15 décembre 2024 7 15 /12 /décembre /2024 20:20

 

 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français. 

Recueil : Les contemplations (1856).

 


Mes deux filles


Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,

L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe,

Belle, et toutes deux joyeuses, ô douceur !

Voyez, la grande soeur et la petite soeur

Sont assises au seuil du jardin, et sur elles

Un bouquet d'oeillets blancs aux longues tiges frêles,

Dans une urne de marbre agité par le vent,

Se penche, et les regarde, immobile et vivant,

Et frissonne dans l'ombre, et semble, au bord du vase,

Un vol de papillons arrêté dans l'extase.

 

La Terrasse, près Enghien, juin 1842.
 

Renoir - Les Filles de Paul Durand-Ruel, Marie Thérèse et Jeanne

Renoir - Les Filles de Paul Durand-Ruel, Marie Thérèse et Jeanne

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12 décembre 2024 4 12 /12 /décembre /2024 20:50

 

 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français. 

Recueil : Les voix intérieures (1837).

 


À quoi je songe

 

À quoi je songe ? — Hélas ! loin du toit où vous êtes,

Enfants, je songe à vous ! à vous, mes jeunes têtes,

Espoir de mon été déjà penchant et mûr,

Rameaux dont, tous les ans, l'ombre croît sur mon mur,

Douces âmes à peine au jour épanouies,

Des rayons de votre aube encor tout éblouies !

Je songe aux deux petits qui pleurent en riant,

Et qui font gazouiller sur le seuil verdoyant,

Comme deux jeunes fleurs qui se heurtent entre elles,

Leurs jeux charmants mêlés de charmantes querelles !

Et puis, père inquiet, je rêve aux deux aînés

Qui s'avancent déjà de plus de flot baignés,

Laissant pencher parfois leur tête encor naïve,

L'un déjà curieux, l'autre déjà pensive !

 

Seul et triste au milieu des chants des matelots,

Le soir, sous la falaise, à cette heure où les flots,

S'ouvrant et se fermant comme autant de narines,

Mêlent au vent des cieux mille haleines marines,

Où l'on entend dans l'air d'ineffables échos

Qui viennent de la terre ou qui viennent des eaux,

Ainsi je songe ! — à vous, enfants, maisons, famille,

A la table qui rit, au foyer qui pétille,

A tous les soins pieux que répandent sur vous

Votre mère si tendre et votre aïeul si doux !

Et tandis qu'à mes pieds s'étend, couvert de voiles,

Le limpide océan, ce miroir des étoiles,

Tandis que les nochers laissent errer leurs yeux

De l'infini des mers à l'infini des cieux,

Moi, rêvant à vous seuls, je contemple et je sonde

L'amour que j'ai pour vous dans mon âme profonde,

Amour doux et puissant qui toujours m'est resté.

Et cette grande mer est petite à côté !

 

Le 15 juillet 1837.
 

Vladimir Volegov  enfants

Vladimir Volegov enfants

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12 décembre 2024 4 12 /12 /décembre /2024 20:05

 

 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français. 

Recueil : Les feuilles d'automne (1831).

 

 


Lorsque l'enfant paraît

 


Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille

Applaudit à grands cris.

Son doux regard qui brille

Fait briller tous les yeux,

Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,

Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,

Innocent et joyeux.

 

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre

Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre

Les chaises se toucher,

Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.

On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère

Tremble à le voir marcher.

 

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,

De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme

Qui s'élève en priant ;

L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie

Et les poètes saints ! la grave causerie

S'arrête en souriant.

 

La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure

Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,

L'onde entre les roseaux,

Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,

Sa clarté dans les champs éveille une fanfare

De cloches et d'oiseaux.

 

Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine

Qui des plus douces fleurs embaume son haleine

Quand vous la respirez ;

Mon âme est la forêt dont les sombres ramures

S'emplissent pour vous seul de suaves murmures

Et de rayons dorés !

 

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,

Car vos petites mains, joyeuses et bénies,

N'ont point mal fait encor ;

Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,

Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange

À l'auréole d'or !

 

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.

Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.

Vos ailes sont d'azur.

Sans le comprendre encor vous regardez le monde.

Double virginité ! corps où rien n'est immonde,

Âme où rien n'est impur !

 

Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,

Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,

Ses pleurs vite apaisés,

Laissant errer sa vue étonnée et ravie,

Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie

Et sa bouche aux baisers !

 

Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,

Frères, parents, amis, et mes ennemis même

Dans le mal triomphants,

De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,

La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,

La maison sans enfants !

 

Mai 1830.
 

Albert Anker - Vieillard et deux enfants - 1881

Albert Anker - Vieillard et deux enfants - 1881

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11 décembre 2024 3 11 /12 /décembre /2024 20:34

 

 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français. 

Recueil : Les contemplations

 

A la mère de l’enfant mort

 

Oh! vous aurez trop dit au pauvre petit ange

Qu’il est d’autres anges là-haut,

Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n’y change,

Qu’il est doux d’y rentrer bientôt;

 


Que le ciel est un dôme aux merveilleux pilastres,

Une tente aux riches couleurs,

Un jardin bleu rempli de lis qui sont des astres,

Et d’étoiles qui sont des fleurs;

 

Que c’est un lieu joyeux plus qu’on ne saurait dire,

Où toujours, se laissant charmer,

On a les chérubins pour jouer et pour rire,

Et le bon Dieu pour nous aimer;

 


Qu’il est doux d’être un coeur qui brûle comme un cierge,

Et de vivre, en toute saison,

Près de l’enfant Jésus et de la sainte Vierge

Dans une si belle maison !

 

Et puis vous n’aurez pas assez dit, pauvre mère,

A ce fils si frêle et si doux,

Que vous étiez à lui dans cette vie amère,

Mais aussi qu’il était à vous;

 


Que, tant qu’on est petit, la mère sur nous veille,

Mais que plus tard on la défend;

Et qu’elle aura besoin, quand elle sera vieille,

D’un homme qui soit son enfant;

 

Vous n’aurez point assez dit à cette jeune âme

Que Dieu veut qu’on reste ici-bas,

La femme guidant l’homme et l’homme aidant la femme,

Pour les douleurs et les combats ;

 

Si bien qu’un jour, ô deuil ! irréparable perte !

Le doux être s’en est allé !… –

Hélas ! vous avez donc laissé la cage ouverte,

Que votre oiseau s’est envolé !
 

Giuseppe Molteni - Mère pleurant la mort de son enfant

Giuseppe Molteni - Mère pleurant la mort de son enfant

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9 décembre 2024 1 09 /12 /décembre /2024 20:42

 

 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français. 

Recueil : Les contemplations

 


A ma fille


O mon enfant, tu vois, je me soumets.

Fais comme moi : vis du monde éloignée ;

Heureuse ? non ; triomphante ? jamais.

— Résignée ! —

 


Sois bonne et douce, et lève un front pieux.

Comme le jour dans les cieux met sa flamme,

Toi, mon enfant, dans l’azur de tes yeux

Mets ton âme !

 

Nul n’est heureux et nul n’est triomphant.

L’heure est pour tous une chose incomplète ;

L’heure est une ombre, et notre vie, enfant,

En est faite.

 


Oui, de leur sort tous les hommes sont las.

Pour être heureux, à tous, — destin morose ! —

Tout a manqué. Tout, c’est-à-dire, hélas !

Peu de chose.

 

Ce peu de chose est ce que, pour sa part,

Dans l’univers chacun cherche et désire:

Un mot, un nom, un peu d’or, un regard,

Un sourire !

 


La gaîté manque au grand roi sans amours ;

La goutte d’eau manque au désert immense.

L’homme est un puits où le vide toujours

Recommence.

 

Vois ces penseurs que nous divinisons,

Vois ces héros dont les fronts nous dominent,

Noms dont toujours nos sombres horizons

S’illuminent !

 


Après avoir, comme fait un flambeau,

Ébloui tout de leurs rayons sans nombre,

Ils sont allés chercher dans le tombeau

Un peu d’ombre.

 

Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,

Prend en pitié nos jours vains et sonores.

Chaque matin, il baigne de ses pleurs

Nos aurores.

 

Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,

Sur ce qu’il est et sur ce que nous sommes ;

Une loi sort des choses d’ici-bas,

Et des hommes !

 

Cette loi sainte, il faut s’y conformer.

Et la voici, toute âme y peut atteindre :

Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,

Ou tout plaindre !
 

Adèle à la cerise - , Louis Candide Boulanger (1806-1867)

Adèle à la cerise - , Louis Candide Boulanger (1806-1867)

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8 décembre 2024 7 08 /12 /décembre /2024 21:40

 

 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français. 

 


À ma fille Adèle

 

Tout enfant, tu dormais près de moi, rose et fraîche,

Comme un petit Jésus assoupi dans sa crèche ;

Ton pur sommeil était si calme et si charmant

Que tu n’entendais pas l’oiseau chanter dans l’ombre ;

Moi, pensif, j’aspirais toute la douceur sombre

Du mystérieux firmament.

 

Et j’écoutais voler sur ta tête les anges ;

Et je te regardais dormir ; et sur tes langes

J’effeuillais des jasmins et des oeillets sans bruit ;

Et je priais, veillant sur tes paupières closes ;

Et mes yeux se mouillaient de pleurs, songeant aux choses

Qui nous attendent dans la nuit.

 


Un jour mon tour viendra de dormir ; et ma couche,

Faite d’ombre, sera si morne et si farouche

Que je n’entendrai pas non plus chanter l’oiseau ;

Et la nuit sera noire ; alors, ô ma colombe,

Larmes, prière et fleurs, tu rendras à ma tombe

Ce que j’ai fait pour ton berceau.
 

Victor Hugo (1802-1885) - poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français - À ma fille Adèle
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7 décembre 2024 6 07 /12 /décembre /2024 13:28

 

 

Alphonse de Lamartine (1790-1869) poète, romancier, dramaturge et historien français.

Recueil : Méditations poétiques (1820).

 


À un enfant, fille du poète

 

Céleste fille du poète,

La vie est un hymne à deux voix.

Son front sur le tien se reflète,

Sa lyre chante sous tes doigts.

 

Sur tes yeux quand sa bouche pose

Le baiser calme et sans frisson,

Sur ta paupière blanche et rose

Le doux baiser à plus de son.

 

Dans ses bras quand il te soulève

Pour te montrer au ciel jaloux,

On croit voir son plus divin rêve

Qu'il caresse sur ses genoux !

 

Quand son doigt te permet de lire

Les vers qu'il vient de soupirer,

On dirait l'âme de sa lyre

Qui se penche pour l'inspirer.

 

Il récite ; une larme brille

Dans tes yeux attachés sur lui.

Dans cette larme de sa fille

Son cœur nage ; sa gloire a lui !

 

Du chant que ta bouche répète

Son cœur ému jouit deux fois.

Céleste fille du poète,

La vie est une hymne à deux voix.

Souvenir de Lamartine - Céleste fille du poète

Souvenir de Lamartine - Céleste fille du poète

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7 décembre 2024 6 07 /12 /décembre /2024 13:04

 

 

Alphonse de Lamartine (1790-1869) poète, romancier, dramaturge et historien français.


Recueil : Harmonies poétiques et religieuses

 

 

Milly ou la terre natale (II)


Voilà le banc rustique où s’asseyait mon père,

La salle où résonnait sa voix mâle et sévère,

Quand les pasteurs assis sur leurs socs renversés

Lui comptaient les sillons par chaque heure tracés,

Ou qu’encor palpitant des scènes de sa gloire,

De l’échafaud des rois il nous disait l’histoire,

Et, plein du grand combat qu’il avait combattu,

En racontant sa vie enseignait la vertu !

Voilà la place vide où ma mère à toute heure

Au plus léger soupir sortait de sa demeure,

Et, nous faisant porter ou la laine ou le pain,

Vêtissait l’indigence ou nourrissait la faim ;

Voilà les toits de chaume où sa main attentive

Versait sur la blessure ou le miel ou l’olive,

Ouvrait près du chevet des vieillards expirants

Ce livre où l’espérance est permise aux mourants,

Recueillait leurs soupirs sur leur bouche oppressée,

Faisait tourner vers Dieu leur dernière pensée,

Et tenant par la main les plus jeunes de nous,

A la veuve, à l’enfant, qui tombaient à genoux,

Disait, en essuyant les pleurs de leurs paupières :

Je vous donne un peu d’or, rendez-leur vos prières !

 

Voilà le seuil, à l’ombre, où son pied nous berçait,

La branche du figuier que sa main abaissait,

Voici l’étroit sentier où, quand l’airain sonore

Dans le temple lointain vibrait avec l’aurore,

Nous montions sur sa trace à l’autel du Seigneur

Offrir deux purs encens, innocence et bonheur !

C’est ici que sa voix pieuse et solennelle

Nous expliquait un Dieu que nous sentions en elle,

Et nous montrant l’épi dans son germe enfermé,

La grappe distillant son breuvage embaumé,

La génisse en lait pur changeant le suc des plantes,

Le rocher qui s’entr’ouvre aux sources ruisselantes,

La laine des brebis dérobée aux rameaux

Servant à tapisser les doux nids des oiseaux,

Et le soleil exact à ses douze demeures,

Partageant aux climats les saisons et les heures,

Et ces astres des nuits que Dieu seul peut compter,

Mondes où la pensée ose à peine monter,

Nous enseignait la foi par la reconnaissance,

Et faisait admirer à notre simple enfance

Comment l’astre et l’insecte invisible à nos yeux

Avaient, ainsi que nous, leur père dans les cieux !

Ces bruyères, ces champs, ces vignes, ces prairies,

Ont tous leurs souvenirs et leurs ombres chéries.

Là, mes soeurs folâtraient, et le vent dans leurs jeux

Les suivait en jouant avec leurs blonds cheveux !

Là, guidant les bergers aux sommets des collines,

J’allumais des bûchers de bois mort et d’épines,

Et mes yeux, suspendus aux flammes du foyer,

Passaient heure après heure à les voir ondoyer.

Là, contre la fureur de l’aquilon rapide

Le saule caverneux nous prêtait son tronc vide,

Et j’écoutais siffler dans son feuillage mort

Des brises dont mon âme a retenu l’accord.

Voilà le peuplier qui, penché sur l’abîme,

Dans la saison des nids nous berçait sur sa cime,

Le ruisseau dans les prés dont les dormantes eaux

Submergeaient lentement nos barques de roseaux,

Le chêne, le rocher, le moulin monotone,

Et le mur au soleil où, dans les jours d’automne,

je venais sur la pierre, assis près des vieillards,

Suivre le jour qui meurt de mes derniers regards !

Tout est encor debout; tout renaît à sa place :

De nos pas sur le sable on suit encor la trace ;

Rien ne manque à ces lieux qu’un coeur pour en jouir,

Mais, hélas ! l’heure baisse et va s’évanouir.

 

La vie a dispersé, comme l’épi sur l’aire,

Loin du champ paternel les enfants et la mère,

Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts

D’où l’hirondelle a fui pendant de longs hivers !

Déjà l’herbe qui croît sur les dalles antiques

Efface autour des murs les sentiers domestiques

Et le lierre, flottant comme un manteau de deuil,

Couvre à demi la porte et rampe sur le seuil ;

Bientôt peut-être ! écarte, ô mon Dieu ! ce présage !

Bientôt un étranger, inconnu du village,

Viendra, l’or à la main, s’emparer de ces lieux

Qu’habite encor pour nous l’ombre de nos aïeux,

Et d’où nos souvenirs des berceaux et des tombes

S’enfuiront à sa voix, comme un nid de colombes

Dont la hache a fauché l’arbre dans les forêts,

Et qui ne savent plus où se poser après !
 

Alphonse de Lamartine (1790-1869) - poète, romancier, dramaturge et historien français - Milly ou la terre natale (II)
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6 décembre 2024 5 06 /12 /décembre /2024 20:27

 

 

Alphonse de Lamartine (1790-1869) poète, romancier, dramaturge et historien français.

Recueil : Harmonies poétiques et religieuses


 

Hymne de l’enfant à son réveil


Ô père qu’adore mon père!

Toi qu’on ne nomme qu’à genoux!

Toi, dont le nom terrible et doux

Fait courber le front de ma mère!


On dit que ce brillant soleil

N’est qu’un jouet de ta puissance;

Que sous tes pieds il se balance

Comme une lampe de vermeil.

 

On dit que c’est toi qui fais naître

Les petits oiseaux dans les champs,

Et qui donne aux petits enfants

Une âme aussi pour te connaître!

 


On dit que c’est toi qui produit

Les fleurs dont le jardin se pare,

Et que, sans toi, toujours avare,

Le verger n’aurait point de fruits.

 

Aux dons que ta bonté mesure

Tout l’univers est convié;

Nul insecte n’est oublié

À ce festin de la nature.

 


L’agneau broute le serpolet,

La chèvre s’attache au cytise,

La mouche au bord du vase puise

Les blanches gouttes de mon lait!

 

L’alouette a la graine amère

Que laisse envoler le glaneur,

Le passereau suit le vanneur,

Et l’enfant s’attache à sa mère.

 

Et, pour obtenir chaque don,

Que chaque jour tu fais éclore,

À midi, le soir, à l’aurore,

Que faut-il ? prononcer ton nom !

 

Ô Dieu ! ma bouche balbutie

Ce nom des anges redouté.

Un enfant même est écouté

Dans le choeur qui te glorifie !

 

 

On dit qu'il aime à recevoir

Les voeux présentés par l'enfance,

À cause de cette innocence

Que nous avons sans le savoir.

 

On dit que leurs humbles louanges

A son oreille montent mieux,

Que les anges peuplent les cieux,

Et que nous ressemblons aux anges !

 

Ah ! puisqu'il entend de si loin

Les voeux que notre bouche adresse,

Je veux lui demander sans cesse

Ce dont les autres ont besoin.

 

Mon Dieu, donne l'onde aux fontaines,

Donne la plume aux passereaux,

Et la laine aux petits agneaux,

Et l'ombre et la rosée aux plaines.

 

Donne au malade la santé,

Au mendiant le pain qu'il pleure,

À l'orphelin une demeure,

Au prisonnier la liberté.

 

Donne une famille nombreuse

Au père qui craint le Seigneur,

Donne à moi sagesse et bonheur,

Pour que ma mère soit heureuse !

 

Que je sois bon, quoique petit,

Comme cet enfant dans le temple,

Que chaque matin je contemple,

Souriant au pied de mon lit.

 

Mets dans mon âme la justice,

Sur mes lèvres la vérité,

Qu'avec crainte et docilité

Ta parole en mon coeur mûrisse !

 

Et que ma voix s'élève à toi

Comme cette douce fumée

Que balance l'urne embaumée

Dans la main d'enfants comme moi !

Le lever - William Adolphe Bouguereau

Le lever - William Adolphe Bouguereau

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6 décembre 2024 5 06 /12 /décembre /2024 20:13

 

 

Alexandre Soumet (1786-1845) poète et dramaturge français 

 


Les enfants au paradis


...

Sous les arbres de nard, d'aloès et de baume,

Chaque souffle de l'air, dans ce flottant royaume,

Est un enfant qui vole, un enfant qui sourit

Au doux lait virginal dont le flot le nourrit ;

Un enfant, chaque fleur de la sainte corbeille ;

Chaque étoile, un enfant ; un enfant, chaque abeille.

Le fleuve y vient baigner leurs groupes triomphants ;

L'horizon s'y déroule en nuages d'enfants,

Plus beaux que tout l'éclat des vapeurs fantastiques

Dont le couchant superbe enflamme ses portiques.

[...]
 

Alexandre Soumet (1786-1845) - poète et dramaturge français - Les enfants au paradis
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