Paul Marie Verlaine
poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896.
«La bonne Chanson»,
est un poème écrit en 1870, avant son mariage avec Mathilde Mauté. Il croit que, grâce à cette toute jeune fille, sa vie deviendra meilleure et il évoque le bonheur conjugal, paisible et familier qu’il espère.
"LA BONNE CHANSON"
POEME A MATHILDE
Puisque l’aube grandit, puisque voici l’aurore,
Puisque, après m’avoir fui longtemps, l’espoir veut bien
Revoler devers moi qui l’appelle et l’implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,
C’en est fait à présent des funestes pensées,
C’en est fait des mauvais rêves, ah ! c’en est fait
Surtout de l’ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l’esprit sans l’âme triomphait
Arrière aussi les poings crispés et la colère
A propos des méchants et des sots rencontrés ;
Arrière la rancune abominable ! arrière
L’oubli qu’on cherche en des breuvages exécrés
Car je veux, maintenant qu’un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D’une amour à la fois immortelle et première,
De par la grâce, le sourire et la bonté,
Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,
Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;
Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,
Vers le but où le sort dirigera mes pas.
Sans violence, sans remords et sans envie :
Ce sera le devoir heureux aux gais combats.
Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu’elle m’écoutera sans déplaisir sans doute ;
Et vraiment je ne veux pas d’autre paradis.
Paul Verlaine