26 mai 2024 7 26 /05 /mai /2024 14:01

 

 

Sully Prudhomme (1839-1907) poète français, lauréat du prix Nobel de littérature 1901 

 

 

L’Agonie


 
Vous qui m’aiderez dans mon agonie,

          Ne me dites rien ;

Faites que j’entende un peu d’harmonie,

          Et je mourrai bien.

 

La musique apaise, enchante et délie

          Des choses d’en bas :

Bercez ma douleur ; je vous en supplie,

          Ne lui parlez pas.

 

Je suis las des mots, je suis las d’entendre

          Ce qui peut mentir ;

J’aime mieux les sons qu’au lieu de comprendre

          Je n’ai qu’à sentir ;

 

Une mélodie où l’âme se plonge

          Et qui, sans effort,

Me fera passer du délire au songe,

          Du songe à la mort.

 


Vous qui m’aiderez dans mon agonie,

          Ne me dites rien.

Pour allégement un peu d’harmonie

          Me fera grand bien.

 

Vous irez chercher ma pauvre nourrice

          Qui mène un troupeau,

Et vous lui direz que c’est mon caprice,

          Au bord du tombeau,

 

D’entendre chanter tout bas, de sa bouche,

          Un air d’autrefois,

Simple et monotone, un doux air qui touche

          Avec peu de voix.

 

Vous la trouverez : les gens des chaumières

          Vivent très longtemps,

Et je suis d’un monde où l’on ne vit guères

          Plusieurs fois vingt ans.

 

Vous nous laisserez tous les deux ensemble :

          Nos cœurs s’uniront ;

Elle chantera d’un accent qui tremble,

          La main sur mon front.

 


Lors elle sera peut-être la seule

          Qui m’aime toujours,

Et je m’en irai dans son chant d’aïeule

          Vers mes premiers jours,

 

Pour ne pas sentir, à ma dernière heure,

          Que mon cœur se fend,

Pour ne plus penser, pour que l’homme meure

          Comme est né l’enfant.

 

Vous qui m’aiderez dans mon agonie,

          Ne me dites rien ;

Faites que j’entende un peu d’harmonie,

          Et je mourrai bien.

Sully Prudhomme (1839-1907) - poète français - L’Agonie
Partager cet article
Repost0
25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 22:54

 

 

Paul Verlaine (1844-1896) écrivain et poète français.

 


Chanson d'automne

 

Les sanglots longs

Des violons

De l'automne

Blessent mon coeur

D'une langueur

Monotone.


Tout suffocant

Et blême, quand

Sonne l'heure,

Je me souviens

Des jours anciens

Et je pleure ;

Et je m'en vais

Au vent mauvais

Qui m'emporte

De çà, de là,

Pareil à la

Feuille morte.
 

Paul Verlaine (1844-1896) -écrivain et poète français - Chanson d'automne
Partager cet article
Repost0
25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 22:34

 

 

Paul Verlaine (1844-1896) écrivain et poète français.

 

Le piano que baise une main frêle


Le piano que baise une main frêle

Luit dans le soir rose et gris vaguement,

Tandis qu'un très léger bruit d'aile

Un air bien vieux, bien faible et bien charmant

Rôde discret, épeuré quasiment,

Par le boudoir longtemps parfumé d'Elle.

 

Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain

Qui lentement dorlote mon pauvre être ?

Que voudrais-tu de moi, doux Chant badin ?

Qu'as-tu voulu, fin refrain incertain

Qui vas tantôt mourir vers la fenêtre

Ouverte un peu sur le petit jardin ?
 

Paul Verlaine (1844-1896) - écrivain et poète français - Le piano que baise une main frêle
Partager cet article
Repost0
25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 22:23

 

 

Paul Verlaine (1844-1896) écrivain et poète français.

 

Va, chanson, à titre-d'aile


Va, chanson, à titre-d'aile

Au-devant d'elle, et dis-lui

Bien que dans mon coeur fidèle

Un rayon joyeux a lui,

 

Dissipant, lumière sainte,

Ces ténèbres de l'amour :

Méfiance, doute, crainte,

Et que voici le grand jour !

 

Longtemps craintive et muette,

Entendez-vous ? La gaîté,

Comme une vive alouette,

Dans le ciel clair a chanté.

 

Va donc, chanson ingénue,

Et que, sans nul regret vain,

Elle soit la bienvenue

Celle qui revient enfin.
 

Paul Verlaine (1844-1896) - écrivain et poète français - Va, chanson, à titre-d'aile
Partager cet article
Repost0
25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 21:57

 

 

Paul Verlaine (1844-1896) écrivain et poète français 

Poèmes saturniens,1866

 


Sérénade


Comme la voix d’un mort qui chanterait

Du fond de sa fosse,

Maîtresse, entends monter vers ton retrait

Ma voix aigre et fausse.

 

Ouvre ton âme et ton oreille au son

De ma mandoline :

Pour toi j’ai fait, pour toi, cette chanson

Cruelle et câline.

 

Je chanterai tes yeux d’or et d’onyx

Purs de toutes ombres,

Puis le Léthé de ton sein, puis le Styx

De tes cheveux sombres.

 

Comme la voix d’un mort qui chanterait

Du fond de sa fosse,

Maîtresse, entends monter vers ton retrait

Ma voix aigre et fausse.

 

Puis je louerai beaucoup, comme il convient,

Cette chair bénie

Dont le parfum opulent me revient

Les nuits d’insomnie.

 

Et pour finir je dirai le baiser,

De ta lèvre rouge,

Et ta douceur à me martyriser,

– Mon Ange ! – ma Gouge !

 

Ouvre ton âme et ton oreille au son

De ma mandoline :

Pour toi j’ai fait, pour toi, cette chanson

Cruelle et câline.

Sérénade - Judith Leyster

Sérénade - Judith Leyster

Partager cet article
Repost0
25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 21:46

 

 

Paul Verlaine (1844-1896) écrivain et poète français.

 

 

Ecoutez la chanson bien douce


Ecoutez la chanson bien douce

Qui ne pleure que pour vous plaire,

Elle est discrète, elle est légère :

Un frisson d'eau sur de la mousse !

 

La voix vous fut connue (et chère ?)

Mais à présent elle est voilée

Comme une veuve désolée,

Pourtant comme elle encore fière,

 

Et dans les longs plis de son voile,

Qui palpite aux brises d'automne.

Cache et montre au coeur qui s'étonne

La vérité comme une étoile.

 

Elle dit, la voix reconnue,

Que la bonté c'est notre vie,

Que de la haine et de l'envie

Rien ne reste, la mort venue.

 

Elle parle aussi de la gloire

D'être simple sans plus attendre,

Et de noces d'or et du tendre

Bonheur d'une paix sans victoire.

 

Accueillez la voix qui persiste

Dans son naïf épithalame.

Allez, rien n'est meilleur à l'âme

Que de faire une âme moins triste !

 

Elle est en peine et de passage,

L'âme qui souffre sans colère,

Et comme sa morale est claire !...

Ecoutez la chanson bien sage.
 

Paul Verlaine (1844-1896) - écrivain et poète français - Ecoutez la chanson bien douce
Partager cet article
Repost0
24 mai 2024 5 24 /05 /mai /2024 23:25


 

 

Paul Verlaine (1844-1896) écrivain et poète français.

 


Clair de lune


Votre âme est un paysage choisi

Que vont charmant masques et bergamasques

Jouant du luth et dansant et quasi

Tristes sous leurs déguisements fantasques.

 

Tout en chantant sur le mode mineur

L'amour vainqueur et la vie opportune,

Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur

Et leur chanson se mêle au clair de lune,

 

Au calme clair de lune triste et beau,

Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres

Et sangloter d'extase les jets d'eau,

Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.
 

Watteau fêtes galantes clair de lune

Watteau fêtes galantes clair de lune

Partager cet article
Repost0
24 mai 2024 5 24 /05 /mai /2024 23:22

 

 

Paul Verlaine (1844-1896) écrivain et poète français.

Jadis et Naguère (1885)

 


Art poétique

 

De la musique avant toute chose,

Et pour cela préfère l’Impair

Plus vague et plus soluble dans l’air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

 

Il faut aussi que tu n’ailles point

Choisir tes mots sans quelque méprise :

Rien de plus cher que la chanson grise

Où l’Indécis au Précis se joint.

 

C’est des beaux yeux derrière des voiles,

C’est le grand jour tremblant de midi,

C’est, par un ciel d’automne attiédi,

Le bleu fouillis des claires étoiles !

 

Car nous voulons la Nuance encor,

Pas la Couleur, rien que la nuance !

Oh ! la nuance seule fiance

Le rêve au rêve et la flûte au cor !

 

Fuis du plus loin la Pointe assassine,

L’Esprit cruel et le Rire impur,

Qui font pleurer les yeux de l’Azur,

Et tout cet ail de basse cuisine !

 

Prends l’éloquence et tords-lui son cou !

Tu feras bien, en train d’énergie,

De rendre un peu la Rime assagie.

Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ?

 

Ô qui dira les torts de la Rime ?

Quel enfant sourd ou quel nègre fou

Nous a forgé ce bijou d’un sou

Qui sonne creux et faux sous la lime ?

 

De la musique encore et toujours !

Que ton vers soit la chose envolée

Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée

Vers d’autres cieux à d’autres amours.

 

Que ton vers soit la bonne aventure

Éparse au vent crispé du matin

Qui va fleurant la menthe et le thym…

Et tout le reste est littérature.
 

Suzor-Coté, Marc-Aurèle de Foy - Poésie, Littérature, Musique  - Collection du Musée national des beaux-arts du Québec

Suzor-Coté, Marc-Aurèle de Foy - Poésie, Littérature, Musique - Collection du Musée national des beaux-arts du Québec

Partager cet article
Repost0
24 mai 2024 5 24 /05 /mai /2024 23:05

 

 

Paul Verlaine (1844-1896) écrivain et poète français.

 


Mandoline


Les donneurs de sérénades

Et les belles écouteuses

Echangent des propos fades

Sous les ramures chanteuses.

 

C'est Tircis et c'est Aminte,

Et c'est l'éternel Clitandre,

Et c'est Damis qui pour mainte

Cruelle fait maint vers tendre.

 

Leurs courtes vestes de soie,

Leurs longues robes à queues,

Leur élégance, leur joie

Et leurs molles ombres bleues

 

Tourbillonnent dans l'extase

D'une lune rose et grise,

Et la mandoline jase

Parmi les frissons de brise.
 

Paul Verlaine (1844-1896) - écrivain et poète français - Mandoline
Partager cet article
Repost0
24 mai 2024 5 24 /05 /mai /2024 22:54

 

 

Friedrich Nietzsche (1844-1900) philosophe, critique culturel, compositeur, poète écrivain et philologue allemand

 


Humain, trop humain.

 

Je commençai par m'interdire, radicalement et par principe, toute musique romantique, cet art ambigu, fanfaron, étouffant, qui prive l'esprit de sa sévérité et de sa joie et qui fait pulluler toutes sortes de désirs confus et d'exigences corrompues. 

 

"Cave musicam", c'est aujourd'hui encore mon conseil à tous ceux qui sont assez virils pour tenir à la netteté dans les choses de l'esprit. 


Une pareille musique énerve, amollit, effémine, son "éternel féminin" nous attire vers le bas!...


Mes premiers soupçons se sont alors dirigés contre la musique romantique, je pris mes précautions : et si j'espérais encore quelque chose de la musique, c'était dans l'attente d'un musicien assez audacieux, assez méchant, assez méridional et débordant de santé pour prendre sur cette musique une immortelle vengeance.
 

Friedrich Nietzsche (1844-1900) philosophe, critique culturel, compositeur, poète écrivain et philologue allemand Humain, trop humain.
Partager cet article
Repost0

 

 

 

 

 

 

 

Recherche

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Catégories

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Evans Jura

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mes Blogs Amis À Visiter