23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:51

 

 

André Chénier (1762-1794) poète et journaliste français

 

J'étais un faible enfant qu'elle était grande et belle


J'étais un faible enfant qu'elle était grande et belle ;

Elle me souriait et m'appelait près d'elle.

Debout sur ses genoux, mon innocente main

Parcourait ses cheveux, son visage, son sein,

Et sa main quelquefois, aimable et caressante,

Feignait de châtier mon enfance imprudente.

C'est devant ses amants, auprès d'elle confus,

Que la fière beauté me caressait le plus.

Que de fois (mais, hélas ! que sent-on à cet âge ?)

Les baisers de sa bouche ont pressé mon visage !

Et les bergers disaient, me voyant triomphant :

" Ô que de biens perdus ! ô trop heureux enfant ! "
 

Mary Cassatt,  Thomas et sa mère, 1893

Mary Cassatt, Thomas et sa mère, 1893

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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:50

 

 

Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) dramaturge, romancier, poète et fabuliste français. 

Recueil : Fables (1792).

 


Les enfants et les perdreaux


Deux enfants d'un fermier, gentils, espiègles, beaux,

Mais un peu gâtés par leur père,

Cherchant des nids dans leur enclos,

Trouvèrent de petits perdreaux

Qui voletaient après leur mère.

Vous jugez de la joie, et comment mes bambins

À la troupe qui s'éparpille

Vont partout couper les chemins,

Et n'ont pas assez de leurs mains

Pour prendre la pauvre famille !

La perdrix, traînant l'aile, appelant ses petits,

Tourne en vain, voltige, s'approche ;

Déjà mes jeunes étourdis

Ont toute sa couvée en poche.

Ils veulent partager comme de bons amis ;

Chacun en garde six, il en reste un treizième :

L'aîné le veut, l'autre le veut aussi.

- Tirons au doigt mouillé. - Parbleu non. - Parbleu si.

- Cède, ou bien tu verras. - Mais tu verras toi-même.

De propos en propos, l'aîné, peu patient,

Jette à la tête de son frère

Le perdreau disputé. Le cadet en colère

D'un des siens riposte à l'instant.

L'aîné recommence d'autant ;

Et ce jeu qui leur plaît couvre autour d'eux la terre

De pauvres perdreaux palpitants.

Le fermier, qui passait en revenant des champs,

Voit ce spectacle sanguinaire,

Accourt, et dit à ses enfants :

Comment donc ! Petits rois, vos discordes cruelles

Font que tant d'innocents expirent par vos coups !

De quel droit, s'il vous plaît, dans vos tristes querelles,

Faut-il que l'on meure pour vous ?
 

Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) - dramaturge, romancier, poète et fabuliste français - Les enfants et les perdreaux
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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:48

 

 

Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) dramaturge, romancier, poète et fabuliste français. 

Recueil : Fables (1792).

 

L'enfant et le miroir


Un enfant élevé dans un pauvre village

Revint chez ses parents, et fut surpris d'y voir

Un miroir.

D'abord il aima son image ;

Et puis, par un travers bien digne d'un enfant,

Et même d'un être plus grand,

Il veut outrager ce qu'il aime,

Lui fait une grimace, et le miroir la rend.

Alors son dépit est extrême ;

Il lui montre un poing menaçant,

Il se voit menacé de même.

Notre marmot fâché s'en vient, en frémissant,

Battre cette image insolente ;

Il se fait mal aux mains. Sa colère en augmente ;

Et, furieux, au désespoir,

Le voilà devant ce miroir,

Criant, pleurant, frappant la glace.

Sa mère, qui survient, le console, l'embrasse,

Tarit ses pleurs, et doucement lui dit :

N'as-tu pas commencé par faire la grimace

A ce méchant enfant qui cause ton dépit ?

- Oui. - Regarde à présent : tu souris, il sourit ;

Tu tends vers lui les bras, il te les tend de même ;

Tu n'es plus en colère, il ne se fâche plus :

De la société tu vois ici l'emblème ;

Le bien, le mal, nous sont rendus.
 

Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) - dramaturge, romancier, poète et fabuliste français - L'enfant et le miroir
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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:47

 

 

Jean de La Fontaine (1621-1695) homme de lettres du Grand siècle et l'un des principaux représentants du classicisme

Recueil : Les fables du livre I (1668).


L'enfant et le maître d'école

 

Dans ce récit je prétends faire voir

D'un certain sot la remontrance vaine.

Un jeune enfant dans l'eau se laissa choir,

En badinant sur les bords de la Seine.

Le Ciel permit qu'un saule se trouva,

Dont le branchage, après Dieu, le sauva.

S'étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,

Par cet endroit passe un Maître d'école.

L'Enfant lui crie : "Au secours ! je péris."

Le Magister, se tournant à ses cris,

D'un ton fort grave à contre-temps s'avise

De le tancer : "Ah! le petit babouin !

Voyez, dit-il, où l'a mis sa sottise !

Et puis, prenez de tels fripons le soin.

Que les parents sont malheureux qu'il faille

Toujours veiller à semblable canaille !

Qu'ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! "

Ayant tout dit, il mit l'enfant à bord.

Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense.

Tout babillard, tout censeur, tout pédant,

Se peut connaître au discours que j'avance :

Chacun des trois fait un peuple fort grand ;

Le Créateur en a béni l'engeance.

En toute affaire ils ne font que songer

Aux moyens d'exercer leur langue.

Hé ! mon ami, tire-moi de danger :

Tu feras après ta harangue.
 

Jean de La Fontaine (1621-1695) -Fabuliste - L'enfant et le maître d'école
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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:46

 

 

Jean de La Fontaine (1621-1695) homme de lettres du Grand siècle et l'un des principaux représentants du classicisme


Recueil : Les Fables


La Fortune et le Jeune Enfant


Sur le bord d’un puits très profond


Sur le bord d’un puits très profond

Dormait étendu de son long

Un Enfant alors dans ses classes.

Tout est aux Ecoliers couchette et matelas.

Un honnête homme en pareil cas

Aurait fait un saut de vingt brasses.

Près de là tout heureusement

La Fortune passa, l’éveilla doucement,

Lui disant : Mon mignon, je vous sauve la vie.

Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.

Si vous fussiez tombé, l’on s’en fût pris à moi ;

Cependant c’était votre faute.

Je vous demande, en bonne foi,

Si cette imprudence si haute

Provient de mon caprice. Elle part à ces mots.

Pour moi, j’approuve son propos.

Il n’arrive rien dans le monde

Qu’il ne faille qu’elle en réponde.

Nous la faisons de tous Echos.

Elle est prise à garant de toutes aventures.

Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures ;

On pense en être quitte en accusant son sort :

Bref la Fortune a toujours tort.
 

La Fortune et Le Jeune Enfant de Jean de La Fontaine dans Les Fables - Peinture de Pierre Bouillon - L'enfant et la fortune - 1831

La Fortune et Le Jeune Enfant de Jean de La Fontaine dans Les Fables - Peinture de Pierre Bouillon - L'enfant et la fortune - 1831

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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:44

 

 

François de Malherbe (1555-1628) poète français,

 


Consolation à M. Du Périer sur la mort de sa fille


Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle,

Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle

L'augmenteront toujours

 

Le malheur de ta fille au tombeau descendue

Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale, où ta raison perdue

Ne se retrouve pas ?

 

Je sais de quels appas son enfance était pleine,

Et n'ai pas entrepris,

Injurieux ami, de soulager ta peine

Avecque son mépris.

 

Mais elle était du monde, où les plus belles choses

Ont le pire destin ;

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,

L'espace d'un matin.

 

Puis quand ainsi serait, que selon ta prière,

Elle aurait obtenu

D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,

Qu'en fût-il advenu?

 

Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste

Elle eût eu plus d'accueil ?

Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste

Et les vers du cercueil ?

 

Non, non, mon du Périer, aussitôt que la Parque

Ote l'âme du corps,

L'âge s'évanouit au deçà de la barque,

Et ne suit point les morts...

 

La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;

On a beau la prier,

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,

Et nous laisse crier.

 

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,

Est sujet à ses lois ;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre

N'en défend point nos rois.

 

De murmurer contre elle, et perdre patience,

Il est mal à propos ;

Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science

Qui nous met en repos.

 

Monsieur Du Périer est un ami de Malherbe. À la mort de sa fille, âgée de cinq ans, le poète offre ces vers au père malheureux.
 

François de Malherbe (1555-1628) - poète français - Consolation à M. Du Périer sur la mort de sa fille
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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:41

 

 

Charles Fontaine (1515-1580?) poète et traducteur français du XVI° siècle. 


Elégie sur le trépas de René, cinquième enfant de l'auteur


Dieu te gard donc, mon petit fils René !

Adieu mon fils aussitôt mort que né!

Dieu gard mon fils venant sur terre ronde !

Adieu mon fils départant de ce monde !

Tu n'as encor le lait bien savouré,

Tu n'as encor le tien pere honoré,

Tu ne connois ni peines ni liesses,

Et loin de nous, tu t'en vas et nous laisses.

Tu n'as encore une seule semaine,

Que tu ne tu dépars de cette vie humaine.

Faut-il qu'en terre à tes yeux inconnue,

Soit ton départ si près de ta venue!

 

Petit enfant, qui t'a donné envie

De si soudain aller à l'autre vie ?

Il semble à voir que tu connusses bien

Qu'en cette vie y a si peu de bien.

Petit enfant, je crois bien que tu as

Un autre pere au ciel, là où tu vas,

Lequel a fait que ton coeur le désire,

Quand le charnel laisses pour l'autre élire.

Puisque tu veux l'éternel bien choisir,

Laissé m'en as un merveilleux désir ;

Et voudrois voir à ton exemple enfin,

Le Dieu qui jà t'a reçu dans son sein.
 

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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:40

 

 

Charles Fontaine (1515-1580?) poète et traducteur français du XVI° siècle. 

 


Chant sur la naissance de Jean, second fils de l'auteur


Mon petit fils, qui n'as encor rien vu,

A ce matin ton père te salue ;

Viens-t'en, viens voir ce monde bien pourvu

D'honneurs et biens qui sont de grant value ;

Viens voir la paix en

France descendue, Viens voir

François, notre roi et le tien,

Qui a la France ornée et défendue ;

Viens voir le monde où y a tant de bien.

 

Viens voir le monde, où y a tant de maux ;

Viens voir ton père en procès qui le mène ;

Viens voir ta mère en de plus grands travaux

Que quand son sein te portait à grand'peine ;

Viens voir ta mère, à qui n'as laissé veine

En bon repos ; viens voir ton père aussi,

Qui a passé sa jeunesse soudaine,

Et à trente ans est en peine et souci.

Jean, petit Jean, viens voir ce tant beau monde,

Ce ciel d'azur, ces étoiles luisantes,

Ce soleil d'or, cette grand terre ronde,

Cette ample mer, ces rivières bruyantes,

Ce bel air vague et ces nues courantes,

Ces beaux oiseaux qui chantent à plaisir,

Ces poissons frais et ces bêtes paissantes ;

Viens voir le tout à souhait et désir.

 

Viens voir le tout sans désir et souhait ;

Viens voir le monde en divers troublements ;

Viens voir le ciel qui notre terre hait ;

Viens voir le combat entre les éléments ;

Viens voir l'air plein de rudes soufflements,

De dure grêle et d'horribles tonnerres ;

Viens voir la terre en peine et tremblements ;

Viens voir la mer noyant villes et terres.

 

Enfant petit, petit et bel enfant,

Mâle bien fait, chef-d'oeuvre de ton père,

Enfant petit, en beauté triomphant,

La grand'liesse et joie de ta mère,

 

Le ris, l'ébat de ma jeune commère

Et de ton père aussi, certainement,

Le grand espoir, et l'attente prospère,

Tu sois venu au monde heureusement.

 

Petit enfant, peux-tu le bien venu

Être sur terre, où tu n'apportes rien,

Mais où tu viens comme un petit ver nu ?

Tu n'as de drap, ne linge qui soit tien,

Or ni argent, n'aucun bien terrien ;

A père et mère apportes seulement

Peine et souci, et voilà tout ton bien.

Petit enfant, tu viens bien pauvrement !

 

De ton honneur ne veuil plus être chiche,

Petit enfant de grand bien jouissant,

Tu viens au monde aussi grand, aussi riche

Comme le roi, et aussi florissant.

Ton héritage est le ciel splendissant ;

Tes serviteurs sont les anges sans vice ;

Ton trésorier, c'est le Dieu tout-puissant

Grâce divine est ta mère nourrice.
 

La Sainte Famille à l’oiseau - Bartolomé Estéban Murillo (1618-1682)

La Sainte Famille à l’oiseau - Bartolomé Estéban Murillo (1618-1682)

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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:39

 

 

Louis Des Masures (1515-1574) poète français

 

À l'automne 1551, il épousa Diane Baudoire, de Lunéville. Il se démit de son prieuré en faveur des deux frères de son épouse, qui étaient religieux bénédictins et qui le convoitaient. Diane lui donna un fils, Claude, au printemps 1553. Malheureusement, elle mourut quelques jours après. Le poète lui composa cette épitaphe :


Epitaphe de Diane Baudoire, sa femme

 

Diane, en couche, se sentant

De la rude mort assaillie,

Et déjà du tout lui étant

Là vive parole faillie

A son mari de main pâlie

Montre un beau fils, produit à l'heure,

Comme voulant dire: "Ne pleure

Avecques l'adieu d'un baiser,

Ce bel enfant qui te demeure,

Sera pour ton deuil apaiser".


 

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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 22:36

 

 

Guillaume Bouchet (1513-1594) écrivain français


Huitain


Dédale criait à son fils,

Afin de lui donner courage

"Vole comme je t'ai appris,

Suis toujours la moyenne plage" ;

Mais l'enfant, proche du naufrage,

Disait: "Je ne suis plus en l'air ;

Ne m'apprends donc plus à voler,

Montre moi plutôt comme on nage."
 

Laurent Pécheux (1729-1821)  Dédale et Icare (1780)

Laurent Pécheux (1729-1821) Dédale et Icare (1780)

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