14 octobre 2019 1 14 /10 /octobre /2019 20:18

Juan de Yepes Álvarez (en religion Jean de la Croix ou Juan de la Cruz), né à Fontiveros (Espagne) le 24 juin 1542 et mort au couvent d'Úbeda le 14 décembre 1591, est un prêtre carme, saint mystique espagnol, souvent appelé le réformateur et "Saint du Carmel". Ses écrits mystiques, toujours populaires, font qu'il fut déclaré Docteur de l'Église en 1926. Liturgiquement il est commémoré le 14 décembre.

 

 

Ton Amour qui m’attend 

 

Ce qui se passe de l'autre côté, 
quand tout pour moi aura basculé 
dans l'Eternité... 
Je ne le sais pas !
Je crois, je crois seulement 
qu'un grand Amour m'attend.

 

Je sais pourtant qu'alors, pauvre et dépouillé,
je laisserai Dieu peser le poids de ma vie.
Mais ne pensez pas que je désespère...
Non, je crois, je crois tellement 
qu'un grand Amour m'attend.

 

Maintenant que mon heure est proche,
que la voix de l'Eternité m'invite à franchir le mur,
ce que j'ai cru, je le croirai plus fort au pas de la mort.
C'est vers un Amour que je marche en m'en allant,
c'est vers son Amour que je tends les bras,
c'est dans la vie que je descends doucement.
Si je meurs ne pleurez pas, 
c'est un Amour qui me prend paisiblement.
Si j'ai peur... et pourquoi pas ?
Rappelez-moi souvent, simplement, 
qu'un Amour m'attend.

 

Mon Rédempteur va m'ouvrir la porte de la joie, de sa Lumière.
Oui, Père ! voici que je viens vers toi comme un enfant,
je viens me jeter dans ton Amour, 
ton Amour qui m'attend.

 

1l Ton amour qui m'attend

1l Ton amour qui m'attend

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14 octobre 2019 1 14 /10 /octobre /2019 16:17

 

Auguste-Jules Richepin, dit Jean Richepin, né à Médéa (Algérie française) le 4 février 1849 et mort à Paris le 12 décembre 1926, est un poète, romancier et auteur dramatique français.

 

 

Jour des morts


On n'a pas vu le ciel aujourd'hui. Gris, opaque,
Et très bas, le brouillard est resté suspendu.
Les regards se brisaient au froid de cette plaque,
Métal terni que nul rayon d'or n'a fendu.

 

Vers le soir seulement, au bord du lourd couvercle
Une lueur, ainsi qu'un fil de sang vermeil,
Se glisse, creuse un trou, puis s'élargit en cercle.
Le brouillard est trempé de gouttes de soleil.

 

Il s'effrange, il se fond en chauds reflets d'opale,
Et l'on voit vers le sol languissamment neiger
Des flocons de vapeur, ouate de pourpre pâle
Qui vole en tourbillon lumineux et léger.

 

Deux petits mendiants, blottis sous une porte,
Ouvrent leurs grands yeux bleus vaguement éblouis.
Songeant au cimetière où gît leur mère morte,
Du beau tapis qu'il tombe ils sont tout réjouis.

 

Car ces flottants flocons de pourpre sont les roses
Qui parfument du ciel les printemps toujours verts,
Et que le bon soleil jette en ces soirs moroses
Sur la terre endormie au tombeau des hivers.


 

Jour des morts

Jour des morts

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 22:51

Antoine Tenant de Latour, né à Saint-Yrieix le 30 août 1808, mort à Sceaux le 27 avril 1881, est un écrivain français.

Recueil : Loin du foyer (1835)

 

 

Le jour des morts

 

Voici le jour des morts, l'âme croit les entendre ;
Mais au lieu d'un jour sombre et d'un ciel attriste,
Une heure de printemps se lève sur leur cendre,
Comme un signe de paix et d'immortalité.

 

Vers les champs du repos, autour de la cité,
La foule des vivants commence à se répandre,
Et plus d'un a choisi le sentier écarté
Que peut-être demain il lui faudra reprendre.

 

Ah ! vous n'êtes pas là, vous que j'ai tant pleures,
Le hasard fit, hélas ! à vos mânes sacrés,
Pour la nuit de la tombe, un chevet solitaire.

 

Mais la loi du temps cesse où la vie a cessé,
Et les larmes du cœur vont partout sous la terre
Consoler dans la mort le pauvre trépassé.

 

Eugène Van Merlo (1880-1972) ferme - Toussaint

Eugène Van Merlo (1880-1972) ferme - Toussaint

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 22:41

Henry Scott Holland né le 27 janvier 1847 et mort le 17 mars 1918 est un théologien et écrivain britannique, Regius Professor of Divinity à l'Université d'Oxford. Il est également chanoine de Christ Church, Oxford. 


En mai 1910, alors qu'il est chanoine à la cathédrale Saint-Paul de Londres, Henry Scott Holland prononce un sermon, peu après la mort du roi Édouard VII, décédé le 6 mai, intitulé Death the King of Terror (Mort, Souverain des Terreurs). Le passage débutant par “Death is nothing at all” (" La mort n'est rien. Elle ne compte pas. Je suis simplement passé dans la pièce à côté") 


traduction d'un extrait de "The King of Terrors", sermon sur la mort 1910

Quelquefois attribué à Charles Péguy, d'après un texte de Saint Augustin

 

 

La mort n’est rien, elle ne compte pas

 

"La mort n’est rien du tout
Je suis simplement passé dans la pièce à côté.
Je suis moi. Tu es toi. 
Ce que nous étions l’un pour l’autre, 
nous le sommes toujours. 

 

Donne-moi le nom que tu m’as toujours donné. 
Parle-moi comme tu l’as toujours fait. 
N’emploie pas de ton différent. 
Ne prends pas un air solennel ou triste. 
Continue à rire de ces petites choses 
qui nous amusaient tant.

 

Prie, souris, pense à moi, prie pour moi. 
Que mon nom soit prononcé à la maison 
comme il l'a toujours été, 
sans emphase d'aucune sorte, 
sans trace d'ombre. 

 

La vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié. 
Elle est ce qu'elle a toujours été. 
Le fil n'est pas coupé. 
Pourquoi serais-je hors de ta pensée 
parce que je suis hors de ta vue ? 
Je t'attends, je ne suis pas loin, 
juste de l'autre côté du chemin. 
Tu vois, tout est bien. Ainsi soit-il. "

 

la porte d'à côté

la porte d'à côté

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 22:38

Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers (Belgique), le 21 mai 1855 et mort (accidentellement) à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d'expression française. 

 

 

Novembre

 

Les grand’routes tracent des croix
A l’infini, à travers bois ;
Les grand’routes tracent des croix lointaines
A l’infini, à travers plaines ;
Les grand’routes tracent des croix
Dans l’air livide et froid,
Où voyagent les vents déchevelés
A l’infini, par les allées.

 

Arbres et vents pareils aux pèlerins,
Arbres tristes et fous où l’orage s’accroche,
Arbres pareils au défilé de tous les saints,
Au défilé de tous les morts
Au son des cloches,

 

Arbres qui combattez au Nord
Et vents qui déchirez le monde,
Ô vos luttes et vos sanglots et vos remords
Se débattant et s’engouffrant dans les âmes profondes !

 

Voici novembre assis auprès de l’âtre,
Avec ses maigres doigts chauffés au feu ;
Oh ! tous ces morts là-bas, sans feu ni lieu,
Oh ! tous ces vents cognant les murs opiniâtres
Et repoussés et rejetés
Vers l’inconnu, de tous côtés.

 

Oh ! tous ces noms de saints semés en litanies,
Tous ces arbres, là-bas,
Ces vocables de saints dont la monotonie
S’allonge infiniment dans la mémoire ;
Oh ! tous ces bras invocatoires
Tous ces rameaux éperdument tendus
Vers on ne sait quel christ aux horizons pendu.

 

Voici novembre en son manteau grisâtre
Qui se blottit de peur au fond de l’âtre
Et dont les yeux soudain regardent,
Par les carreaux cassés de la croisée,
Les vents et les arbres se convulser
Dans l’étendue effarante et blafarde,

 

Les saints, les morts, les arbres et le vent,
Oh l’identique et affolant cortège
Qui tourne et tourne, au long des soirs de neige ;
Les saints, les morts, les arbres et le vent,
Dites comme ils se confondent dans la mémoire
Quand les marteaux battants
A coups de bonds dans les bourdons,
Ecartèlent leur deuil aux horizons,
Du haut des tours imprécatoires.

 

Et novembre, près de l’âtre qui flambe,
Allume, avec des mains d’espoir, la lampe
Qui brûlera, combien de soirs, l’hiver ;
Et novembre si humblement supplie et pleure
Pour attendrir le coeur mécanique des heures !

 

Mais au dehors, voici toujours le ciel, couleur de fer,
Voici les vents, les saints, les morts
Et la procession profonde
Des arbres fous et des branchages tords
Qui voyagent de l’un à l’autre bout du monde.
Voici les grand’routes comme des croix
A l’infini parmi les plaines
Les grand’routes et puis leurs croix lointaines
A l’infini, sur les vallons et dans les bois !

 

routed d'automne

routed d'automne

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 22:36

Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers (Belgique), le 21 mai 1855 et mort (accidentellement) à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d'expression française. 

Toute la Flandre

 


Vieille ferme à la Toussaint

 

La ferme aux longs murs blancs, sous les grands arbres jaunes,
Regarde, avec les yeux de ses carreaux éteints,
Tomber très lentement, en ce jour de Toussaint,
Les feuillages fanés des frênes et des aunes.

 

Elle songe et resonge à ceux qui sont ailleurs,
Et qui, de père en fils, longuement s’éreintèrent,
Du pied bêchant le sol, des mains fouillant la terre,
A secouer la plaine à grands coups de labeur.

 

Puis elle songe encor qu’elle est finie et seule,
Et que ses murs épais et lourds, mais crevassés,
Laissent filtrer la pluie et les brouillards tassés,
Même jusqu’au foyer où s’abrite l’aïeule.

 

Elle regarde aux horizons bouder les bourgs ;
Des nuages compacts plombent le ciel de Flandre ;
Et tristement, et lourdement se font entendre,
Là-bas, des bonds de glas sautant de tour en tour.

 

Et quand la chute en or des feuillage effleure,
Larmes ! ses murs flétris et ses pignons usés,
La ferme croit sentir ses lointains trépassés
Qui doucement se rapprochent d’elle, à cette heure,
Et pleurent.

 

Eugène Van Merlo (1880-1972) ferme en automne

Eugène Van Merlo (1880-1972) ferme en automne

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 21:57

Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers (Belgique), le 21 mai 1855 et mort (accidentellement) à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d'expression française. 

Recueil : Les villages illusoires

 

 

Le vent

 

Sur la bruyère longue infiniment
voici le vent cornant novembre;
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battant les bourgs ;
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

 

Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent ;
Aux citernes des fermes.
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort, dans leurs mélancolies.

 

Le vent rafle, le long de l’eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre ;
Le vent mord, dans les branches,
Des nids d’oiseaux ;
Le vent râpe du fer
Et peigne, au loin, les avalanches,
Rageusement du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

 

Dans les étables lamentables,
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes
De vitres et de papier.
- Le vent sauvage de Novembre ! -
Sur sa butte de gazon bistre,
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coups d’éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
Le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

 

 Les vieux chaumes, à cropetons,
Autour de leurs clochers d’église.
Sont ébranlés sur leurs bâtons ;
Les vieux chaumes et leurs auvents
Claquent au vent,
Au vent sauvage de Novembre.
Les croix du cimetière étroit,
Les bras des morts que sont ces croix,
Tombent, comme un grand vol,
Rabattu noir, contre le sol.

 

Le vent sauvage de Novembre,
Le vent,
L’avez-vous rencontré le vent,
Au carrefour des trois cents routes,
Criant de froid, soufflant d’ahan,
L’avez-vous rencontré le vent,
Celui des peurs et des déroutes ;
L’avez-vous vu, cette nuit-là,
Quand il jeta la lune à bas,
Et que, n’en pouvant plus,
Tous les villages vermoulus
Criaient, comme des bêtes,
Sous la tempête ?


 
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent hurlant,
Voici le vent cornant Novembre.

 

Le vent

Le vent

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 21:55

Mc Palys (1947) 
Recueil - mes poèmes

 


Mélancolie de Toussaint

 

 En ce jour, fête de tous les Saints,
La pensée de tous mes souvenirs,
Aux lèvres, il me vient un sourire.
Nostalgie d'un jour de Toussaint.


 
 Seule dans ce petit cimetière,
J'erre parmi vous, entre les tombes,
J'imagine un vol de colombes,
Frôlant chrysanthèmes et bruyères.


  
Où êtes-vous, mes chers disparus ?
Vous êtes là, dans ma mémoire,
La-haut, vous devez le savoir!!!
Avec vous, je me mets à nu...


  
Les anges vous ont emportés
C'est là, notre destinée.
Pour vous une prière,
“un notre père”.


  
Pour nous, vivants,
La mort est ecchymose,
Elle nous rend morose,
Point n'efface le temps


  
Mes Chers Amours, vous êtes en moi,
Penser à vous, m'emplit d'émoi!
Comme une chaleur !
Je n'ai plus peur.


 
Je songe à votre repos éternel ;
Mes yeux s'embrument et perlent
Dans le silence, frissonnante
Une émotion m'envahit, importante ...


  
Je regarde un vol de merles,
Et lève les yeux vers le ciel,
En implorant vers le lointain....
Mélancolique jour de Toussaint.

 

Mélancoliie de Toussaint

Mélancoliie de Toussaint

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 21:51

Paul Verlaine est un écrivain et poète français du xixe siècle, né à Metz (Moselle) le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896 (à 51 ans).
Il s'essaie à la poésie et publie son premier recueil, Poèmes saturniens en 1866, à 22 ans. Sa vie est bouleversée quand il rencontre Arthur Rimbaud en septembre 1871. Leur vie amoureuse tumultueuse et errante en Angleterre et en Belgique débouche sur la scène violente où, à Bruxelles, Verlaine, d'un coup de revolver, blesse au poignet celui qu'il appelle son « époux infernal » : jugé et condamné, il passe deux années de prison, renouant avec le catholicisme de son enfance et écrivant des poèmes

Recueil : Liturgies intimes (1892)

 

 

Toussaint

 

Ces vrais vivants qui sont les saints,
Et les vrais morts qui seront nous,
C'est notre double fête à tous,
Comme la fleur de nos desseins,

 

Comme le drapeau symbolique
Que l'ouvrier plante gaîment
Au faite neuf du bâtiment,
Mais, au lieu de pierre et de brique,

 

C'est de notre chair qu'il s'agit,
Et de notre âme en ce nôtre œuvre
Qui, narguant la vieille couleuvre,
A force de travaux surgit.

 

Notre âme et notre chair domptées
Par la truelle et le ciment
Du patient renoncement
Et des heures dûment comptées.

 

Mais il est des âmes encor,
Il est des chairs encore comme
En chantier, qu'à tort on dénomme
Les morts, puisqu'ils vivent, trésor

 

Au repos, mais que nos prières
Seulement peuvent monnayer
Pour, l'architecte, l'employer
Aux grandes dépenses dernières.

 

Prions, entre les morts, pour maints
De la terre et du Purgatoire,
Prions de façon méritoire
Ceux de là-haut qui sont les saints.

 

Albrecht Durer- main priantes

Albrecht Durer- main priantes

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 21:46

Alphonse de Lamartine, de son nom complet Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869 est un poète, romancier, dramaturge français, ainsi qu'une personnalité politique qui participa à la Révolution de février 1848 et proclama la Deuxième République. Il est l'une des grandes figures du romantisme en France.

Harmonies poétiques et religieuses

 

 

Pensée des morts

 

Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon,
Voilà le vent qui s’élève
Et gémit dans le vallon,
Voilà l’errante hirondelle .
Qui rase du bout de l’aile :
L’eau dormante des marais,
Voilà l’enfant des chaumières
Qui glane sur les bruyères
Le bois tombé des forêts.

 

L’onde n’a plus le murmure ,
Dont elle enchantait les bois ;
Sous des rameaux sans verdure.
Les oiseaux n’ont plus de voix ;
Le soir est près de l’aurore,
L’astre à peine vient d’éclore
Qu’il va terminer son tour,
Il jette par intervalle
Une heure de clarté pâle
Qu’on appelle encore un jour.

 

L’aube n’a plus de zéphire
Sous ses nuages dorés,
La pourpre du soir expire
Sur les flots décolorés,
La mer solitaire et vide
N’est plus qu’un désert aride
Où l’oeil cherche en vain l’esquif,
Et sur la grève plus sourde
La vague orageuse et lourde
N’a qu’un murmure plaintif.

 

La brebis sur les collines
Ne trouve plus le gazon,
Son agneau laisse aux épines
Les débris de sa toison,
La flûte aux accords champêtres
Ne réjouit plus les hêtres
Des airs de joie ou d’amour,
Toute herbe aux champs est glanée :
Ainsi finit une année,
Ainsi finissent nos jours !

 

C’est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents ;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants :
Ils tombent alors par mille,
Comme la plume inutile
Que l’aigle abandonne aux airs,
Lorsque des plumes nouvelles
Viennent réchauffer ses ailes
A l’approche des hivers.

 

C’est alors que ma paupière
Vous vit pâlir et mourir,
Tendres fruits qu’à la lumière
Dieu n’a pas laissé mûrir !
Quoique jeune sur la terre,
Je suis déjà solitaire
Parmi ceux de ma saison,
Et quand je dis en moi-même :
Où sont ceux que ton coeur aime ?
Je regarde le gazon.

 

Leur tombe est sur la colline,
Mon pied la sait ; la voilà !
Mais leur essence divine,
Mais eux, Seigneur, sont-ils là ?
Jusqu’à l’indien rivage
Le ramier porte un message
Qu’il rapporte à nos climats ;
La voile passe et repasse,
Mais de son étroit espace
Leur âme ne revient pas.

 

Ah ! quand les vents de l’automne
Sifflent dans les rameaux morts,
Quand le brin d’herbe frissonne,
Quand le pin rend ses accords,
Quand la cloche des ténèbres
Balance ses glas funèbres,
La nuit, à travers les bois,
A chaque vent qui s’élève,
A chaque flot sur la grève,
Je dis : N’es-tu pas leur voix?

 

Du moins si leur voix si pure
Est trop vague pour nos sens,
Leur âme en secret murmure
De plus intimes accents ;
Au fond des coeurs qui sommeillent,
Leurs souvenirs qui s’éveillent
Se pressent de tous côtés,
Comme d’arides feuillages
Que rapportent les orages
Au tronc qui les a portés !

 

C’est une mère ravie
A ses enfants dispersés,
Qui leur tend de l’autre vie
Ces bras qui les ont bercés ;
Des baisers sont sur sa bouche,
Sur ce sein qui fut leur couche
Son coeur les rappelle à soi ;
Des pleurs voilent son sourire,
Et son regard semble dire :
Vous aime-t-on comme moi ?

 

C’est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N’emporta qu’une pensée
De sa jeunesse au tombeau ;
Triste, hélas ! dans le ciel même,
Pour revoir celui qu’elle aime
Elle revient sur ses pas,
Et lui dit : Ma tombe est verte !
Sur cette terre déserte
Qu’attends-tu ? Je n’y suis pas !

 

C’est un ami de l’enfance,
Qu’aux jours sombres du malheur
Nous prêta la Providence
Pour appuyer notre cœur ;
Il n’est plus ; notre âme est veuve,
Il nous suit dans notre épreuve
Et nous dit avec pitié :
Ami, si ton âme est pleine,
De ta joie ou de ta peine
Qui portera la moitié ?

 

C’est l’ombre pâle d’un père
Qui mourut en nous nommant ;
C’est une soeur, c’est un frère,
Qui nous devance un moment ;
Sous notre heureuse demeure,
Avec celui qui les pleure,
Hélas ! ils dormaient hier !
Et notre coeur doute encore,
Que le ver déjà dévore
Cette chair de notre chair !

 

L’enfant dont la mort cruelle
Vient de vider le berceau,
Qui tomba de la mamelle
Au lit glacé du tombeau ;
Tous ceux enfin dont la vie
Un jour ou l’autre ravie,
Emporte une part de nous,
Murmurent sous la poussière :
Vous qui voyez la lumière,
Vous souvenez-vous de nous ?

 

Ah ! vous pleurer est le bonheur suprême
Mânes chéris de quiconque a des pleurs !
Vous oublier c’est s’oublier soi-même :
N’êtes-vous pas un débris de nos coeurs ?

 

En avançant dans notre obscur voyage,
Du doux passé l’horizon est plus beau,
En deux moitiés notre âme se partage,
Et la meilleure appartient au tombeau !

 

Dieu du pardon ! leur Dieu ! Dieu de leurs pères !
Toi que leur bouche a si souvent nommé !
Entends pour eux les larmes de leurs frères !
Prions pour eux, nous qu’ils ont tant aimé !

 

Ils t’ont prié pendant leur courte vie,
Ils ont souri quand tu les as frappés !
Ils ont crié : Que ta main soit bénie !
Dieu, tout espoir ! les aurais-tu trompés ?

 

Et cependant pourquoi ce long silence ?
Nous auraient-ils oubliés sans retour ?
N’aiment-ils plus ? Ah ! ce doute t’offense !
Et toi, mon Dieu, n’es-tu pas tout amour ?

 

Mais, s’ils parlaient à l’ami qui les pleure,
S’ils nous disaient comment ils sont heureux,
De tes desseins nous devancerions l’heure,
Avant ton jour nous volerions vers eux.

 

Où vivent-ils ? Quel astre, à leur paupière
Répand un jour plus durable et plus doux ?
Vont-ils peupler ces îles de lumière ?
Ou planent-ils entre le ciel et nous ?

 

Sont-ils noyés dans l’éternelle flamme ?
Ont-ils perdu ces doux noms d’ici-bas,
Ces noms de soeur et d’amante et de femme ?
A ces appels ne répondront-ils pas ?

 

Non, non, mon Dieu, si la céleste gloire
Leur eût ravi tout souvenir humain,
Tu nous aurais enlevé leur mémoire ;
Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ?

 

Ah ! dans ton sein que leur âme se noie !
Mais garde-nous nos places dans leur cœur ;
Eux qui jadis ont goûté notre joie,
Pouvons-nous être heureux sans leur bonheur ?

 

Etends sur eux la main de ta clémence,
Ils ont péché; mais le ciel est un don !
Ils ont souffert; c’est une autre innocence !
Ils ont aimé; c’est le sceau du pardon !

 

Ils furent ce que nous sommes,
Poussière, jouet du vent !
Fragiles comme des hommes,
Faibles comme le néant !
Si leurs pieds souvent glissèrent,
Si leurs lèvres transgressèrent
Quelque lettre de ta loi,
Ô Père! ô juge suprême !
Ah ! ne les vois pas eux-mêmes,
Ne regarde en eux que toi !

 

Si tu scrutes la poussière,
Elle s’enfuit à ta voix !
Si tu touches la lumière,
Elle ternira tes doigts !
Si ton oeil divin les sonde,
Les colonnes de ce monde
Et des cieux chancelleront :
Si tu dis à l’innocence :
Monte et plaide en ma présence !
Tes vertus se voileront.

 

Mais toi, Seigneur, tu possèdes
Ta propre immortalité !
Tout le bonheur que tu cèdes
Accroît ta félicité !
Tu dis au soleil d’éclore,
Et le jour ruisselle encore !
Tu dis au temps d’enfanter,
Et l’éternité docile,
Jetant les siècles par mille,
Les répand sans les compter !

 

Les mondes que tu répares
Devant toi vont rajeunir,
Et jamais tu ne sépares
Le passé de l’avenir ;
Tu vis ! et tu vis ! les âges,
Inégaux pour tes ouvrages,
Sont tous égaux sous ta main ;
Et jamais ta voix ne nomme,
Hélas ! ces trois mots de l’homme :
Hier, aujourd’hui, demain !

 

Ô Père de la nature,
Source, abîme de tout bien,
Rien à toi ne se mesure,
Ah ! ne te mesure à rien !
Mets, à divine clémence,
Mets ton poids dans la balance,
Si tu pèses le néant !
Triomphe, à vertu suprême !
En te contemplant toi-même,
Triomphe en nous pardonnant !

 

pensée aux morts

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