27 juin 2024 4 27 /06 /juin /2024 21:31

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 

Le faneur et l'enfant

 

Le faneur.

Eh ! pourquoi pleures-tu ? ta colombe était vieille…

 

L’enfant.

Vieille !

 

Le faneur.

Elle allait perdant les ailes et les yeux ;

Elle ne trouvait plus son chemin vers les cieux,

Ni le froment de sa corbeille.

Il fallait la porter dans l’arbre au grand soleil,

Lui puiser l’eau du jour, la nourrir graine à graine ;

Elle avait toujours froid et se traînait à peine

De l’hiver à l’été vermeil.

 

L’enfant.

Ma colombe !…

 

Le faneur.

Ah ! ma foi, ta colombe est guérie.

Elle nous rendait sourds à force de gémir.

Elle avait fait son temps. Toi, tu pourras dormir.

Ou gambader par la prairie.

Va courir, va ! Sèche tes pleurs !

 

L’enfant.

Hier elle essayait de me tendre les ailes.

 

Le faneur.

Hier n’est plus. L’air bleu fourmille d’étincelles,

Et les buissons sentent les fleurs.

 

L’enfant.

Le monde est tout changé !

 

Le faneur.

Le monde va de même ;

Pourquoi ne prends-tu pas ce qu’il met devant toi ?

Pourquoi lui demander ce qu’il n’a plus ? Pourquoi

Pleurer un vieil oiseau !

 

L’enfant.

Je l’aime.

 

Le faneur.

Viens en chercher un autre ; il en pleut dans les blés.

On marche sur des nids, puis on en trouve encore.

Dieu le veut : des oiseaux sont toujours près d’éclore

Quand les oiseaux sont envolés.

Viens voir dans les sillons !…

 

L’enfant.

Non, j’attends ma colombe.

Ma colombe viendra tous les soirs, tous les jours.

Elle était ma colombe, et je la veux toujours !

Vois-tu ce tas de fleurs ? c’est sa petite tombe ;

J’y reste.

 

Le faneur.

Pourquoi faire ?

 

L’enfant.

Oh ! pour la voir venir !

Faneur, ne sais-tu pas que rien ne doit mourir ?

 

Le faneur.

Ce serait beau, mais quoi !…

 

L’enfant.

Sois en sûr ! c’est mon père

Qui me dit de le croire et qui veut que j’espère.

 

Le faneur.

J’en vois voler vers nous…

 

L’enfant.

Adieu, faneur, adieu.

 

Le faneur.

Tu ne veux pas les prendre ?

 

L’enfant (qui s’en va).

Ô ma colombe ! ô Dieu !
 

 Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Le faneur et l'enfant
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27 juin 2024 4 27 /06 /juin /2024 21:30

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

Poésies inédites, 1860 

 

Aux nouveaux-nés heureux

 

Petits enfants heureux, que vous savez de choses,

En naissant !

On dirait qu’on entend s’entreparler des roses,

Et que vous racontez votre ciel au passant.

 

Vos rires sont vainqueurs en buvant de vos mères

Le doux lait,

Vous qui ne sentez pas que des larmes amères

Coulent dans ce nectar tiède et blanc qui vous plaît.

 

Ah ! c’est pourtant ainsi, mes charmants camarades,

Mais buvez !

La source où vous puisez d’abondantes rasades

Ne peut vivre et courir qu’autant que vous vivez.

 

Buvez ! délectez-vous sans labeur et sans honte,

Car un jour

Le sort qui reprend tout vous demandera compte

De ce lait qu’une mère offre avec tant d’amour !

 


Buvez ! En étreignant cette femme penchée

Sur son fruit,

C’est la vigne céleste à la terre attachée

Dont la sève s’épanche éternelle et sans bruit.
 

Mary Cassatt Baby John allaitement 1910

Mary Cassatt Baby John allaitement 1910

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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 21:34

 

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


Selon Dieu

 

Mère, un cheval est à la porte :

Il demande la charité.

— Vite, du foin, qu’on le lui porte ;

Il en sera réconforté.

Cheval, dis à Dieu, notre maître,

Qu’avec joie et sans te connaître,

Et nourris de sa charité,

Nous t’avons bien réconforté.

 

Mère, un ramier est à la porte :

Il demande la charité.

— J’ai là du bled, qu’on le lui porte ;

Il en sera réconforté.

Ramier, dis à Dieu, notre maître,

Qu’avec joie et sans le connaître,

Et nourris de sa charité,

Nous t’avons bien réconforté.

 

Mère, un enfant est à la porte :

Il demande la charité.

 

— Tout notre lait, qu’on le lui porte :

Il en sera réconforté.

Enfant, dis à Dieu, notre maître,

Qu’avec joie et sans te connaître,

Et nourris de sa charité,

Nous t’avons bien réconforté.

 

Mère, un vieillard est à la porte :

Il demande la charité.

— Du vin, du vin, qu’on le lui porte ;

Il en sera réconforté.

Vieillard, dis à Dieu, notre maître,

Qu’avec joie et sans te connaître,

Et nourris de sa charité,

Nous t’avons bien réconforté.

 

Mère, un coupable est à la porte :

Il demande la charité.

— Ce manteau blanc, qu’on le lui porte ;

Nous l’aurons réhabilité.

Ami, dis à Dieu, notre maître,

Qu’avec joie et sans te connaître,

Et brûlants de sa charité,

Nous t’avons réhabilité.
 

Jules Bastien-Lepage Le mendiant

Jules Bastien-Lepage Le mendiant

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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 21:33


 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française


Les fleurs de Jean Paul

Sur un enfant.

 

Semez sur lui des fleurs, des fleurs, jeunes pleureuses !

Il les emportera sur ses ailes heureuses.

De sa cage entr’ouverte il s’envole vivant :

Chantez ! c’est aujourd’hui la fête de l’enfant !

 Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Les fleurs de Jean Paul, Sur un enfant.
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 21:32

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


La petite pleureuse, à sa mère

 

On gronde l’enfant

À qui l’on défend

De pleurer quand bon lui semble ;

On dit que les fleurs

Sèchent bien des pleurs…

Tu mêles donc tout ensemble ?

 

Oui, maman, je t’ai vue avec ton air joyeux,

Le rire sur la bouche et les larmes aux yeux.


 
Au bal, sous ses bouquets, j’ai vu pleurer ma mère.

J’ai baisé cette larme, elle était bien amère.

 

Viens que je te console. Avais-tu trop dansé ?

Moi, je ne gronde pas ! Moi, quand mon pied lassé

Me défend d’être bien aise,

L’ennui qui me prend

M’arrête en courant,

Et je m’endors sur ma chaise.

 

Oh ! si je viens encor pleurer sur tes genoux,"

Maman, ne me dis plus : " Vous n’êtes pas gentille ! "

Dansons, quand nous pouvons, ou pleurons entre nous,

Mais ne nous grondons pas : vois-tu, je suis ta fille,

Et je t’aime, et je vais prier Dieu tous les jours

De m’égayer beaucoup pour t’égayer toujours !

Embrasse donc bien fort ta petite chérie,

Et jamais, plus jamais ne dis : " vous "…, je t’en prie !

Ainsi consolons-nous et donnons-nous la main :

Si nous pleurons ce soir, va ! nous rirons demain !
 

"Mère et fille" Peinture de Leon Jean Basile Perrault (1832-1908) 1894

"Mère et fille" Peinture de Leon Jean Basile Perrault (1832-1908) 1894

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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:59

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 

À M. Dubois

Directeur de l’hôpital de Douai,

sa petite fille.

 

Lève sur tes genoux ta plus petite fille,

Père ! j’ai quelque chose à cacher dans ton cœur

J’ai prié ce matin pour toute la famille,

En priant Dieu pour ton bonheur

 

Regarde ce bouquet : c’est là qu’est le mystère.

Pour le rendre plus cher à ton cœur généreux,

On l’a noué des noms de tous les malheureux

Que tu consoles sur la terre
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - À M. Dubois, Directeur de l’hôpital de Douai, sa petite fille.
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:57

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


La prière des orphelins

 

Voix d’enfants, ô voix qui chantez,

Dites-nous vers qui vous montez ?

 

— " Nous cherchons Dieu qui nous rassemble,

Dieu qui nous donna votre appui,

Et pour arriver jusqu’à lui

Nous mêlons nos souffles ensemble.

Dieu ! qui soutenez le roseau,

Dieu qui donnez l’aile à l’oiseau,

Donnez l’âme à notre prière

Pour qu’elle monte à vous, mon père ! "

 

Voix d’enfants, ô voix qui pleurez,

Dites-nous qui vous implorez ?

 

— " Nous pleurons pour l’enfant sans mère

Que nous voyons errer là-bas ;

Nous voulons un guide à ses pas,

Un refuge à sa vie amère.

Dieu, qui soutenez le roseau,

Dieu, qui donnez l’aile à l’oiseau,

 

Donnez l’âme à notre prière,

Pour qu’elle vous plaise, ô mon père ! "

 

Voix sans audace et sans frayeur,

Que demandez-vous au Seigneur ?

 

— " Le doux pardon, l’amour immense,

Pour le prisonnier palpitant,

Pour le coupable repentant,

Et pour les méchants en démence.

Dieu, qui soutenez le roseau,

Dieu qui donnez l’aile à l’oiseau,

Donnez l’âme à notre prière

Pour qu’elle monte à vous, mon père ! "

 

Voix d’enfants, dites-nous encor

Où s’en va votre tendre essor ?

 

— " Il s’en va plus haut que l’orage

Chercher les saintes charités.

Un oiseau nous a dit : " Chantez ! "

Un roseau nous a dit : " Courage ! "

Dieu ! qui soutenez le roseau,

Dieu ! qui donnez l’aile à l’oiseau,

Donnez l’âme à notre prière,

Pour qu’elle vous plaise, ô mon père ! "

 

Voix d’enfants, priez donc pour nous,

Car l’innocence est avec vous !

 

— " Dieu juste, écartez les alarmes

Des heureux qui donnent toujours !

Donnez-leur autant de beaux jours

Qu’ils nous ont épargné de larmes !

Dieu, qui soutenez le roseau,

Dieu, qui donnez l’aile à l’oiseau,

Donnez l’âme à notre prière,

Pour qu’elle vous touche, ô mon père ! "
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française - La prière des orphelins
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:56

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)  poétesse française

 


Ouvrez aux enfants

 

Les enfants sont venus vous demander des roses,

Il faut leur en donner.

— Mais les petits ingrats détruisent toutes choses…

— Il faut leur pardonner.

 

Tout printemps est leur fête et tout jardin leur table ;

Qu’ils prennent à loisir !

Ils nous devront du moins, souvenir délectable !

D’avoir eu du plaisir !

 

Demain nous glanerons les roses répandues,

Trésor du jardin vert ;

Ces haleines d’été ne seront pas perdues

PoPour embaumer l'hiver.

 

Ouvrez donc aux enfants qui demandent des roses :

Il faut leur en donner ;

Et si l’instinct les pousse à briser toutes choses,

Il faut leur pardonner !
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Ouvrez aux enfants
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:55

 

 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française 

Recueil : Elégies

 

Fleur d’enfance


L’haleine d’une fleur sauvage,

En passant tout près de mon coeur,

Vient de m’emporter au rivage,

Où naguère aussi j’étais fleur :

Comme au fond d’un prisme où tout change,

Où tout se relève à mes yeux,

Je vois un enfant aux yeux d’ange :

C’était mon petit amoureux ! 

Parfum de sa neuvième année,

Je respire encor ton pouvoir ;

Fleur à mon enfance donnée,

Je t’aime ! comme son miroir.

Nos jours ont séparé leur trame,

Mais tu me rappelles ses yeux ;

J’y regardais flotter mon âme :

C’était mon petit amoureux ! 

De blonds cheveux en auréole,

Un regard tout voilé d’azur,

Une brève et tendre parole,

Voilà son portrait jeune et pur :

Au seuil de ma pauvre chaumière

Quand il se sauvait de ses jeux,

Que ma petite âme était fière ;

C’était mon petit amoureux ! 

Cette ombre qui joue à ma rive

Et se rapproche au moindre bruit,

Me suit, comme un filet d’eau vive,

A travers mon sentier détruit :

Chaste, elle me laisse autour d’elle

Enlacer un chant douloureux ;

Hélas ! ma seule ombre fidèle,

C’est vous ! mon petit amoureux ! 

Femme ! à qui ses lèvres timides

Ont dit ce qu’il semblait penser,

Au temps où nos lèvres humides

Se rencontraient sans se presser ;

Vous ! qui fûtes son doux Messie,

L’avez-vous rendu bien heureux ?

Du coeur je vous en remercie :

C’était mon petit amoureux ! 
 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - poétesse française - Fleur d’enfance
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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 20:54


 

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poétesse française                                             
 

Le coucher d'un petit garçon


Couchez-vous, petit Paul ! Il pleut. C'est nuit : c'est l'heure.

Les loups sont au rempart. Le chien vient d'aboyer.

La cloche a dit : "Dormez !" et l'ange gardien pleure,

Quand les enfants si tard font du bruit au foyer.

 

"Je ne veux pas toujours aller dormir ; et j'aime

A faire étinceler mon sabre au feu du soir ;

Et je tuerai les loups ! Je les tuerai moi-même !"

Et le petit méchant, tout nu ! vint se rasseoir.

 

Où sommes-nous ? mon Dieu ! donnez-nous patience ;

Et surtout soyez Dieu ! Soyez lent à punir :

L'âme qui vient d'éclore a si peu de science !

Attendez sa raison, mon Dieu ! dans l'avenir.

 

L'oiseau qui brise l'oeuf est moins près de la terre,

Il vous obéit mieux : au coucher du soleil,

Un par un descendus dans l'arbre solitaire,

Sous le rideau qui tremble ils plongent leur sommeil.

 

Au colombier fermé nul pigeon ne roucoule ;

Sous le cygne endormi l'eau du lac bleu s'écoule,

Paul ! trois fois la couveuse a compté ses enfants ;

Son aile les enferme ; et moi, je vous défends !

 

La lune qui s'enfuit, toute pâle et fâchée,

Dit : "Quel est cet enfant qui ne dort pas encor ?"

Sous son lit de nuage elle est déjà couchée ;

Au fond d'un cercle noir la voilà qui s'endort.

 

Le petit mendiant, perdu seul à cette heure,

Rôdant avec ses pieds las et froids, doux martyrs !

Dans la rue isolée où sa misère pleure,

Mon Dieu ! qu'il aimerait un lit pour s'y blottir !"

 

Et Paul, qui regardait encore sa belle épée,

Se coucha doucement en pliant ses habits :

Et sa mère bientôt ne fut plus occupée

Qu'à baiser ses yeux clos par un ange assoupis !
 

Auguste Renoir  (1841–1919) enfant endormi_1895

Auguste Renoir (1841–1919) enfant endormi_1895

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