4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 20:09

 

 

Stéphane Mallarmé (1842-1898) poète français, également enseignant, traducteur et critique d'art.

 

 

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui ...

 

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui

Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre

Ce lac dur oublié que hante sous le givre

Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

 

Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui

Magnifique mais qui sans espoir se délivre

Pour n'avoir pas chanté la région où vivre

Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

 

Tout son col secouera cette blanche agonie

Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,

Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.

 

Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,

Il s'immobilise au songe froid de mépris

Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.
 

3h Cygne tragique   (aquarelle Mj 2004)

3h Cygne tragique (aquarelle Mj 2004)

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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 20:08

 

 

Alfred de Musset (1810-1857) poète, dramaturge et écrivain français de la période romantique 

 

Sonnet : Que j'aime le premier frisson d'hiver...

 

Que j'aime le premier frisson d'hiver ! le chaume,

Sous le pied du chasseur, refusant de ployer !

Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume,

Au fond du vieux château s'éveille le foyer ;

 

C'est le temps de la ville. - Oh ! lorsque l'an dernier,

J'y revins, que je vis ce bon Louvre et son dôme,

Paris et sa fumée, et tout ce beau royaume

(J'entends encore au vent les postillons crier),

 

Que j'aimais ce temps gris, ces passants, et la Seine

Sous ses mille falots assise en souveraine !

J'allais revoir l'hiver. - Et toi, ma vie, et toi !

 

Oh ! dans tes longs regards j'allais tremper mon âme

Je saluais tes murs. - Car, qui m'eût dit, madame,

Que votre coeur sitôt avait changé pour moi ?

Eugène Galien-Laloue (1854-1941) le quai de l'hotel de ville sous la neige

Eugène Galien-Laloue (1854-1941) le quai de l'hotel de ville sous la neige

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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 20:07

 

 

Charles Sainte-Beuve (1804-1869) critique littéraire et écrivain français. Représentant du romantisme, il est réputé pour ses critiques littéraires et la méthode d'écriture qu'il a employée.

 


J'étais un arbre en fleur où chantait ma Jeunesse


J'étais un arbre en fleur où chantait ma Jeunesse,

Jeunesse, oiseau charmant, mais trop vite envolé,

Et même, avant de fuir du bel arbre effeuillé,

Il avait tant chanté qu'il se plaignait sans cesse.

 

Mais sa plainte était douce, et telle en sa tristesse

Qu'à défaut de témoins et de groupe assemblé,

Le buisson attentif avec l'écho troublé

Et le coeur du vieux chêne en pleuraient de tendresse.

 

Tout se tait, tout est mort ! L'arbre, veuf de chansons,

Étend ses rameaux nus sous les mornes saisons ;

Quelque craquement sourd s'entend par intervalle ;

 

Debout il se dévore, il se ride, il attend,

Jusqu'à l'heure où viendra la Corneille fatale

Pour le suprême hiver chanter le dernier chant.

 

Charles Sainte-Beuve (1804-1869)    J'étais un arbre en fleur où chantait ma Jeunesse
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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 20:06

 

 

Théodore Agrippa d'Aubigné, né d’Aubigny (1552-1630) homme de guerre, écrivain controversiste et poète baroque français. Il est notamment connu pour Les Tragiques, poème héroïque racontant les persécutions subies par les protestants.


 

Ce doux hiver qui égale ses jours


Ce doux hiver qui égale ses jours

A un printemps, tant il est aimable,

Bien qu'il soit beau, ne m'est pas agréable,

J'en crains la queue, et le succès toujours.

 

J'ai bien appris que les chaudes amours,

Qui au premier vous servent une table

Pleine de sucre et de mets délectable,

Gardent au fruit leur amer et leurs tours.

 

Je vois déjà les arbres qui boutonnent

En mille noeuds, et ses beautés m'étonnent,

En une nuit ce printemps est glacé,

 

Ainsi l'amour qui trop serein s'avance,

Nous rit, nous ouvre une belle apparence,

Est né bien tôt bien tôt effacé.

Théodore Agrippa d'Aubigné, né d’Aubigny (1552-1630) - poète baroque français -  Ce doux hiver qui égale ses jours
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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 20:05

 

Pernette du Guillet  (1520-1545 poétesse française.

(Rymes VIII)

 

 

Jà n'est besoin que plus je me soucie

 

Jà n'est besoin que plus je me soucie

Si le jour faut, ou que vienne la nuit,

Nuit hivernale, et sans Lune obscurcie :

Car tout cela certes rien ne me nuit,

Puisque mon Jour par clarté adoucie

M'éclaire toute, et tant, qu'à la minuit

En mon esprit me fait apercevoir

Ce que mes yeux ne surent oncques voir.

 

Karl Müller - femme s'éclairant à la lampe à pétrole

Karl Müller - femme s'éclairant à la lampe à pétrole

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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 22:55

 

 

Claude-Emmanuel Lhuillier, dit Chapelle (1626-1686) homme de lettres français du Grand Siècle, resté dans l'histoire littéraire pour avoir été l'ami intime de trois auteurs majeurs de l'époque : Cyrano de Bergerac, D'Assoucy et Molière, et pour avoir écrit, avec François Le Coigneux de Bachaumont, un Voyage en prose et en vers qui a été le modèle de maints autres récits de même forme.



A Monsieur l'abbé de Chaulieu.

L'hiver

 

Cher abbé, souviens-toi qu'Horace

Veut qu'on mette pendant ces froids

Largement du vin dans la tasse

Et dans le foyer force bois.

Vois-tu nos arbres et nos toits

Soutenir à peine le poids

De la neige qui s'y ramasse ?

Vois-tu nos fleuves, comme en Thrace,

Si bien arrêtés pour deux mois,

Que bientôt à la même place,

Où roulaient les flots autrefois,

Tu verras rouler les charrois

Sur leur ferme et stable surface ?

 

Les aquilons ont glacé l'air ;

Le soleil n'ose plus aller,

Et, puisque tant de temps se passe

Sans qu'il paraisse dans les cieux,

Crois que le forgeron des dieux

Lui ferre ses chevaux à glace.

 

La terre aussi, s'émerveillant

De voir de la céleste voûte

Lui manquer le secours brillant,

De crainte se cache en déroute ;

Et, partout aux yeux défaillant,

S'en va bientôt faire, sans doute,

Au peuple brute banqueroute,

Qui n'a plus, dans tout son vaillant,

Que l'écorce du bois qu'il broute.

 

Plus desséché qu'un hareng pec,

Le poisson meurt sous ses entraves ;

Pour mettre de quoi dans leur bec,

Les oiseaux se font nos esclaves ;

Et nous-mêmes, sans choux ni raves,

Ne vivons dans ce rude échec

Que de ce dont Melchissédec

Reput Abraham et ses braves,

C'est-à-dire de beau pain sec,

Et du bon gros vin de nos caves.

 

Abbé, long sera ce désordre,

Qui tout l'univers a transi ;

Et nous va ce grand hiver-ci

Donner bien du fil à retordre.

Il a nos jardins endurci,

Et corrompu tous nos mets, si

Que qui peut y trouver à mordre

Au ciel doit un beau grand merci.

 

Tenons-nous donc, toi dans Évreux,

Où soir et matin tu festines

Avec la fleur des héroïnes,

Moi dans Anet, lieu plein de jeux

Et de bons vins, les plus fameux

De France et des îles voisines.

Aussi m'y crois-je tant heureux

Et comblé de faveurs divines,

Que, pendant tout ce temps affreux,

Pour en sortir, d'un mois ou deux

Ne feront place à mes bottines

Mes souliers, si tu ne le veux

Et qu'âprement tu ne t'obstines,

Ou que, pour faire au ciel des voeux,

Jussac, du bien vivre amoureux,

A Noel ne m'entraîne à matines.
 

Charles Denet - sortie Cathédrale Evreux sous la neige

Charles Denet - sortie Cathédrale Evreux sous la neige

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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 19:14

 

 

Jules Laforgue (1860-1887) poète franco-uruguayen symboliste.

 


L'hiver qui vient


Blocus sentimental ! Messageries du Levant !...

Oh, tombée de la pluie ! Oh ! tombée de la nuit,

Oh ! le vent !...

La Toussaint, la Noël et la Nouvelle Année,

Oh, dans les bruines, toutes mes cheminées !...

D'usines....

 

On ne peut plus s'asseoir, tous les bancs sont mouillés ;

Crois-moi, c'est bien fini jusqu'à l'année prochaine,

Tant les bancs sont mouillés, tant les bois sont rouillés,

Et tant les cors ont fait ton ton, ont fait ton taine !...

 

Ah, nuées accourues des côtes de la Manche,

Vous nous avez gâté notre dernier dimanche.

 

Il bruine ;

Dans la forêt mouillée, les toiles d'araignées

Ploient sous les gouttes d'eau, et c'est leur ruine.

 

Soleils plénipotentiaires des travaux en blonds Pactoles

Des spectacles agricoles,

Où êtes-vous ensevelis ?

Ce soir un soleil fichu gît au haut du coteau

Gît sur le flanc, dans les genêts, sur son manteau,

Un soleil blanc comme un crachat d'estaminet

Sur une litière de jaunes genêts

De jaunes genêts d'automne.

Et les cors lui sonnent !

Qu'il revienne....

Qu'il revienne à lui !

Taïaut ! Taïaut ! et hallali !

Ô triste antienne, as-tu fini !...

Et font les fous !...

Et il gît là, comme une glande arrachée dans un cou,

Et il frissonne, sans personne !...

 

Allons, allons, et hallali !

C'est l'Hiver bien connu qui s'amène ;

Oh ! les tournants des grandes routes,

Et sans petit Chaperon Rouge qui chemine !...

Oh ! leurs ornières des chars de l'autre mois,

Montant en don quichottesques rails

Vers les patrouilles des nuées en déroute

Que le vent malmène vers les transatlantiques bercails !...

Accélérons, accélérons, c'est la saison bien connue, cette fois.

 

Et le vent, cette nuit, il en a fait de belles !

Ô dégâts, ô nids, ô modestes jardinets !

Mon coeur et mon sommeil : ô échos des cognées !...

 

Tous ces rameaux avaient encor leurs feuilles vertes,

Les sous-bois ne sont plus qu'un fumier de feuilles mortes ;

Feuilles, folioles, qu'un bon vent vous emporte

Vers les étangs par ribambelles,

Ou pour le feu du garde-chasse,

Ou les sommiers des ambulances

Pour les soldats loin de la France.

 

C'est la saison, c'est la saison, la rouille envahit les masses,

La rouille ronge en leurs spleens kilométriques

Les fils télégraphiques des grandes routes où nul ne passe.

 

Les cors, les cors, les cors - mélancoliques !...

Mélancoliques !...

S'en vont, changeant de ton,

Changeant de ton et de musique,

Ton ton, ton taine, ton ton !...

Les cors, les cors, les cors !...

S'en sont allés au vent du Nord.

 

Je ne puis quitter ce ton : que d'échos !...

C'est la saison, c'est la saison, adieu vendanges !...

Voici venir les pluies d'une patience d'ange,

Adieu vendanges, et adieu tous les paniers,

Tous les paniers Watteau des bourrées sous les marronniers,

C'est la toux dans les dortoirs du lycée qui rentre,

C'est la tisane sans le foyer,

La phtisie pulmonaire attristant le quartier,

Et toute la misère des grands centres.

 

Mais, lainages, caoutchoucs, pharmacie, rêve,

Rideaux écartés du haut des balcons des grèves

Devant l'océan de toitures des faubourgs,

Lampes, estampes, thé, petits-fours,

Serez-vous pas mes seules amours !...

(Oh ! et puis, est-ce que tu connais, outre les pianos,

Le sobre et vespéral mystère hebdomadaire

Des statistiques sanitaires

Dans les journaux ?)

 

Non, non ! C'est la saison et la planète falote !

Que l'autan, que l'autan

Effiloche les savates que le Temps se tricote !

C'est la saison, oh déchirements ! c'est la saison !

Tous les ans, tous les ans,

J'essaierai en choeur d'en donner la note.
 

 Jo Héliotrope.

Jo Héliotrope.

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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 19:13

 

 

Charles-Marie Leconte de Lisle (1818-1894) poète français,

 


L'incantation du loup


Les lourds rameaux neigeux du mélèze et de l'aune.

Un grand silence. Un ciel étincelant d'hiver.

Le Roi du Hartz, assis sur ses jarrets de fer,

Regarde resplendir la lune large et jaune.

 

Les gorges, les vallons, les forêts et les rocs

Dorment inertement sous leur blême suaire,

Et la face terrestre est comme un ossuaire

Immense, cave ou plat, ou bossué par blocs.

 

Tandis qu'éblouissant les horizons funèbres,

La lune, oeil d'or glacé, luit dans le morne azur,

L'angoisse du vieux Loup étreint son coeur obscur,

Un âpre frisson court le long de ses vertèbres.

 

Sa louve blanche, aux yeux flambants, et les petits

Qu'elle abritait, la nuit, des poils chauds de son ventre,

Gisent, morts, égorgés par l'homme, au fond de l'antre.

Ceux, de tous les vivants, qu'il aimait, sont partis.

 

Il est seul désormais sur la neige livide.

La faim, la soif, l'affût patient dans les bois,

Le doux agneau qui bêle ou le cerf aux abois,

Que lui fait tout cela, puisque le monde est vide ?

 

Lui, le chef du haut Hartz, tous l'ont trahi, le Nain

Et le Géant, le Bouc, l'Orfraie et la Sorcière,

Accroupis près du feu de tourbe et de bruyère

Où l'eau sinistre bout dans le chaudron d'airain.

 

Sa langue fume et pend de la gueule profonde.

Sans lécher le sang noir qui s'égoutte du flanc,

Il érige sa tête aiguë en grommelant,

Et la haine, dans ses entrailles, brûle et gronde.

 

L'Homme, le massacreur antique des aïeux,

De ses enfants et de la royale femelle

Qui leur versait le lait ardent de sa mamelle,

Hante immuablement son rêve furieux.

 

Une braise rougit sa prunelle énergique ;

Et, redressant ses poils roides comme des clous,

Il évoque, en hurlant, l'âme des anciens loups

Qui dorment dans la lune éclatante et magique.
 

Charles-Marie Leconte de Lisle (1818-1894) - poète français - L'incantation du loup
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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 19:12

 

 

Charles-Marie Leconte de Lisle (1818-1894) poète français,

Poèmes barbares

 


Paysage polaire


Un monde mort, immense écume de la mer,

Gouffre d’ombre stérile et de lueurs spectrales,

Jets de pics convulsifs étirés en spirales

Qui vont éperdument dans le brouillard amer.

 

Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer

Où passent à plein vol les clameurs sépulcrales,

Les rires, les sanglots, les cris aigus, les râles

Qu’un vent sinistre arrache à son clairon de fer.

 

Sur les hauts caps branlants, rongés des flots voraces,

Se roidissent les Dieux brumeux des vieilles races,

Congelés dans leur rêve et leur lividité ;

 

Et les grands ours, blanchis par les neiges antiques,

Çà et là, balançant leurs cous épileptiques,

Ivres et monstrueux, bavent de volupté.
 

Ours polaire sur la banquise - Jitka Krause

Ours polaire sur la banquise - Jitka Krause

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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 19:12

 

 

Victor Hugo (1802-1885) poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français,

 


Janvier est revenu. Ne crains rien, noble femme !


Janvier est revenu. Ne crains rien, noble femme !

Qu'importe l'an qui passe et ceux qui passeront !

Mon amour toujours jeune est en fleur dans mon âme ;

Ta beauté toujours jeune est en fleur sur ton front.

 

Sois toujours grave et douce, ô toi que j'idolâtre ;

Que ton humble auréole éblouisse les yeux !

Comme on verse un lait pur dans un vase d'albâtre,

Emplis de dignité ton coeur religieux.

 

Brave le temps qui fuit. Ta beauté te protège.

Brave l'hiver. Bientôt mai sera de retour.

Dieu, pour effacer l'âge et pour fondre la neige,

Nous rendra le printemps et nous laisse l'amour.

 

1er janvier 1842.

Frederick Childe Hassam (1859-1935), femme en rose

Frederick Childe Hassam (1859-1935), femme en rose

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