6 janvier 2022 4 06 /01 /janvier /2022 23:03

 

 

François-Joseph Fabié (1846-1928) poète régionaliste français.
Le Moulin de Roupeyrac, sa maison natale, est aujourd'hui un musée consacré à sa vie et à son œuvre.

La Poésie des Bêtes, 1886

 


Les Moineaux

 

La neige tombe par les rues,

Et les moineaux, au bord du toit,

Pleurent les graines disparues.

"J’ai faim !" dit l’un ; l’autre : "J’ai froid !"

 

"Là-bas, dans la cour du collège,

Frères, allons glaner le pain

Que toujours jette – ô sacrilège ! –

Quelque écolier qui n’a plus faim".

 

A cet avis, la bande entière

S’égrène en poussant de grands cris,

Et s’en vient garnir la gouttière

Du vieux collège aux pignons gris.

 

C’est l’heure vague où, dans l’étude,

Près du poêle au lourd ronflement,

Les écoliers, de lassitude,

S’endorment sur le rudiment.

 

Un seul auprès de la fenêtre,

– Petit rêveur au fin museau, –

Se plaint que le sort l’ait fait naître

Ecolier, et non pas oiseau.
 

François Fabié (1846-1928) - poète régionaliste français - Les Moineaux
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6 janvier 2022 4 06 /01 /janvier /2022 23:03

 

 

Paul Éluard, nom de plume d'Eugène Grindel (1895-1952), poète français.

Le Livre ouvert I

 


Pour vivre ici


Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné,

Un feu pour être son ami,

Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver,

Un feu pour vivre mieux.

 

Je lui donnai ce que le jour m'avait donné:

Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,

Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,

Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.

 

Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes,

Au seul parfum de leur chaleur;

J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée,

Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.

Paul Éluard (1895-1952) - poète français - Pour vivre ici
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6 janvier 2022 4 06 /01 /janvier /2022 23:02

 

 

Ondine Valmore (1821-1853) poétesse et femme de lettres française

 

 

3 Novembre 1852

Mère



C’est l’hiver et le noir décembre

Gémit dans le bois attristé ;

A la fenêtre de ta chambre

Pend un vieux pampre dévasté;

La bise qui gronde à ta porte

Siffle autour de ton front charmant ;

Sans songer aux fleurs qu’elle emporte,

Pourquoi souris-tu si gaîment ?

 

Oh ! dit-elle en levant la tête,

Que me fait le temps triste ou beau !

Tous mes jours sont des jours de fête.

J’ai dans le coeur un chant d’oiseau.

 

Mais du sein de la terre ouverte

S’élèvent les blondes moissons;

Vois la feuille odorante et verte

Habiller rochers et maisons :

Quant tout frémit, s’éveille et chante,

Quand ta vitre brille au soleil,

Pourquoi la gaîté rayonnante

A-t-elle fui ton front vermeil ?

 

Oh ! dit-elle en baissant la tête,

Que me fait le temps triste ou beau !

Comment saurais-je que c’est fête ?

Mon coeur a perdu son oiseau.

 

Ondine Valmore (1821-1853) - poétesse et femme de lettres française - Mère
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6 janvier 2022 4 06 /01 /janvier /2022 23:01

 

 

Alfred Victor de Vigny ou comte de Vigny (1797-1863) écrivain, romancier, dramaturge et poète français.

Poèmes antiques et modernes

 


La neige


I

Qu’il est doux, qu’il est doux d’écouter des histoires,

Des histoires du temps passé,

Quand les branches d’arbres sont noires,

Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !


Quand seul dans un ciel pâle un peuplier s’élance,

Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher

L’immobile corbeau sur l’arbre se balance,

Comme la girouette au bout du long clocher !

 

Ils sont petits et seuls, ces deux pieds dans la neige.

Derrière les vitraux dont l’azur le protège,

Le Roi pourtant regarde et voudrait ne pas voir,

Car il craint sa colère et surtout son pouvoir.

 

De cheveux longs et gris son front brun s’environne,

Et porte en se ridant le fer de la couronne ;

Sur l’habit dont la pourpre a peint l’ample velours

L’empereur a jeté la lourde peau d’un ours.

 

Avidement courbé, sur le sombre vitrage

Ses soupirs inquiets impriment un nuage.

Contre un marbre frappé d’un pied appesanti,

Sa sandale romaine a vingt fois retenti.

 

Est-ce vous, blanche Emma, princesse de la Gaule ?

Quel amoureux fardeau pèse à sa jeune épaule ?

C’est le page Eginard, qu’à ses genoux le jour

Surprit, ne dormant pas, dans la secrète tour.

 

Doucement son bras droit étreint un cou d’ivoire,

Doucement son baiser suit une tresse noire,

Et la joue inclinée, et ce dos où les lys

De l’hermine entourés sont plus blancs que ses plis.

 

Il retient dans son coeur une craintive haleine,

Et de sa dame ainsi pense alléger la peine,

Et gémit de son poids, et plaint ses faibles pieds

Qui, dans ses mains, ce soir, dormiront essuyés ;

 

Lorsqu’arrêtée Emma vante sa marche sûre,

Lève un front caressant, sourit et le rassure,

D’un baiser mutuel implore le secours,

Puis repart chancelante et traverse les cours.

 

Mais les voix des soldats résonnent sous les voûtes,

Les hommes d’armes noirs en ont fermé les routes ;

Eginard, échappant à ses jeunes liens,

Descend des bras d’Emma, qui tombe dans les siens.

 

II

Un grand trône, ombragé des drapeaux d’Allemagne,

De son dossier de pourpre entoure Charlemagne.

Les douze pairs debout sur ses larges degrés

Y font luire l’orgueil des lourds manteaux dorés.

 

Tous posent un bras fort sur une longue épée,

Dans le sang des Saxons neuf fois par eux trempée ;

Par trois vives couleurs se peint sur leurs écus

La gothique devise autour des rois vaincus.

 

Sous les triples piliers des colonnes moresques,

En cercle sont placés des soldats gigantesques,

Dont le casque fermé, chargé de cimiers blancs,

Laisse à peine entrevoir les yeux étincelants.

 

Tous deux joignant les mains, à genoux sur la pierre,

L’un pour l’autre en leur coeur cherchant une prière,

Les beaux enfants tremblaient en abaissant leur front

Tantôt pâle de crainte ou rouge de l’affront.

 

*

 

D’un silence glacé régnait la paix profonde.

Bénissant en secret sa chevelure blonde,

Avec un lent effort, sous ce voile, Eginard

Tente vers sa maîtresse un timide regard.

 

Sous l’abri de ses mains Emma cache sa tête,

Et, pleurant, elle attend l’orage qui s’apprête :

Comme on se tait encore, elle donne à ses yeux

A travers ses beaux doigts un jour audacieux.

 

L’Empereur souriait en versant une larme

Qui donnait à ses traits un ineffable charme ;

Il appela Turpin, l’évêque du palais,

Et d’une voix très douce il dit : Bénissez-les.

 

Qu’il est doux, qu’il est doux d’écouter des histoires,

Des histoires du temps passé,
 

Eugène Lavieille - paysage d'hiver

Eugène Lavieille - paysage d'hiver

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6 janvier 2022 4 06 /01 /janvier /2022 23:01

 

 

William Chapman (1850-1917) journaliste, poète et traducteur canadien.

 

 

Il neige


C'est un après-midi du Nord.

Le ciel est blanc et morne. Il neige ;

Et l'arbre du chemin se tord

Sous la rafale qui l'assiège.

 

Depuis l'aurore, il neige à flots ;

Tout s'efface sous la tourmente.

A travers ses rauques sanglots

Une cloche au loin se lamente.

 

Le glas râle dans le brouillard,

Qu'aucune lueur n'illumine...

Voici venir un corbillard,

Qui sort de la combe voisine.

 

Un groupe, vêtu de noir, suit,

Muet, le lourd traîneau funèbre.

Déjà du ciel descend la nuit,

Déjà la route s'enténèbre.

 

Et toujours du bronze éploré

Tombe la lugubre prière;

Et j'entends dans mon coeur navré

Tinter comme un glas funéraire.

 

Je me souviens... Je me revois,

Sur le blanc linceul de la terre,

Dans la bise, en pleurs, aux abois,

Suivant le cercueil de mon père.

 

Je ne puis détacher mon oeil,

Voilé d'une larme dernière,

Du silencieux groupe en deuil

Qui marche vers le cimetière.

 

Je sens, saisi d'un vague effroi,

Qui me retient à la fenêtre,

Qu'en la marche du noir convoi

Fuit quelque chose de mon être.

 

Soudain dans le champ de la mort

Disparaît le sombre cortège...

C'est un après-midi du Nord.

Le ciel est blanc et morne. Il neige.
 

William Chapman (1850-1917) - journaliste, poète et traducteur canadien - Il neige
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6 janvier 2022 4 06 /01 /janvier /2022 23:00


 

Olivier Calemard de la Fayette (1877-1906), poète symboliste français

 


Pour fêter le retour normal de l'âpre hiver 


Pour fêter le retour normal de l'âpre hiver,

J'ai gravi, dès le jour, ma montagne rouillée.

Le vent du nord-ouest a soufflé tout hier.

 

J'en voulais savourer la rafale mouillée,

Jeux de pluie aux clartés du ravin partiel,

Sur le treillis brumeux des branches dépouillées.

 

La lumière est instable aux décors irréels

Des vallons d'ombre ensoleillés de claire brume

Où se joignent, pour fuir, des lambeaux d'arc-en-ciel.

 

Le roc ruisselle et luit et les pics d'argent fument.

Sous le vent brusque obstinément ailé de nuit,

Et l'aile sombre éteint le rayon qui s'allume ;

 

Et tout le paysage pâle tourne et luit,

Cependant qu'au taillis fauve des petits chênes

Chaque feuille légère et plaintive bruit.

 

Et le mont tout entier pleure des larmes vaines.
 

 Olivier Calemard de la Fayette (1877-1906) - poète symboliste français - Pour fêter le retour normal de l'âpre hiver 
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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 17:55

 

 

Jules Verne (1828-1905)  écrivain français dont l'œuvre est, pour la plus grande partie, constituée de romans d'aventures évoquant les progrès scientifiques du XIX° siècle.



Quand par le dur hiver...

Sonnet

 

Quand par le dur hiver tristement ramenée

La neige aux longs flocons tombe, et blanchit le toit,

Laissez geindre du temps la face enchifrenée.

Par nos nombreux fagots, rendez-moi l'âtre étroit !

 

Par le rêveur oisif, la douce après-dinée !

Les pieds sur les chenets, il songe, il rêve, il croit

Au bonheur ! - il ne veut devant sa cheminée

Qu'un voltaire bien doux, pouvant railler le froid !

 

Il tisonne son feu du bout de sa pincette ;

La flamme s'élargit, comme une étoile jette

L'étincelle que l'oeil dans l'ombre fixe et suit ;

 

Il lui semble alors voir les astres du soir poindre ;

L'illusion redouble ; heureux ! il pense joindre

A la chaleur du jour le charme de la nuit !
 

William Hays - nuit de neige

William Hays - nuit de neige

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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 17:54

 

 

Guy de Maupassant (1850-1893) écrivain et journaliste littéraire français 

Recueil : Des vers


 

Nuit de neige


La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.

Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.

Mais on entend parfois, comme une morne plainte,

Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.

 

Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.

L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;

Des arbres dépouillés dressent à l'horizon

Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

 

La lune est large et pâle et semble se hâter.

On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.

De son morne regard elle parcourt la terre,

Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.

 

Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,

Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;

Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,

Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

 

Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !

Un vent glacé frissonne et court par les allées ;

Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,

Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

 

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas

Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;

De leur oeil inquiet ils regardent la neige,

Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.

 

Nuit De Neige, Peinture par Hélène Molina

Nuit De Neige, Peinture par Hélène Molina

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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 17:54

 

 

André Lemoyne (1822-1907) poète et romancier français.

 


Matin d'hiver

À Mademoiselle Marguerite Coutanseau.

 

La neige tombe en paix sur Paris qui sommeille,

De sa robe d'hiver à minuit s'affublant.

Quand la ville surprise au grand jour se réveille,

Fins clochers, dômes ronds, palais vieux, tout est blanc.

 

Moins rudes sont les froids, et la Seine charrie :

D'énormes blocs de glace aux longs reflets vitreux

Éclaboussent d'argent l'arche du pont Marie,

Poursuivent leur voyage et se choquent entre eux.

 

Les cloches qui tintaient à si grandes volées,

Pour fêter dignement les jours carillonnés,

N'ont plus qu'un timbre mat et des notes voilées,

Comme si leurs battants étaient capitonnés.

 

Les barques des chalands au long des quais rangées,

De leur unique voile ont fermé l'éventail,

Et toutes dans la glace, en bon ordre figées,

Sont prises dans leur coque et jusqu'au gouvernail.

 

Enrobant le Soleil sous deux ailes de flamme,

Un goéland du Havre ou de Pont-Audemer

Vient comme un Saint-Esprit planer sur Notre-Dame :

On reconnaît de loin le grand oiseau de mer.

 

Ce fut par de joyeux et clairs matins de neige,

Où l'aurore allumait ses premiers feux pourprés,

Qu'autrefois les Normands, blonds fils de la Norvège,

Dressaient la haute échelle à Saint-Germain-des-Prés.
 

Thomas Kinkade - Paris sous la neige

Thomas Kinkade - Paris sous la neige

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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 17:53


 

Ondine Valmore (1821-1853) poétesse et femme de lettres française



La voix

 

La neige au loin couvre la terre nue ;

Les bois déserts étendent vers la nue

Leurs grands rameaux qui, noirs et séparés,

D'aucune feuille encor ne sont parés ;

La sève dort et le bourgeon sans force

Est pour longtemps engourdi sous l'écorce ;

L'ouragan souffle en proclamant l'hiver

Qui vient glacer l'horizon découvert.

Mais j'ai frémi sous d'invisibles flammes

Voix du printemps qui remuez les âmes,

Quand tout est froid et mort autour de nous,

Voix du printemps, ô voix, d'où venez-vous ?...

Jean Baudoin - paysage de neige

Jean Baudoin - paysage de neige

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