n'en sait rien, sinon que l'épreuve est austère,
Que le bonheur pour l'homme est un fruit défendu,
S'il ne veut pas pleurer le ciel deux fois perdu.
Louis Janmot (1814-1892) peintre et poète français
Les poèmes des âmes
I-V Naissance et enfance de l'âme
Le passage des âmes,
De l'Ange gardien la mission commence,
Dieu lui donne, il emporte en ses bras, endormi
Celui dont il sera le conseil et l'ami ;
Dans l'espace il s’élance.
Plus rapide en son vol que l'ouragan fougueux
Qui soulève les mers et tourmente les nues, plane hardiment, les ailes
tendues,
Sur l’océan des cieux.
Il voit croître et s'enfuir par centaines de milles,
Planètes et soleils aux disques enflammés.
Que sur les îlots de l'air le Seigneur a semés
Comme d'immenses îles.
On dirait, à les voir, de rapides coursiers
Tout prêts à s'égarer dans les champs sans limite,
S'ils n'étaient, d'un bras fort, retenus dans l'orbite
Des célestes sentiers.
Astres qui gravitez, malgré l'ombre et le vide,
Vous devez moins que nous vous tromper de chemin,
Troupeau sans liberté, pouvez-vous fuir la main
Du pasteur qui vous guide?
L'esprit a salué leurs anges protecteurs,
Et ceux qui, comme lui, garderont sous leur aile
L'âme humaine, fardeau plus lourd et plus rebelle,
Et qui semblent rêveurs.
D'autres vont recueillant pleurs et cris de détresse
Que d'iniques pouvoirs bravent insolemment ;
Braveront-ils aussi du juge tout-puissant
La force vengeresse ?
Voici le défilé, pâle et silencieux,
Des âmes que la mort de la terre délivre ;
De l'immense inconnu le redoutable livre
S'entr'ouvre sous leurs yeux.
Tremblantes, elles vont où leur ange les mènent
Les poussent quelquefois, vers le seul Tribunal
Qui sait juste la part et du bien et du mal
Qu enferme une âme humaine.
Sans erreur, sans appel, il va dicter leur sort
Elles semblent déjà le pressentir d'avance
A ce vol inégal comme leur espérance,
Au sortir de la mort.
Ainsi sous le ciel gris, dès que l'hiver arrive,
De nos champs désertés pour des climats meilleurs.
Nous voyons émigrer des oiseaux voyageurs
La troupe fugitive.
Quel est donc ce géant et ce vautour cruel
Qui lui ronge le cœur ?
En vain il le dépèce Sans cesse dévoré, le cœur renaît sans cesse
Pour souffrir immortel.
Tout autour, envieux de cette horrible proie,
Rôde un cercle hideux, groupe de noirs esprits ;
Dans leurs yeux sans rayons et sur leurs fronts proscrits
Passe un éclair de joie.
Esprit du mal, mystère où nul n'a vu le jour,
Que vous a donc: fait l'homme? lui suffit de naître ;
Vous êtes son tourment, son partage peut-être,
Son ennemi toujours.
L'ange poursuit encore, et la sombre atmosphère
S'emplit d'un bruit croissant de plaintives clameurs.
C'est le globe maudit, c'est le séjour des pleurs.
L'ange a touché la terre.
Louis Janmot (1814-1892) peintre et poète français
Les poèmes de l'âme
L'âme, L'ange et la mère
III - L'Ange et la mère
Que la paix du Seigneur repose. Sur cette mère et son trésor,
Et que sur leur paupière close, elle verse des songes d'or !
Enfant, dormez, pour vous je prie, et dois veiller avec amour,
Afin qu'au terme de la vie, vous bénissiez ce premier jour.
Hélas ! Combien de fois l'aurore qui brille à l'orient vermeil,
Doit-elle se lever encore, avant votre dernier réveil !
Combien de fois les taches sombres, qui naissent d'un limon impur,
Terniront-elles de leurs ombres ce lac aujourd'hui tout azur.
Loin des sentiers de la patrie, l'homme, voyageur égaré,
Cherche en vain la source infinie dont il fut ailleurs enivré.
Oubliant la patrie absente, suit le nuage trompeur
Où sous une forme enivrante, voit le rêve de son cœur.
Mais bientôt l'idéale image, du ciel imparfait souvenir,
S'évanouit comme un nuage, dans la main qui croit le saisir.
L'âme d'un trait mortel blessée, ne peut plus reprendre son vol.
Pauvre oiseau, qui, l'aile cassée, se traîne sanglant sur le sol.
Vous seul savez, mon Dieu, quels dangers, que d'alarmes
Menacent votre enfant et, si j'ose trembler,
Pardonnez-moi, vous seul pouvez compter les larmes
Qui de ses yeux doivent couler.
Pitié pour lui, Seigneur, et pour ce cœur de mère
Plein d'un amour si saint, et si fort et si doux !
Cet amour n'est-il pas lui-même une prière,
La plus éloquente pour vous ?
Mais votre juste main a pesé la mesure
Des douleurs qu'ici-bas tout homme doit porter ;
Pour accomplir la loi de sa noble nature,
Il faut souffrir pour mériter.
Des ombres du présent tout l'avenir s'éclaire,
Ce n'est point un vrai mal, le mal qui peut finir
Car vous êtes. Seigneur, bien moins juge que père ;
Si vous frappez c'est pour bénir ;
Pour que l'homme vous cherche, en vous seul qu'il espère,
Et, qu'aimant et soumis, il vous rende son cœur,
Trop longtemps égaré, sur cette triste terre,
A la poursuite du bonheur.
Maurice Carême - (1899-1978) poète et écrivain belge de langue française.
Les anges musiciens
Sur les fils de la pluie,
Les anges du jeudi
Jouent longtemps de la harpe.
Et sous leurs doigts, Mozart
Tinte, délicieux,
En gouttes de joie bleue
Car c’est toujours Mozart
Que reprennent sans fin
Les anges musiciens
Qui, au long du jeudi,
Font chanter sur la harpe
La douceur de la pluie.
Didier Rimaud (1922-2003) Jésuite, poète et compositeur français de chants
"Dites-moi les anges"
Dites-moi, les anges, regardez
Si toute chose est à sa place,
Et si j’ai bien tout préparé :
est-il venu le temps pour moi de faire grâce ?
Oui, Seigneur tout est prêt.
Avez-vous bien trouvé
ce que César Auguste a décidé,
le registre à la mairie de Bethléem,
l’hôtellerie, et la crèche à côté,
les bergers à la garde des troupeaux,
l’étoile pour les rois en Orient,
avec l’or et l’encens dans leur bagages ?
Et la jeune fille appelée Marie ?
Oui, Seigneur tout est prêt.
Mais il y a aussi un jardin d’oliviers que l’on plante en secret !
Nous diras-tu pourquoi ?