22 novembre 2024 5 22 /11 /novembre /2024 22:25

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) Poétesse française

 


Ouvrez aux enfants


 
Les enfants sont venus vous demander des roses :

              Il faut leur en donner.

— Mais les petits ingrats détruisent toutes choses....

              — Il faut leur pardonner


 
Tout printemps est leur fête et tout jardin leur table ;

              Qu’ils prennent à loisir !

Ils nous devront du moins, souvenir délectable !

              D’avoir eu du plaisir !


 
Demain nous glanerons les roses répandues,

              Trésor du jardin vert ;

Ces haleines d’été ne seront pas perdues

              Pour embaumer l’hiver.


 
Ouvrez donc aux enfants qui demandent des roses :

              Il faut leur en donner ;

Et si l’instinct les pousse à briser toutes choses,

              Il faut leur pardonner !
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - Poétesse française - Ouvrez aux enfants
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22 novembre 2024 5 22 /11 /novembre /2024 21:54

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française . 


Le petit oiseleur

 

La mère

Vous voilà bien riant, mon amour ! quelle joie !

Comme un petit chasseur, traînez-vous quelque proie ?

Sous ce fragile osier cachez-vous un trésor ?

 

L’enfant

C’est un oiseau du ciel ; il a des plumes d’or.

Il reposait son vol au bord de la fontaine ;

J’ai retenu longtemps mes pas et mon haleine :

Quand il a secoué son plumage plein d’eau,

J’ai saisi ses ailes mouillées,

Et le voilà, blotti dans les fleurs effeuillées.

Regardez qu’il est bien, ma mère, et qu’il est beau !

 

La mère

Oui, je l’entends gémir.

 

L’enfant

Non, mère, c’est qu’il chante.

 

La mère

Vous croyez, mon amour ? Sa chanson est touchante.

 

L’enfant

Je crois qu’il est content puisqu’il est dans les fleurs ;

Il les aime. Son nid est sous l’amandier rose,

Cet arbre au fruit de lait que la fontaine arrose ;

C’est là qu’il dérobait ses brillantes couleurs.

 

 La mère.

Y demeurait-il seul ?

 

L’enfant.

Ses enfants sont au gîte :

C’était pour les revoir qu’il se baignait si vite.

Mais je n’ai point de peur, ils ne sauraient bouger ;

Ils n’ont pas une plume et n’ont rien à manger.

 

La mère

Que vont-ils devenir ?

 

L’enfant

J’agrandirai la cage ;

J’en ferai dans l’hiver un semblant de bocage ;

Et j’aurai mille oiseaux qui chanteront toujours.

Que de musiciens pour amuser mes jours !

Quel bonheur de nourrir tant de joyeux esclaves !

À peine ils sentiront leurs légères entraves.

Ô ma mère, j’y cours.

 

La mère

Arrêtez… il fait nuit ;

Quelque chose de triste entoure ce réduit ;

Restez ! de noirs soldats les farouches cohortes

Au coucher du soleil ont assailli nos portes.

Ne vous éloignez pas, ne quittez plus mon sein ;

De vous saisir peut-être ils avaient le dessein.

 

 L’enfant

Des soldats ? et beaucoup, ma mère ? et pour me prendre ?

 

La mère

Vous, charme de ma vie, et pour ne plus vous rendre.

 

L’enfant

Que feront-ils de moi ?

 

La mère

Qui le sait ? un captif,

Un orphelin, peut-être ; un prisonnier plaintif.

 

L’enfant

Sauvez-moi !

 

La mère.

Priez Dieu, c’est en lui que j’espère,

Loin de nous les cruels emmènent votre père,

Ce père, si content quand ils vous embrassait,

Ce gardien de vos jours et qui les nourrissait.

 

L’enfant

Mon père prisonnier !

 

La mère

C’est le roi qui l’ordonne.

 

L’enfant

Qu’est-ce qu’un roi ?

 

 La mère.

Puissant par l’amour ou l’effroi,

Un maître s’il punit, presque un Dieu s’il pardonne.

 

L’enfant.

Ah ! laissez-moi sortir : je veux parler au roi,

Mon père va mourir !

 

La mère

Eh quoi ! si jeune encore,

Savez-vous si l’on meurt loin de ceux qu’on adore ?

Qu’arraché de son toit votre appui va souffrir ?

Que sans la liberté l’on n’a plus qu’à mourir ?

Savez-vous qu’en prison la vie est bien amère ?

 

 L’enfant

Oui, nous mourrons sans vous, et vous mourrez, ma mère.

Mais ce roi si méchant, qui l’a mis en courroux ?

 

La mère

Le roi n’est ni méchant ni cruel plus que vous,

Mon fils. Las de ses jeux, il vient troubler les nôtres ;

Libre, il a des captifs : n’avez-vous pas les vôtres ?

Dans une chambre étroite il vous renfermera.

Mais vous serez content, car il vous nourrira,

Pourquoi de vos sanglots déchirez-vous mon âme ?

Est-ce à vous, cher coupable, à murmurer le blâme ?

Nous sommes des oiseaux dans ses cages plongés.

Pourquoi de son plaisir serions-nous affligés,

Si, dans ses jeux de roi qu’on a faits légitimes,

De lumière et d’air pur il prive ses victimes ?

Où courez-vous ?

 

L’enfant

De l’air ! de l’air au prisonnier !

Qu’il respire, ma mère, et qu’il vole, et qu’il vive !

Oiseau ! des malheureux que n’est-tu le dernier !

Je ne veux point d’esclave.


 
La mère

Ô clémence naïve !

Embrassez-moi, mon fils, vous m’arrachez des pleurs :

Soyez libre vous-même, et calmez vos douleurs.

Quoi ! jusque dans mes bras votre frayeur palpite !…

Ah ! le cœur de l’oiseau palpitait-il moins vite,

Quand votre instinct cruel empêcha son essor !

Enfant, sans vos chagrins quel eût été son sort ?

Vous ravissiez l’époux à l’épouse éperdue ;

Elle eût traîné sa plainte, et Dieu l’eût entendue !

Et les petits tout nus, glacés dans votre main,

Auraient péri de froid, de langueur et de faim.

 

L’enfant

Ah ! je n’y songeais pas !

 

La mère

Maintenant tout respire ;

Tout se calme et s’endort.

 

L’enfant

Et mon père ?

 

La mère

Il soupire,

Comme l’oiseau du ciel un moment arrêté ;

Mais Dieu, qui voit partout, veille à sa liberté.

 

L’enfant

Le roi le voudra-t-il ? nous rendra-t-il mon père ?

 

La mère.

Oui, mon fils, oui, mon bien, maintenant je l’espère ;

Oui, s’il a des enfants comme les miens chéris,

Des jeunes suppliants il accueille les cris.

Un père a dans le cœur je ne sais quoi de tendre ;

Toutes les voix d’enfant savent s’y faire entendre.

 

L’enfant

Je veux le voir. Venez ! conduisez-moi vers lui.

 

 La mère

Oui, mon amour, demain.

 

L’enfant

Pas demain, aujourd’hui.

 

La mère

Quoi ! votre chère enfance à cette heure exposée ?…

 

L’enfant

Je veux montrer au roi cette cage brisée ;

Je lui dirai : Voyez ! je fus méchant aussi ;

Je ne le suis plus, Dieu merci !

Au captif innocent j’ai rendu la volée,

Et sa famille consolée

À cette heure est au nid plus heureuse que nous !

Le même arbre en ses fleurs les couvre et les rassemble :

Chaque famille ainsi doit s’endormir ensemble,

Et nous venons chercher mon père à vos genoux.

 

La mère

Écoutez !… par l’appui de quelque voix divine,

On dirait que le roi vous plaint et vous devine ;

Car voici votre père, il a tout entendu :

Enfant, Dieu vous absout, puisqu’il nous est rendu.
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Le petit oiseleur
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17 novembre 2024 7 17 /11 /novembre /2024 20:11

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 

L’Enfant questionneur


— Pourquoi le soleil ne vient-il pas la nuit ? disait Hippolyte à quatre ans ; on verrait bien plus clair !

— Parce que c’est le soleil, lui répondit sa mère, qui fait le jour. S’il venait la nuit il n’y aurait plus de nuit.

Hippolyte fut très étonné.

Il passait alors par une vaste rue. La lune se levait large, rouge et majestueuse. En voilà une toute neuve ! dit-il. Où est celle d’hier ;

— C’est la même toujours, mais mieux frappée par le soleil que nous ne voyons plus, et dont elle n’est que le reflet.

— Qui donc a fait ces deux belles choses si gaies ?

— Dieu ! qui t’a fait une mère et qui m’a fait un fils.

 Que je l’aime ! et dis-moi, reprit-il après un long silence : n’y a-t-il qu’un bon Dieu dans le ciel ?

— Un seul.

— Ah ! tant mieux ! répliqua-t-il avec joie.

— Pourquoi tant mieux ?

— C’est que, s’ils étaient deux, ils se battraient, et alors… ce ne seraient plus le bon Dieu.


Il ne faut pas juger Dieu d’après les hommes.
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - L’Enfant questionneur
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16 novembre 2024 6 16 /11 /novembre /2024 22:53

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - 

 


Le nuage et l’enfant

 

L’enfant disait au nuage :

" Attends-moi jusqu’à demain,

Et par le même chemin

Nous nous mettrons en voyage.

 

" Toi, sous tes belles lueurs ;

Moi, dans les champs pleins de fleurs,

Sur le cheval de mon père :

Nous irons vite, j’espère !

 

" Je m’y tiens bien, tu verras !

J’y monte seul à la porte ;

Et quand mon père m’emporte,

Je n’ai pas peur dans ses bras.

 

" Quand il fait beau, comme un guide,

En tête il me fait asseoir ;

Toi, d’en haut tu pourrais voir

Comme je tiens bien la bride !

 


" Ah ! je voudrais d’ici là

Ne faire qu’une enjambée

Sur la nuit toute tombée,

Pour te dire : Me voilà !

 

" Mais je vais faire un beau rêve

Où je rêverai de toi ;

Jusqu’à ce que Dieu l’achève,

Ami nuage, attends-moi !

 


Comme il jetait les paroles

De ses espérances folles,

Le nuage décevant

Glissait, poussé par le vent.

 

Pourtant le bambin sautille,

L’oiseau chante, l’eau scintille,

Et l’écho lui sonne au cœur :

" Demain ! demain ! quel bonheur ! "

 

Enfin le soleil se couche

Et son baiser qui le touche

D’un voile ardent clôt ses yeux

Qu’il tenait ouverts aux cieux.

 


Près de rentrer chez sa mère,

Au voyageur éphémère

L’enfant veut parler encor,

Mais le beau fantôme d’or

 

N’est plus qu’une vapeur grise

Qu’avec un cri de surprise,

L’enfant qu’il vient d’éblouir

Voit fondre et s’évanouir.

 

Au cri de la petite âme,

S’est élancée une femme

Qui, le voyant sauf et sain,

Boudeur l’emporte à son sein.

 

Plaintif, le mignon s’y cache,

Déclarant ce qui le fâche,

Que, sans son bel étranger,

Il ne veut plus voyager !

 

" Si tu chéris les nuages,

Mon amour, pour tes voyages

Le temps en aura toujours ;

Il en passe tous les jours.

 


— Ce ne sera plus le même,

Celui-là, mère, je l’aime ! "

Dit l’enfant, puis il pleura…

Et la femme soupira.

 


Juin 1848.
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  - poétesse française -  Le nuage et l’enfant
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13 juillet 2024 6 13 /07 /juillet /2024 22:55

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 

 

Ondine à l’école

 

Vous entriez, Ondine, à cette porte étroite,

Quand vous étiez petite, et vous vous teniez droite ;

Et quelque long carton sous votre bras passé

Vous donnait on ne sait quel air grave et sensé

Qui vous rendait charmante. Aussi, votre maîtresse

Vous regardait venir, et fière avec tendresse,

Opposant votre calme aux rires triomphants,

Vous montrait pour exemple à son peuple d’enfants ;

Et du nid studieux l’harmonie argentine

Poussait à votre vue : " Ondine ! Ondine ! Ondine ! "

Car vous teniez déjà votre palme à la main,

Et l’ange du savoir hantait votre chemin.

 

Moi, penchée au balcon qui surmontait la rue,

Comme une sentinelle à son heure accourue,

Je poursuivais des yeux mon mobile trésor,

Et disparue enfin je vous voyais encor.

Vous entraîniez mon âme avec vous, fille aimée,

Et je vous embrassais par la porte fermée.

 

Quel temps ! De tous ces jours d’école et de soleil

Qui hâtaient la pensée à votre front vermeil,

De ces flots de peinture et de grâce inspirée,

L’âme sort-elle heureuse, ô ma douce lettrée ?

Dites, si quelque femme avec votre candeur

En passant par la gloire est allée au bonheur ?…

 

Oh ! que vous me manquiez, jeune âme de mon âme !

Quel effroi de sentir s’éloigner une flamme

Que j’avais mise au monde, et qui venait de moi,

Et qui s’en allait seule : Ondine ! quel effroi !

 

Oui, proclamé vainqueur parmi les jeunes filles,

Quand votre nom montait dans toutes les familles,

Vos lauriers m’alarmaient à l’ardeur des flambeaux :

Ils cachaient vos cheveux que j’avais faits si beaux !

Non, voile plus divin, non, plus riche parure

N’a jamais d’un enfant ombragé la figure.

Sur ce flot ruisselant qui vous gardait du jour

Le poids d’une couronne oppressait mon amour.

Vos maîtres étaient fiers et moi j’étais tremblante ;

J’avais peur d’attiser l’auréole brûlante,

Et, troublée aux parfums de si précoces fleurs,

Vois-tu, j’en ai payé l’éclat par bien des pleurs.

Comprends tout… J’avais vu tant de fleurs consumées !

 

Tant de mères mourir, de leur amour blâmées !

Ne sachant bien qu’aimer je priais Dieu pour vous,

Pour qu’il te gardât simple et tendre comme nous ;

Et toi tu souriais intrépide à m’apprendre

Ce que Dieu t’ordonnait, ce qu’il fallait comprendre.

Muse, aujourd’hui, dis-nous dans ta pure candeur

Si Dieu te l’ordonnait du moins pour ton bonheur ?
 

Norbert Goeneutte - La leçon

Norbert Goeneutte - La leçon

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10 juillet 2024 3 10 /07 /juillet /2024 22:40

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)poétesse

française

 

 

La grande petite fille

 

Maman ! comme on grandit vite !

Je suis grande, j’ai cinq ans !

Eh bien, quand j’étais petite,

J’enviais toujours les grands.

 

Toujours, toujours à mon frère,

S’il venait me secourir,

Même, quand j’étais par terre,

Je disais : " Je veux courir ! "

 

Ah ! c’était si souhaitable

De gravir les escaliers !

À présent, je dîne à table ;

Je danse avec mes souliers !

 

Et ma cousine Mignonne

À qui j’apprends à parler

Du haut des bras de sa bonne

Boude, en me voyant aller.

 


Pauvre enfant ! Qu’elle est gentille

Quand elle pleure après moi !

J’en fais ma petite fille ;

Je la baise comme toi,

 

Lorsque, me voyant méchante,

Tu chantais pour me calmer.

Je la calme aussi ; je chante

Pour la forcer de m’aimer.

 

Et puis, maman, je suis forte,

Bon papa te le dira.

Son grand fauteuil, à la porte,

Sais-tu qui le roulera ?

 

Moi ! c’est sur moi qu’il s’appuie

Quand son pied le fait souffrir ;

C’est moi qui le désennuie

Quand il dit :  " Viens me guérir "

 

Ô maman, je te regarde

Pour apprendre mon devoir,

Et c’est doux d’y prendre garde

Puisque je n’ai qu’à te voir.

 


Quand j’aurai de la mémoire,

C’est moi qui tiendrai la clé,

Veux-tu, de la grande armoire

Où le linge est empilé ?

 

Nous la polirons nous-mêmes

De cire à la bonne odeur ;

Ô maman, puisque tu m’aimes

Je suis sage avec ardeur !

 

Nous ferons l’aumône ensemble

Quand tes chers pauvres viendront.

Un jour, si je te ressemble.

Maman ! comme ils m’aimeront !

 

Je sais ce que tu vas dire ;

Tous tes mots, je m’en souviens.

Là, j’entends que ton sourire

Dit : " Viens m’embrasser ! " Je viens !
 

Elisabeth-Louise Vigée Le Brun - Mère et fille

Elisabeth-Louise Vigée Le Brun - Mère et fille

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9 juillet 2024 2 09 /07 /juillet /2024 22:22

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 

 

Le petit ambitieux


Un enfant avait mis les bottes de son père.

Il se croyait plus grand ; mais il fallait marcher :

Dans sa jeune espérance, il arpentait la terre ;

Ses bottes ne pouvaient pourtant l’en détacher.

Il traîne avec ardeur l’entrave qu’il adore ;

Il veut courir… il rampe ; il rit, il rampe encore

Au collège, avant l’heure, il arrive enchanté,

Et parmi les plus grands se range avec fierté.

Son père l’a suivi… Dieu ! faites-le sourire !

Il cherche, il voit l’enfant ; il a dit : " Levez-vous ! "

L’ambitieux chancelle et fléchit les genoux.

Mais son père commande : un père, il faut souscrire ;

Il se lève. " Courez, dit son juge, courez !

D’un pas ferme et hardi devancez votre père,

Que votre course soit prospère :

Si vous tombez, malheur !… vous vous débotterez. "

Se débotter !… jamais ; plutôt périr en route.

L’enfant frissonne, il pleure à la voix qu’il redoute ;

Mais il pleure immobile, et sur son front charmant

Se peignent la douleur et le ressentiment.

L’école curieuse avait fermé son livre,

Le maître préparait le sermon détesté ;

Et l’enfant !… Il songeait à la mort qui délivre,

Car du crime, à ses pieds, tout le poids est resté.

" Pour la dernière fois, courez, je vous l’ordonne !

Si vous me devancez, mon fils, je vous pardonne. "

Et l’enfant éperdu, plein d’âme et plein d’effroi.

S’élance sur son père, et dit : " Emportez-moi ! "

Et ce père accueillit sa rougeur et ses larmes ;

Sur son cœur qui battait de colère… ou d’amour,

Il emporta son fils, tout botté, sous les armes.

" Conserve-les, dit-il ; tu marcheras un jour ! "
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Le petit ambitieux
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9 juillet 2024 2 09 /07 /juillet /2024 21:52

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

 


Le cordonnier


Antony donc répandant partout ses ravages était toujours

pendu à une sonnette et tandis que les autres fuyaient, lui

souvent mettait dans sa tête d’affronter le danger.

Une servante accourait, effrayée du terrible ébranlement de la

sonnette, et avant même qu’elle ouvrît la bouche, Antony,

levant un nez insolent, demandait :

— Est-ce ici le médecin de mon oncle ?

— Qu’est-ce que c’est que le médecin de votre oncle ?

demandait la servante irritée.

— C’est… je ne me souviens pas de son nom ;

mais c’est un bien bon médecin !

— Ce n’est pas ici. Et une autre fois ne sonnez pas si fort.

Une ardeur nouvelle emportait la troupe errante.

Pas un ne songeait que c’est lâche d’insulter dans l’ombre.

Antony, bien élevé d’ailleurs, et qui coûtait à son père

une grosse somme pour devenir savant,

imitait effrontément le gamin dont la joie est immense

quand il fait tressaillir l’humble  cordonnier,

en plongeant tout à coup sa tête dans l’échoppe par

un carreau de papier qu’il enfonce, et en demandant

froidement : "Quelle heure est-il ?"

Il trouvait aussi une émotion délectable à lancer l’épouvante

chez le tranquille artisan, travaillant à la lampe.

Il faisait  ruisseler sur les vitres sonores

des poignées de pois secs qui descendaient

comme la foudre en éclat dans le silence laborieux

du chaussetier solitaire.
 

Giacomo Francesco CIPPER dit IL TODESCHINI - Le cordonnier

Giacomo Francesco CIPPER dit IL TODESCHINI - Le cordonnier

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9 juillet 2024 2 09 /07 /juillet /2024 21:33

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

 


Un pauvre


Enfant ! sois doux au pauvre. Il en est d’adorables ;

Il en est de puissants sous leurs traits misérables :

Tel est celui qui monte attiré par ta voix,

Qui descend toujours humble et content quelquefois,

Selon nos jours à nous, vides, nourris d’attente,

Ou comblés de travail et de joie haletante.

Dieu lui fait, m’a-t-il dit, de longues nuits sans peur ;

Et sous un peu de paille il a chaud dans son cœur !

Le sommeil a pour lui des ailes toutes prêtes ;

C’est là qu’il illumine et qu’il donne ses fêtes ;

Là, qu’un ange vient dire à ce pauvre à genoux :

« Debout ! debout, mon frère ! et montez avec nous !

Laissez-moi relever votre âme voyageuse ;

Laver vos pieds durcis par l’argile fangeuse,

Rendre vos pas légers puisqu’ils sont sans remord,

Et délier vos bras pour les tendre à la mort !

Ayez foi dans la mort : cette cueilleuse d’âmes,

Ne les moissonne pas pour en tuer les flammes ;

Mais pour les délivrer de leur lourd vêtement,

Comme on ôte le sable où dort le diamant..

Dans votre épreuve solitaire,

Ne demandez pas le bonheur :

Sa semence est dans votre cœur ;

Il n’éclora pas sur la terre.

Si la terre en poussait les fleurs,

Voyez qu’elles n’ont qu’une aurore,

Et qu’elles laisseraient encore

Leurs épines dans vos douleurs.

Mais ce fruit couvé par votre âme,

Naîtra plus haut mûr et vermeil,

Fait d’une impérissable flamme,

Comme un rubis sous le soleil.

Le bonheur, c’est l’amour sans larmes ;

C’est la liberté sans effroi ;

Sans prisons, sans haine, sans armes,

Et les mondes roulants sans roi.

Bénissez donc vos pleurs dont l’intérêt s’amasse.

Dieu compte avec la terre ; où l’ombre règne, il passe !

Et l’éternité s’ouvre aux mots : PARDON ! AMOUR !

« Montez ! » — Et l’indigent monte à Dieu jusqu’au jour !

Quand ce beau rêve a fui, quand la faim le réveille.

S’il tombe en soupirant du ciel où l’on sommeille,

Il reprend son fardeau plus léger ; lui plus fort,

Et gravit, patient, les affronts de son sort.

Ce pauvre est plus qu’un pauvre ! une telle indigence,

Puisque Dieu la permet, ouvre l’intelligence :

Dieu voilé parle en lui. Souvent ses vieux lambeaux.

M’ont paru lumineux, comme si de flambeaux,

Comme si des rayons d’une auréole sainte,

Sa tête blanchissante et paisible était ceinte :

Ce pauvre est plus qu’un pauvre ! enfant ! sois doux pour lui.

Comme tu fus hier, s’il revient aujourd’hui.
 

Le jeune mendiant - Murillo Bartolome Esteban

Le jeune mendiant - Murillo Bartolome Esteban

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7 juillet 2024 7 07 /07 /juillet /2024 22:48

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 


Le Livre des Mères et des Enfants, Tome I

 

Le petit peureux


Quoi, Daniel, à six ans vous faites le faux brave ;

Vous insultez un chien qui dort ;

Vous lui tirez l’oreille, et, raillant votre esclave.

Sous ses pas endormis vous dressez une entrave !

L’esclave qui sommeille, ô Daniel, n’est pas mort ;

Son réveil s’armera d’une dent meurtrière :

La preuve en a rougi votre linge en lambeaux.

Oui, vous voilà blessé, mais blessé par-derrière !

Malgré la nuit, j’y vois. Sauvons-nous des flambeaux ;

Sauvons-nous des témoins… Moi, je suis votre mère…

Je cacherai ta honte, enfant, dans mon amour :

Viens ! j’ai pitié de toi, car la honte est amère ;

Bénis Dieu : sa bonté vient d’éteindre le jour.

Personne ne t’a vu lâche et méchant… Écoute :

Pour t’appeler méchant sais-tu ce qu’il m’en coûte ?

C’est ton nom pour ce soir ; subis-le devant moi :

Va ! personne jamais ne l’entendra que toi.

Personne ne t’a vu d’une bête innocente

Tourmenter l’indolent sommeil ;

Et, pour irriter son réveil,

Lui simuler sa chaîne absente.

Cher petit fanfaron, c’est lui qui t’a fait peur.

Sa gueule était immense, ouverte à la vengeance.

Il te mangeait, Daniel, sans ma tendre indulgence,

Et tu fuyais en vain, lié par la stupeur.

Il m’a cédé sa proie, il a compris mes larmes ;

Et peut-être un gâteau, que préparait ma main

Pour charmer ton loisir demain,

L’a rendu tout à fait clément à mes alarmes.

Je l’avais fait si beau, si grand ! Ne pleure plus :

De tes habits l’eau pure effacera la tache ;

Ton âge n’en a pas ou le remords s’attache !

Tout ce qui doit survivre à tes cris superflus,

Ce qu’il faut regretter par-delà ton enfance.

C’est mon sang…, oui, le mien, lâchement répandu :

Quoi ! sous la dent d’un chien tu l’as déjà perdu,

Daniel, et ton pays l’attend pour sa défense !
 

Jozsef Kiss (1833-1900)- Portrait garçon et chien -1879

Jozsef Kiss (1833-1900)- Portrait garçon et chien -1879

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