30 mai 2024 4 30 /05 /mai /2024 16:55

 

 

Émile Nelligan (1879-1941) poète québécois 

1903

 

Violon d’adieu


Vous jouiez Mendelssohn ce soir-là ; les flammèches

Valsaient dans l’âtre clair, cependant qu’au salon

Un abat-jour mêlait en ondulement long

Ses rêves de lumière au châtain de nos mèches.

 

Et tristes, comme un bruit frissonnant de fleurs sèches

Éparses dans le vent vespéral du vallon,

Les notes sanglotaient sur votre violon

Et chaque coup d’archet trouait mon cœur de brèches.

 

Or, devant qu’il se fût fait tard, je vous quittai,

Mais jusqu’à l’aube errant, seul, morose, attristé,

Contant ma jeune peine au lunaire mystère,

 

Je sentais remonter comme d’amers parfums

Ces musiques d’adieu qui scellaient sous la terre

Et mon rêve d’amour et mes espoirs défunts.
 

Émile Nelligan (1879-1941) - poète québécois - violon d’adieu
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30 mai 2024 4 30 /05 /mai /2024 16:34


 

 

Renée Vivien (1877-1909) poétesse britannique de langue française

 


Péché des Musiques 


Je n'ai point contemplé le mirage des formes,

Je n'ai point désiré l'oasis des couleurs,

J'ai su me détourner de la saveur des cormes

Et des mûres de pourpre et des figues en fleurs.

Mes doigts n'ont point pétri le moelleux des étoffes.

J'ai fui, comme devant un reptile couché,

Devant les sinueux discours des philosophes.

Mais, ô ma conscience obscure  ! j'ai péché.

 

Je me suis égarée en la vaste Musique,

Lupanar aussi beau que peut l'être l'enfer  ;

Des vierges m'imploraient sur la couche lubrique

Où les sons effleuraient lascivement leur chair.

Tandis que les chanteurs, tel un Hindou qui jongle,

Balançaient en riant l'orage et le repos,

Plus cruels que la dent et plus aigus que l'ongle,

Les luths ont lacéré mes fibres et mes os.

 

Tordus par le délire impétueux du spasme,

Les instruments râlaient leur plaisir guttural,

Et les accords hurlaient le noir enthousiasme

Des prêtres érigeant les bûchers de santal  ;

Des clochettes troublaient le sommeil des pagodes,

Et des roses flamants poursuivaient les ibis…

Je rêvais, à travers le murmure des odes,

Les soirs égyptiens aux pieds de Rhodopis.

 

Au profond des palais où meurt la lune jaune,

Les cithares et les harpes ont retenti…

Je voyais s'empourprer les murs de Babylone

Et mes mains soulevaient le voile de Vashti.

Eranna de Télos m'a vanté Mytilène.

Comme un blond corps de femme indolemment couché,

L'Ile imprégnait la mer de sa divine haleine…

Voici, ma conscience obscure  ! j'ai péché…

Sappho et Erinna dans un jardin à Mytilène par Siméon Salomon (1864)

Sappho et Erinna dans un jardin à Mytilène par Siméon Salomon (1864)

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30 mai 2024 4 30 /05 /mai /2024 14:49

 

 

Anna de Noailles (1876-1933) poétesse et une romancière française d'origines roumaine et grecque

 


La chaude chanson


La guitare amoureuse et l'ardente chanson

Pleurent de volupté, de langueur et de force

Sous l'arbre où le soleil dore l'herbe et l'écorce,

Et devant le mur bas et chaud de la maison.

 

Semblables à des fleurs qui tremblent sur leur tige,

Les désirs ondoyants se balancent au vent,

Et l'âme qui s'en vient soupirant et rêvant

Se sent mourir d'espoir, d'attente et de vertige.

 

- Ah ! quelle pâmoison de l'azur tendre et clair !

Respirez bien, mon coeur, dans la chaude rafale,

La musique qui fait le cri vif des cigales,

Et la chanson qui va comme un pollen sur l'air...
 

Anna de Noailles (1876-1933) - poétesse et une romancière française - La chaude chanson
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29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 22:39

 

 

Rainer Maria Rilke (1875-1926) écrivain autrichien 

Sonnets à Orphée (1922)

 


O viens et va… 

 

O viens et va. Toi, presque enfant, achève

pour un instant la forme de tes pas :

pure constellation de l’une de ces danses

par quoi la nature, sourde ordonnatrice,

un jour est surpassée. Car elle ne se mut,

pleinement attentive, que lorsque Orphée chanta.

 

D’un autre temps encor tu étais remuée,

à peine un peu surprise, quand un arbre, lentement, 

pensait à marcher avec toi d’après son ouïe.

Tu savais encor l’endroit où la lyre

se levait, résonnant — la montée inouïe.

 

Pour elle tu tentais ces pas si beaux,

dans l’espoir qu’un jour vers la fête sans nuage

se tourneraient la marche de l’ami et son visage.
 

Henry Ryland - le jeune orphée

Henry Ryland - le jeune orphée

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29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 22:15


 

Charles Guérin (1873-1907) poète français.

 


La chanson de la bien-aimée

(villanelle)

 

La chanson de la Bien-Aimée,

Comme un trille d'oiseau siffleur,

Monte dans la nuit parfumée.

 

L'entendez-vous sous la ramée,

A travers les pommiers en fleur,

La chanson de la Bien-Aimée ?

 

Comme une vivante fumée,

Son rythme subtil et trembleur

Monte dans la nuit parfumée.

 

Et quand vient l'heure accoutumée,

Où s'exhale par la chaleur

La chanson de la Bien-Aimée,

 

Le cri de l'oiselle pâmée

Sous le baiser de l'oiseleur

Monte dans la nuit parfumée.

 

C'est une berceuse enflammée,

Musique, parfum et couleur,

La chanson de la Bien-Aimée ;

 

Et toujours mon âme est charmée

Quand, appel tendre et cajoleur,

La chanson de la Bien-Aimée

Monte dans la nuit parfumée.
 

Charles Guérin (1873-1907) - poète français - La chanson de la bien-aimée
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29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 21:30

 

 

Émile Nelligan (1879-1941) poète québécois 

1903 

 

Les Pieds sur les Chenets

Pour Ignace Paderewski

 

Maître, quand j’entendis, de par tes doigts magiques,

Vibrer ce grand Nocturne, à des bruits d’or pareil ;

Quand j’entendis, en un sonore et pur éveil,

Monter sa voix, parfum des astrales musiques ;

 

Je crus que, revivant ses rythmes séraphiques

Sous l’éclat merveilleux de quelque bleu soleil,

En toi, ressuscité du funèbre sommeil,

Passait le grand vol blanc du Cygne des pthisiques.

 

Car tu sus ranimer son puissant piano,

Et ton âme à la sienne en un mystique anneau

S’enchaîne étrangement par des causes secrètes.

 

Sois fier, Paderewski, du prestige divin

Que le ciel te donna, pour que chez les poètes

Tu fisses frissonner l’âme du grand Chopin !
 

Ignace Jan Paderewsk (1860-1941) par Granger

Ignace Jan Paderewsk (1860-1941) par Granger

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29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 21:28

 

 

Paul Fort (1872-1960) poète et dramaturge français

 


Chanson de fol


Les sorciers et les fées dansent sur le coteau

Leurs pas brûlants font des huit noirs sous les méteils

Ils dansent de la nuit venue au jour nouveau

Pour honorer le saint qui nourrit les abeilles

 

Et sept nuits et sept jours ils font la ronde encor

Jusqu'au huitième soir où géantes cigales

Les fées jouent de la flûte et les sorciers du cor

Pour honorer le dieu qui nourrit les étoiles
 

Paul Fort (1872-1960) - poète et dramaturge français - Chanson de fol
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29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 21:10

 

 

Marcel Proust (1871-1922) écrivain français,

 


Chopin


Chopin, mer de soupirs, de larmes, de sanglots

Qu’un vol de papillons sans se poser traverse

Jouant sur la tristesse ou dansant sur les flots.

Rêve, aime, souffre, crie, apaise, charme ou berce,

Toujours tu fais courir entre chaque douleur

L’oubli vertigineux et doux de ton caprice

Comme les papillons volent de fleur en fleur ;

De ton chagrin alors ta joie est la complice :

L’ardeur du tourbillon accroit la soif des pleurs.

De la lune et des eaux pale et doux camarade,

Prince du désespoir ou grand seigneur trahi,

Tu t’exaltes encore, plus beau d’être pali,

Du soleil inondant ta chambre de malade

Qui pleure à lui sourire et souffre de le voir…

Sourire du regret et larmes de l’Espoir !
 

Marcel Proust (1871-1922) - écrivain français - Chopin
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29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 20:51


 

Paul Valéry (1871-1945) écrivain, poète et philosophe français 
 

 

Orphée


... Je compose en esprit, sous les myrtes, Orphée

L’Admirable !... le feu, des cirques purs descend ;

Il change le mont chauve en auguste trophée

D’où s’exhale d’un dieu l’acte retentissant.

 

Si le dieu chante, il rompt le site tout-puissant ;

Le soleil voit l’horreur du mouvement des pierres ;

Une plainte inouïe appelle éblouissants

Les hauts murs d’or harmonieux d’un sanctuaire.

 

Il chante, assis au bord du ciel splendide, Orphée !

Le roc marche, et trébuche ; et chaque pierre fée

Se sent un poids nouveau qui vers l’azur délire !

 

D’un Temple à demi nu le soir baigne l’essor,

Et soi-même il s’assemble et s’ordonne dans l’or

À l’âme immense du grand hymne sur la lyre !
 

 Paul Valéry (1871-1945) - écrivain, poète et philosophe français - Orphée
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29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 20:37

 

 

Claude Debussy (1862-1918) compositeur français. 

 


La musique 


"La musique commence là

où la parole est impuissante à exprimer ; 

elle est écrite pour l'inexprimable. 


Je voudrais qu'elle eût l'air de sortir

de l'ombre et que, par instants, elle y rentrât,

que toujours elle fût discrète personne. 


La musique est une mathématique mystérieuse 

dont les éléments participent de l'infini".
 

Claude Debussy (1862-1918) - compositeur français - La musique 
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