4 décembre 2024 3 04 /12 /décembre /2024 20:57

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


À une mère qui pleure aussi

 

Qui sait si votre enfant qui flotte dans vos larmes,

Dont votre cœur profond nourrit les jeunes charmes,

(Seul cœur qui de l’oubli le sauve et le défend)

N’a pas, au seuil de Dieu, rencontré mon enfant ?

 

Qui sait si leurs mains d’ange, un moment réunies,

N’ont pas pesé là-haut nos peines infinies,

Et, pleurant de l’amour qu’on leur garde en ce lieu,

N’ont pas compté nos pleurs pour les offrir à Dieu ?

 

Qui sait ! Je sais au moins qu’en vous voyant, Madame,

Une tendre nouvelle a rafraîchi mon âme,

Comme si mon enfant, puissante avec douceur,

À mon deuil éternel amenait une sœur.

 

Si c’est sa volonté, qu’elle soit accomplie !…

Rien ne relèvera notre destin qui plie.

Mais dans le deuil d’amour qui vient de nous lier,

Apprenons qu’il est doux de ne pas oublier !
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - À une mère qui pleure aussi
Partager cet article
Repost0
4 décembre 2024 3 04 /12 /décembre /2024 20:28

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française


 

L’Enfant triste

 

Pauvre enfant, dans un jour d’effroi,

L’amour a-t-il semé ta vie ?

Tonnait-il fort ? faisait-il froid ?

N’entendait-on pas le beffroi ?

Ta jeune mère eut-elle envie

De mourir, dans ce jour d’effroi ?

 

Chargés d’un vague souvenir,

Tes yeux tristes, mais sans colère,

Se détournent de l’avenir.

Est-ce l’enfant qu’il doit punir ?

Y vois-tu luire une lumière

Qui réponde à ton souvenir ?

 

Augure du jaloux amour,

Ta poupée en tes bras cachée,

Objet d’un culte sans retour,

 

Sous tes soins ardents chaque jour

Est-elle à ton cœur attachée,

L’augure du jaloux amour ?
 

 Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - L’Enfant triste
Partager cet article
Repost0
3 décembre 2024 2 03 /12 /décembre /2024 20:45

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


La fileuse et l'enfant

 

J’appris à chanter en allant à l’école :

Les enfants joyeux aiment tant les chansons !

Ils vont les crier au passereau qui vole ;

Au nuage, au vent, ils portent la parole,

Tout légers, tout fiers de savoir des leçons.

 

La blanche fileuse à son rouet penchée

Ouvrait ma jeune âme avec sa vieille voix

Lorsque j’écoutais, toute lasse et fâchée,

Toute buissonnière en un saule cachée,

Pour mon avenir ces thèmes d’autrefois.

 

Elle allait chantant d’une voix affaiblie,

Mêlant la pensée au lin qu’elle allongeait ;

Courbée au travail comme un pommier qui plie ;

Oubliant son corps d’où l’âme se délie ;

Moi, j’ai retenu tout ce qu’elle songeait :

 

— "Ne passez jamais devant l’humble chapelle

Sans y rafraîchir les rayons de vos yeux.

Pour vous éclairer c’est Dieu qui vous appelle ;

Son nom dit le monde à l’enfant qui l’épèle,

Et c’est, sans mourir, une visite aux cieux.

 

"Ce nom, comme un feu, mûrira vos pensées,

Semblable au soleil qui mûrit les bleds d’or ;

Vous en formerez des gerbes enlacées

Pour les mettre un jour sous vos têtes lassées

Comme un faible oiseau qui chante et qui s’endort.

 

"N’ouvrez pas votre aile aux gloires défendues ;

De tous les lointains juge-t-on la couleur ?

Les voix sans écho sont les mieux entendues ;

Dieu tient dans sa main les clefs qu’on croit perdues ;

De tous les secrets lui seul sait la valeur.

 

"Quand vous respirez un parfum délectable,

Ne demandez pas d’où vient ce souffle pur.

Tout parfum descend de la divine table ;

L’abeille en arrive, artiste infatigable,

Et son miel choisi tombe aussi de l’azur.

 

"L’été, lorsqu’un fruit fond sous votre sourire,

Ne demandez pas : Ce doux fruit, qui l’a fait ?

Vous direz : C’est Dieu, Dieu par qui tout respire !

En piquant le mil l’oiseau sait bien le dire,

Le chanter aussi par un double bienfait.

 

"Si vous avez peur lorsque la nuit est noire,

Vous direz : Mon Dieu, je vois clair avec vous !

Vous êtes la lampe au fond de ma mémoire ;

Vous êtes la nuit, voilé dans votre gloire ;

Vous êtes le jour et vous brillez pour nous !

 

"Si vous rencontrez un pauvre sans baptême,

Donnez-lui le pain que l’on vous a donné.

Parlez-lui d’amour comme on fait à vous-même ;

Dieu dira : C’est bien ! Voilà l’enfant que j’aime :

S’il s’égare un jour, il sera pardonné.

 

"Voyez-vous passer dans sa tristesse amère

Une femme seule et lente à son chemin,

Regardez-la bien et dites : C’est ma mère,

Ma mère qui souffre ! — honorez sa misère,

Et soutenez-la du cœur et de la main.

 

"Enfin faites tant et si souvent l’aumône,

Qu’à ce doux travail ardemment occupé

Quand vous vieillirez — tout vieillit, Dieu l’ordonne,

Quelque ange en passant vous touche et vous moissonne

Comme un lys d’argent pour la Vierge coupé.

 

"Les ramiers s’en vont où l’été les emmène ;

L’eau court après l’eau qui fuit sans s’égarer.

Le chêne grandit sous le bras du grand chêne,

L’homme revient seul où son cœur le ramène,

Où les vieux tombeaux l’attirent pour pleurer."

 

— J’appris tous ces chants en allant à l’école :

Les enfants joyeux aiment tant les chansons !

Ils vont les crier au passereau qui vole ;

Au nuage, au vent, ils portent la parole,

Tout légers, tout fiers de savoir des leçons.
 

Ferdinand Marohn 1839-1865) la fileuse et l'enfant

Ferdinand Marohn 1839-1865) la fileuse et l'enfant

Partager cet article
Repost0
3 décembre 2024 2 03 /12 /décembre /2024 20:16

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

 


Le chien et l’enfant

 

Enfant, d’une pierre lancée

Ne blesse pas le chien courant !

Que savons-nous si la pensée

N’anime pas ce corps errant ?

Peut-être un grand instinct le presse

Vers la prison qu’il sent là-bas…

Enfant, n’ayons qu’une caresse

Pour le chien qui ne nous mord pas !

 

Gardien de nos maisons ouvertes.

Sentinelle de vos berceaux,

C’est l’ami qui des tombes vertes

Visite les froids arbrisseaux.

Là, de son passé qui l’oppresse

À qui donc se plaint-il tout bas ?

Enfant, n’ayons qu’une caresse

Pour le chien qui ne nous mord pas.

 


Hôte de la pauvre chaumière

Où s’éteignent d’humbles vieillards,

De l’aveugle il est la lumière,

Éclairant ses mornes hasards.

Par sa vigilante tendresse,

Vois comme il avertit ses pas ?

Enfant, n’ayons qu’une caresse

Pour le chien qui ne nous mord pas

 

Si le glaive ardent de la guerre

Frappe son maître tout armé,

Si la sentence militaire

Brise un front qu’il a tant aimé,

Perçant la foule qui s’empresse,

Il fait pleurer les vieux soldats…

Enfant, n’ayons qu’une caresse

Pour le chien qui ne nous mord pas
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Le chien et l’enfant
Partager cet article
Repost0
2 décembre 2024 1 02 /12 /décembre /2024 21:01

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

Bouquets et prières, 1843 

 


L’Enfant amateur d’Oiseaux

 

Écoute, oiseau ! je t’aime et je voudrais te prendre,

Pour ton bien ! Seul au toît, comment peux-tu chanter ?

Moi, quand je suis tout seul, je m’en vais : s’arrêter

C’est attendre ou dormir ; et courir, c’est apprendre ;

Viens courir ! je t’invite à mon jardin très grand ;

Plus grand que cette plaine et qui sent bon les roses :

Mon père y va chanter ses rimes et ses proses ;

Ma mère y tend son linge et le lave au courant ;

 

Moi j’y vis en tous sens, comme l’oiseau qui vole ;

Je monte aux murs en fleurs, aux fruits plantés pour moi :

Viens ! je partagerai les plus beaux avec toi ;

Viens ! nous partagerons tout, excepté l’école.

Depuis que je t’ai vu pour la première fois,

Je ne fais que chanter pour imiter ta voix.

Oh ! les hommes devraient chanter au lieu d’écrire !

L’encre et les lourds papiers les empêchent de rire.

Oiseau ! tu chanterais pour moi si tu m’aimais :

Mais, tu t’en vas toujours, et tu ne viens jamais !

 

Viens : sois reconnaissant. Je tiendrai ta fontaine

De verre toujours fraîche et, sois sûr, toujours pleine.

L’école, c’est ma mort : jamais tu n’y viendras.

Je serais bien fâché d’y faire aller personne !

Je n’ai jamais sommeil que quand l’école sonne.

Toi, sans penser à rien, libre, tu m’attendras

Dans ta cage : elle est neuve et solide et cachée

Sous la vigne flottante autour de ma maison ;

Tu verras le soleil descendre à l’horizon

Et tu diras le jour à ma mère couchée.

 

Tu n’as vu nulle part de nid mieux fait, plus vert ;

Plus frais quand on a chaud ; plus chaud quand c’est l’hiver.

Tout s’y trouve : on y peut loger un grand ménage

D’oiseau. C’est un palais !

 

L’oiseau.

Oui, mais c’est une cage :

Et pour mes goûts d’oiseau, mon garçon, j’aime mieux 

Les cieux !

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  - poétesse française - L’Enfant amateur d’Oiseaux
Partager cet article
Repost0
2 décembre 2024 1 02 /12 /décembre /2024 20:26

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

Recueil : Mélanges (1830)

 


Le petit menteur

 

Venez bien près, plus près, qu'on ne puisse m'entendre.

Un bruit vole sur vous, mais qu'il est peu flatteur !

Votre mère en est triste ; elle vous est si tendre !

On dit, mon cher amour, que vous êtes menteur.

 

Au lieu d'apprendre en paix la leçon qu'on vous donne,

Vous faites le plaintif, vous traînez votre voix,

Et vous criez très haut : Hé ! ma bonne ! ma bonne !

L'écho, qui me dit tout, m'en a parlé deux fois.

 

Vous avez effrayé cette bonne attentive.

Et, pour vous secourir,

Près de vous, toute pâle, on l'a vue accourir :

Hélas ! vous avez ri de sa bonté craintive,

Enfant ! vous avez ri ! quelle douleur pour nous !

On ne croira donc plus à vos jeunes alarmes ?

Si j'avais eu ce tort, j'irais à deux genoux

Lui demander pardon d'avoir ri de ses larmes ;

J'irais... Ne pleurez pas ; causons avant d'agir ;

Écoutez une histoire, et jugez-la vous-même :

Cachez-vous cependant sur ce coeur qui vous aime ;

Je rougis de vous voir rougir.

 

" Au loup ! au loup ! à moi ! " criait un jeune pâtre ;

Et les bergers entr'eux suspendaient leurs discours.

Trompé par les clameurs du rustique folâtre,

Tout venait, jusqu'aux chiens, tout volait au secours.

Ayant de tant de cours éveillé le courage,

Tirant l'un du sommeil, et l'autre de l'ouvrage,

Il se mettait à rire, il se croyait bien fin :

" Je suis loup, " disait-il. Mais attendez la fin.

Un jour que les bergers, au fond d'une vallée,

Appelant la gaîté sur leurs aigres pipeaux,

Confondaient leurs repas, leurs chansons, leurs troupeaux,

Et de leurs pieds joyeux pressaient l'herbe foulée

" Au loup ! au loup ! à moi ! " dit le jeune garçon ;

" Au loup ! " répéta-t-il d'une voix lamentable.

Pas un n'abandonna la danse ni la table :

" Il est loup, dirent-ils ; à d'autres la leçon. "

 

Et toutefois le loup dévorait la plus belle

De ses belles brebis ;

Et pour punir l'enfant qu'il traitait de rebelle,

Il lui montrait les dents, et rompait ses habits :

Et le pauvre menteur, élevant ses prières,

N'attristait que l'écho ; ses cris n'amenaient rien.

Tout riait, tout dansait au loin dans les bruyères :

 


" Eh quoi ! pas un ami, dit-il, pas même un chien ! "

On ajoute, et vraiment, c'est pitié de le croire !

Qu'il serrait la brebis dans ses deux bras tremblants ;

Et, quand il vint en pleurs raconter son histoire,

On vit que ses deux bras étaient nus et sanglants.

" Il ne ment pas, dit-on, il tremble ! il saigne ! il pleure !

Quoi ! c'est donc vrai, Colas ? " Il s'appelait Colas.

 

"Nous avons bien ri tout à l'heure ;

Et la brebis est morte ! elle est mangée...hélas ! "

On le plaignit. Un rustre, insensible à ses larmes.

Lui dit : " Tu fus menteur, tu trompas notre effroi :

Or, s'il m'avait trompé, le menteur fût-il roi,

Me crierait vainement aux armes. "

 

Et vous n'êtes pas roi, mon ange, et vous mentez !

Ici, pas un flatteur dont la voix vous abuse ;

Vous n'avez point d'excuse.

Quand vous aurez perdu tous les cours révoltés,

Vous ne direz qu'à moi votre souffrance amère,

Car on ne ment pas à sa mère.

Tout s'enfuira de vous, j'en pleurerai tout bas ;

Vous n'aurez plus d'amis, je n'aurai plus de joie :

Que ferons-nous alors ? Oh ! ne vous cachez pas !

Prenez un peu courage, enfant ; que je vous voie ;

Vous me touchez le coeur, j'y sens votre pardon ;

Allez, petit chéri, ne trompez plus personne ;

Soyez sage, aimez Dieu, priez qu'il vous pardonne ;

Il est père, il est bon !
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Le petit menteur
Partager cet article
Repost0
29 novembre 2024 5 29 /11 /novembre /2024 20:16

 

 

Marceline Desbordes-Valmore(1786-1859) poétesse française 

 

 

Le petit mécontent

 

Mère, je veux crier et faire un grand tapage.

Comment, je ne peux pas tous les jours être sage !

Non, mère, c’est trop long tous les jours, tous les jours !

Le monsieur l’a bien dit : "Rien ne dure toujours."

Tant mieux ! je vais m’enfuir et crier comme George.

Qui m’en empêchera ?

— Personne. À pleine gorge,

Vous pouvez, cher ami, vous donner ce régal.

Mais vous serez malade…

— Oh ! cela m’est égal :

George ne meurt jamais.

— George afflige sa mère.

Un enfant mal appris est une joie amère.

— Je reviendrai t’aimer.

— M’aimer sans m’obéir ?

Déserter ton devoir, enfant, c’est me trahir.

Je crains, moi, qu’avant peu personne ne vous aime,

Et vous vous ferez peur tout seul avec vous-même.

— Non ! George n’a pas peur dans le cabinet noir.

 

Il dit que c’est tout brun comme quand c’est le soir ;

Pas plus. Et puis il chante à travers la serrure ;

Il se moque des grands, il fait le coq, il jure.

C’est brave de chanter sans jour et sans flambeau !

Je veux être méchant pour voir.

— Ce sera beau !

— Je veux être grondé : gronde donc.

— Pourquoi faire ?

Vous me faites pitié.

— Je suis las de me taire !

J’ai cassé mon cheval ; j’ai mis de l’encre à tout ;

Regarde ma figure !

— Oui, c’est laid jusqu’au bout.

Mais qui vous a donné ce faux air de courage ?

Hier encor, priant Dieu qu’il vous rendît bien sage,

Vous vouliez ressembler à notre vieux cousin.

— Je n’avais pas été chez le petit voisin.

Il bat des pieds très-bien quand on le contrarie ;

Il ne dit pas bonjour, même quand on l’en prie !…

Ah ! ah ! c’est qu’on est fier d’être mis en prison !

— Beaucoup de grands enfants y perdent la raison.

Pour leurs mères surtout c’est une triste gloire !

Restez libre et soumis, si vous voulez m’en croire.

Moi, je n’ai point de cage où mettre mon enfant ;

Pas même les oiseaux, mon cœur me le défend.

 

Vous n’obtiendrez de moi ni prison, ni colère,

Et j’attendrai, de loin, que le temps vous éclaire.

— De loin ?

— Battez des pieds, poussez des cris affreux,

Devenez comme George un petit malheureux,

Vous en aurez la honte au grand jour.

— Quelle honte ?

George rit ; je rirai…

— Nous voici loin de compte.

Si vous ne craignez pas de rougir devant Dieu,

Il faudra, mon enfant, bientôt nous dire adieu.

À vivre sans honneur, moi, je ne puis prétendre,

Et si vous n’étiez pas ma gloire la plus tendre,

À la mère de George il faudrait ressembler.

— Oh ! non, ressemble-toi !

— Son sort me fait trembler.

Loin de la saluer, quand cette femme passe,

On se détourne d’elle, on lui fait de l’espace,

On va de porte en porte en chuchotant tout bas :

'Elle a gâté son fruit, ne la saluons pas ! "

Le fruit accuse l’arbre, et l’on juge, et le blâme

Tombera sur la mère et non sur la jeune âme

Qu’elle a laissé corrompre. On est plein de rigueur.

— Que dit-on de la dame ?

— On dit qu’elle est sans cœur.

 

Voyez comme elle est triste au fond de sa faiblesse !

Le monde la méprise et son enfant la blesse !

Ô mère humiliée en votre unique amour,

Je vous plaignis souvent : me plaindrez-vous un jour ?

— Pardon !… je ne veux pas te voir humiliée…

Pardon ! pardon ! Je veux que tu sois saluée !

Mère, je serai bon comme le vieux cousin !

Mère, je n’irai plus chez le petit voisin ! "

 

La mère tressaillit dans une vive étreinte ;

L’enfant ne cria plus ; il fut bon sans contrainte.

Et quand on saluait cette mère en chemin,

Il rougissait de joie et lui serrait la main !
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Le petit mécontent
Partager cet article
Repost0
22 novembre 2024 5 22 /11 /novembre /2024 22:31


 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française 

 


Le petit brutal

 

J’ai vu bien des enfants mal éclos dans ma vie ;

J’en ai tant vu, tant vu que les yeux m’en font mal !

Mais ils valaient de l’or près du petit brutal

Qui, de ne pas l’aimer, me donnerait l’envie.

 

Il faut aimer pourtant : que faire de son cœur ?

Quand il serait encor plus hardi, plus moqueur,

Il faut en le grondant lui faire une caresse

El le changer peut-être à force de tendresse.

Gronder n’est pas si beau.

— " Viens donc, mon pauvre enfant,

Ma raison te pardonne et mon cœur te défend.

La malice est un dard que l’indulgence émousse.

Bonjour ! Prends cette orange… Elle est mûre, elle est douce ;

Fais-en ce que tu veux ; je la gardais pour toi :

Un jour, pour quelque enfant tu feras comme moi.

Tu ne dis pas merci ?

— Non.

— Pourquoi donc ?

— Je mange.

 

— Et tu ne m’aimes pas un peu ?

— J’aime l’orange.

— Tu n’es pas dans ton tort. Mais poursuis ton chemin

Sois libre comme l’air.

— Je t’aimerai demain.

— Je le sais mieux que toi, ton regard me l’assure ;

Comme un petit serpent tu guéris ta morsure.


....................


— Je n’aime pas le grand qui me fait de grands yeux,

El qui lève toujours sa canne sur ma tête.

C’est un laid, c’est un noir, c’est une grosse bête !

Quand il sera petit et que je serai grand,

Nous verrons !

— Ne peux-tu l’éviter en courant ;

Et le laisser partir sans que tu te déranges ?

On se distrait d’ailleurs en mangeant des oranges.

C’est si bon, d’être bon, d’être gai, franc, loyal,

Et d’être pardonné quand on a fait le mal !

Dieu m’a traitée ainsi lorsque j’étais méchante :

Cette bonté toujours me rend bonne et m’enchante !

— Vous avez donc crié ?

— Tais-toi, c’était affreux !

Et les petits enfants se regardaient entre eux.

J’arrachais les fruits verts, je marchais sur les roses ;

Je faisais, comme toi, de très-vilaines choses.

 

Et l’on me détestait.

— C’est drôle !

— C’est bien plus,

C’est bête, et l’on s’en moque aux livres que j’ai lus.

Lis-tu beaucoup ?

— Jamais ! Je déchire la page.

Quand vous étiez méchante, aimiez-vous le tapage ?

— À t’en donner l’horreur. Tu verras !

— Je verrai.

— Viens, nous en causerons comme amis.

— Je viendrai,

Mais quand ?

— À la belle heure avec toi reparue.

— Ah ! c’est que j’ai beaucoup d’affaires dans la rue !

— Ne te gêne donc pas et viens quand tu voudras.

Je me confesserai : toi, tu me jugeras. "

 

Il vint, et de lui-même ouvrant d’un coup la porte

Il y passait sa tête aimable ou non, n’importe,

Et tenté par un charme, une histoire, un doux fruit,

Il oubliait de battre et de faire du bruit.
 

Ludwig Knaus - enfant avec une orange

Ludwig Knaus - enfant avec une orange

Partager cet article
Repost0
22 novembre 2024 5 22 /11 /novembre /2024 22:25

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) Poétesse française

 


Ouvrez aux enfants


 
Les enfants sont venus vous demander des roses :

              Il faut leur en donner.

— Mais les petits ingrats détruisent toutes choses....

              — Il faut leur pardonner


 
Tout printemps est leur fête et tout jardin leur table ;

              Qu’ils prennent à loisir !

Ils nous devront du moins, souvenir délectable !

              D’avoir eu du plaisir !


 
Demain nous glanerons les roses répandues,

              Trésor du jardin vert ;

Ces haleines d’été ne seront pas perdues

              Pour embaumer l’hiver.


 
Ouvrez donc aux enfants qui demandent des roses :

              Il faut leur en donner ;

Et si l’instinct les pousse à briser toutes choses,

              Il faut leur pardonner !
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - Poétesse française - Ouvrez aux enfants
Partager cet article
Repost0
22 novembre 2024 5 22 /11 /novembre /2024 21:54

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française . 


Le petit oiseleur

 

La mère

Vous voilà bien riant, mon amour ! quelle joie !

Comme un petit chasseur, traînez-vous quelque proie ?

Sous ce fragile osier cachez-vous un trésor ?

 

L’enfant

C’est un oiseau du ciel ; il a des plumes d’or.

Il reposait son vol au bord de la fontaine ;

J’ai retenu longtemps mes pas et mon haleine :

Quand il a secoué son plumage plein d’eau,

J’ai saisi ses ailes mouillées,

Et le voilà, blotti dans les fleurs effeuillées.

Regardez qu’il est bien, ma mère, et qu’il est beau !

 

La mère

Oui, je l’entends gémir.

 

L’enfant

Non, mère, c’est qu’il chante.

 

La mère

Vous croyez, mon amour ? Sa chanson est touchante.

 

L’enfant

Je crois qu’il est content puisqu’il est dans les fleurs ;

Il les aime. Son nid est sous l’amandier rose,

Cet arbre au fruit de lait que la fontaine arrose ;

C’est là qu’il dérobait ses brillantes couleurs.

 

 La mère.

Y demeurait-il seul ?

 

L’enfant.

Ses enfants sont au gîte :

C’était pour les revoir qu’il se baignait si vite.

Mais je n’ai point de peur, ils ne sauraient bouger ;

Ils n’ont pas une plume et n’ont rien à manger.

 

La mère

Que vont-ils devenir ?

 

L’enfant

J’agrandirai la cage ;

J’en ferai dans l’hiver un semblant de bocage ;

Et j’aurai mille oiseaux qui chanteront toujours.

Que de musiciens pour amuser mes jours !

Quel bonheur de nourrir tant de joyeux esclaves !

À peine ils sentiront leurs légères entraves.

Ô ma mère, j’y cours.

 

La mère

Arrêtez… il fait nuit ;

Quelque chose de triste entoure ce réduit ;

Restez ! de noirs soldats les farouches cohortes

Au coucher du soleil ont assailli nos portes.

Ne vous éloignez pas, ne quittez plus mon sein ;

De vous saisir peut-être ils avaient le dessein.

 

 L’enfant

Des soldats ? et beaucoup, ma mère ? et pour me prendre ?

 

La mère

Vous, charme de ma vie, et pour ne plus vous rendre.

 

L’enfant

Que feront-ils de moi ?

 

La mère

Qui le sait ? un captif,

Un orphelin, peut-être ; un prisonnier plaintif.

 

L’enfant

Sauvez-moi !

 

La mère.

Priez Dieu, c’est en lui que j’espère,

Loin de nous les cruels emmènent votre père,

Ce père, si content quand ils vous embrassait,

Ce gardien de vos jours et qui les nourrissait.

 

L’enfant

Mon père prisonnier !

 

La mère

C’est le roi qui l’ordonne.

 

L’enfant

Qu’est-ce qu’un roi ?

 

 La mère.

Puissant par l’amour ou l’effroi,

Un maître s’il punit, presque un Dieu s’il pardonne.

 

L’enfant.

Ah ! laissez-moi sortir : je veux parler au roi,

Mon père va mourir !

 

La mère

Eh quoi ! si jeune encore,

Savez-vous si l’on meurt loin de ceux qu’on adore ?

Qu’arraché de son toit votre appui va souffrir ?

Que sans la liberté l’on n’a plus qu’à mourir ?

Savez-vous qu’en prison la vie est bien amère ?

 

 L’enfant

Oui, nous mourrons sans vous, et vous mourrez, ma mère.

Mais ce roi si méchant, qui l’a mis en courroux ?

 

La mère

Le roi n’est ni méchant ni cruel plus que vous,

Mon fils. Las de ses jeux, il vient troubler les nôtres ;

Libre, il a des captifs : n’avez-vous pas les vôtres ?

Dans une chambre étroite il vous renfermera.

Mais vous serez content, car il vous nourrira,

Pourquoi de vos sanglots déchirez-vous mon âme ?

Est-ce à vous, cher coupable, à murmurer le blâme ?

Nous sommes des oiseaux dans ses cages plongés.

Pourquoi de son plaisir serions-nous affligés,

Si, dans ses jeux de roi qu’on a faits légitimes,

De lumière et d’air pur il prive ses victimes ?

Où courez-vous ?

 

L’enfant

De l’air ! de l’air au prisonnier !

Qu’il respire, ma mère, et qu’il vole, et qu’il vive !

Oiseau ! des malheureux que n’est-tu le dernier !

Je ne veux point d’esclave.


 
La mère

Ô clémence naïve !

Embrassez-moi, mon fils, vous m’arrachez des pleurs :

Soyez libre vous-même, et calmez vos douleurs.

Quoi ! jusque dans mes bras votre frayeur palpite !…

Ah ! le cœur de l’oiseau palpitait-il moins vite,

Quand votre instinct cruel empêcha son essor !

Enfant, sans vos chagrins quel eût été son sort ?

Vous ravissiez l’époux à l’épouse éperdue ;

Elle eût traîné sa plainte, et Dieu l’eût entendue !

Et les petits tout nus, glacés dans votre main,

Auraient péri de froid, de langueur et de faim.

 

L’enfant

Ah ! je n’y songeais pas !

 

La mère

Maintenant tout respire ;

Tout se calme et s’endort.

 

L’enfant

Et mon père ?

 

La mère

Il soupire,

Comme l’oiseau du ciel un moment arrêté ;

Mais Dieu, qui voit partout, veille à sa liberté.

 

L’enfant

Le roi le voudra-t-il ? nous rendra-t-il mon père ?

 

La mère.

Oui, mon fils, oui, mon bien, maintenant je l’espère ;

Oui, s’il a des enfants comme les miens chéris,

Des jeunes suppliants il accueille les cris.

Un père a dans le cœur je ne sais quoi de tendre ;

Toutes les voix d’enfant savent s’y faire entendre.

 

L’enfant

Je veux le voir. Venez ! conduisez-moi vers lui.

 

 La mère

Oui, mon amour, demain.

 

L’enfant

Pas demain, aujourd’hui.

 

La mère

Quoi ! votre chère enfance à cette heure exposée ?…

 

L’enfant

Je veux montrer au roi cette cage brisée ;

Je lui dirai : Voyez ! je fus méchant aussi ;

Je ne le suis plus, Dieu merci !

Au captif innocent j’ai rendu la volée,

Et sa famille consolée

À cette heure est au nid plus heureuse que nous !

Le même arbre en ses fleurs les couvre et les rassemble :

Chaque famille ainsi doit s’endormir ensemble,

Et nous venons chercher mon père à vos genoux.

 

La mère

Écoutez !… par l’appui de quelque voix divine,

On dirait que le roi vous plaint et vous devine ;

Car voici votre père, il a tout entendu :

Enfant, Dieu vous absout, puisqu’il nous est rendu.
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Le petit oiseleur
Partager cet article
Repost0

 

 

 

 

 

 

 

Recherche

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Catégories

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Evans Jura

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mes Blogs Amis À Visiter