27 avril 2024 6 27 /04 /avril /2024 20:30

 

Alphonse de Lamartine (1790-1869) poète français

Recueil : Harmonies poétiques et religieuses

 

"Le chêne – suite de Jehova" 

 

Voilà ce chêne solitaire

Dont le rocher s’est couronné,

Parlez à ce tronc séculaire,

Demandez comment il est né.

 

Un gland tombe de l’arbre et roule sur la terre,

L’aigle à la serre vide, en quittant les vallons,

S’en saisit en jouant et l’emporte à son aire

Pour aiguiser le bec de ses jeunes aiglons ;

Bientôt du nid désert qu’emporte, la tempête

Il roule confondu dans les débris mouvants,

Et sur la roche nue un grain de sable arrête

Celui qui doit un jour rompre l’aile des vents ;

L’été vient, l’Aquilon soulève

La poudre des sillons, qui pour lui n’est qu’un jeu,

Et sur le germe éteint où couve encor la sève

En laisse retomber un peu !

Le printemps de sa tiède ondée

L’arrose comme avec la main ;

Cette poussière est fécondée

Et la vie y circule enfin !

 

La vie ! à ce seul mot tout oeil, toute pensée,

S’inclinent confondus et n’osent pénétrer ;

Au seuil de l’Infini c’est la borne placée ;

Où la sage ignorance et l’audace insensée

Se rencontrent pour adorer !

 

Il vit, ce géant des collines !

Mais avant de paraître au jour,

Il se creuse avec ses racines

Des fondements comme une tour.

Il sait quelle lutte s’apprête,

Et qu’il doit contre la tempête

Chercher sous la terre un appui;

Il sait que l’ouragan sonore

L’attend au jour !.., ou, s’il l’ignore,

Quelqu’un du moins le sait pour lui !
 

Alphonse de Lamartine (1790-1869) poète français - "Le chêne – suite de Jehova"
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26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 17:35

 

 

Arthur Rimbaud (1854-1891) poète français

Recueil : Derniers vers (1872) 

 

Ô saisons, ô châteaux

 
Ô saisons ô châteaux,

Quelle âme est sans défauts ?

 

Ô saisons, ô châteaux,

 

J'ai fait la magique étude

Du Bonheur, que nul n'élude.

 

Ô vive lui, chaque fois

Que chante son coq gaulois.

 

Mais ! je n'aurai plus d'envie,

Il s'est chargé de ma vie.

 

Ce Charme ! il prit âme et corps

.Et dispersa tous efforts.

 

Que comprendre à ma parole ?

Il fait qu'elle fuie et vole !

 

Ô saisons, ô châteaux !

 

Et, si le malheur m'entraîne,

Sa disgrâce m'est certaine.

 

Il faut que son dédain, las !

Me livre au plus prompt trépas !

 

- Ô Saisons, ô Châteaux !


 

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26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 16:34


 

 

Anna de Noailles (1876-1933) poétesse et romancière française d'origines roumaine et grecque

Recueil : Le cœur innombrable (1901).

 

 

Les saisons et l'amour

 


Le gazon soleilleux est plein

De campanules violettes,

Le jour las et brûlé halette

Et pend aux ailes des moulins.

 

La nature, comme une abeille,

Est lourde de miel et d'odeur,

Le vent se berce dans les fleurs

Et tout l'été luisant sommeille.

 

— Ô gaieté claire du matin

Où l'âme, simple dans sa course,

Est dansante comme une source

Qu'ombragent des brins de plantain !

 

De lumineuses araignées

Glissent au long d'un fil vermeil,

Le cœur dévide du soleil

Dans la chaleur d'ombre baignée.

 

— Ivresse des midis profonds,

Coteaux roux où grimpent des chèvres,

Vertige d'appuyer les lèvres

Au vent qui vient de l'horizon ;

 

Chaumières debout dans l'espace

Au milieu des seigles ployés,

Ayant des plants de groseilliers

Devant la porte large et basse...

 

— Soirs lourds où l'air est assoupi,

Où la moisson pleine est penchante,

Où l'âme, chaude et désirante,

Est lasse comme les épis.

 

Plaisir des aubes de l'automne,

Où, bondissant d'élans naïfs,

Le cœur est comme un buisson vif

Dont toutes les feuilles frissonnent !

 

Nuits molles de désirs humains,

Corps qui pliez comme des saules,

Mains qui s'attachent aux épaules,

Yeux qui pleurent au creux des mains.

 

— Ô rêves des saisons heureuses,

Temps où la lune et le soleil

Écument en rayons vermeils

Au bord des âmes amoureuses...


 

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24 avril 2024 3 24 /04 /avril /2024 20:59


 

Charles Cros (1842-1888) poète

Recueil : Le coffret de santal (1873).

 

 

Les quatre saisons 

 

 

Le printemps

 

Au printemps, c'est dans les bois nus

Qu'un jour nous nous sommes connus.

 

Les bourgeons poussaient vapeur verte.

L'amour fut une découverte.

 

Grâce aux lilas, grâce aux muguets,

De rêveurs nous devînmes gais.

 

Sous la glycine et le cytise,

Tous deux seuls, que faut-il qu'on dise ?

 

Nous n'aurions rien dit, réséda,

Sans ton parfum qui nous aida.

 

 

L'été

 

En été les lis et les roses

Jalousaient ses tons et ses poses,

 

La nuit, par l'odeur des tilleuls

Nous nous en sommes allés seuls.

 

L'odeur de son corps, sur la mousse,

Est plus enivrante et plus douce.

 

En revenant le long des blés,

Nous étions tous deux bien troublés.

 


L'automne


L'automne fait les bruits froissés

De nos tumultueux baisers.

 

Dans l'eau tombent les feuilles sèches

Et sur ses yeux, les folles mèches.

 

Voici les pèches, les raisins,

J'aime mieux sa joue et ses seins.

 

Que me fait le soir triste et rouge,

Quand sa lèvre boudeuse bouge ?

 

Le vin qui coule des pressoirs

Est moins traître que ses yeux noirs.

 


L'hiver


C'est l'hiver. Le charbon de terre

Flambe en ma chambre solitaire.

 

La neige tombe sur les toits.

Blanche ! Oh, ses beaux seins blancs et froids !

 

Même sillage aux cheminées

Qu'en ses tresses disséminées.

 

Au bal, chacun jette, poli,

Les mots féroces de l'oubli,

 

L'eau qui chantait s'est prise en glace,

Amour, quel ennui te remplace !
 

Charles Cros (1842-1888) poète - Les quatre saisons 
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23 avril 2024 2 23 /04 /avril /2024 21:07

 

 

Amable Tastu (1798-1885) femme de lettres française, poétesse et librettiste.

Recueil : Poésies (1826).

 


Les saisons du Nord


Connaissez-vous ces bords qu'arrose la Baltique,

Et dont les souvenirs, aimés du Barde antique,

Ont réveillé la harpe amante des torrents ?

Connaissez-vous ces champs qu'un long hiver assiège,

L'orgueil des noirs sapins que respecte la neige,

Ces rocs couverts de mousse et ces lacs transparents ?

 

D'un rapide printemps la fugitive haleine

Y ranime en passant et les monts et la plaine ;

Un prompt été le suit, et, prodigue de feux,

Se hâte de mûrir les trésors qu'il nous donne ;

Car l'hiver menaçant laisse à peine à l'automne

Le temps de recueillir ses présents savoureux.

 

Mais ces rares beaux jours, quel charme les décore !

La nuit demi-voilée y ressemble à l'aurore :

Une molle douceur se répand dans les airs ;

Et cette heure rapide où le soleil repose,

Clisse avec le murmure et les parfums de rose

Des bouleaux agités par la brise des mers.

 

Hâtez-vous de goûter d'éphémères délices ;

L'hiver qui vous poursuit de ses tristes prémices,

D'un givre étincelant a blanchi ces climats :

Bientôt l'onde s'arrête à sa voix redoutable,

Et sur les champs muets que son empire accable

D'une haleine puissante il souffle les frimas.

 

Mais aux natals plaisirs lui seul offre un théâtre,

Ses chemins de cristal et ses tapis d'albâtre

Ouvrent leur blanche arène aux traîneaux triomphants ;

Et malgré ses rigueurs et sa morne durée,

Lui seul prête ses traits à l'image sacrée

Qui grave la patrie au cœur de ses enfants.

 

Beaux climats du Midi, terres du ciel aimées !

Que sont au fils du Nord vos brises embaumées ?

Les jasmins de Grenade et leurs parfums si doux

Ne pourraient l'arracher à sa mélancolie,

Sous vos rameaux en fleurs, citronniers d'Italie,

Il rêve un sol de glace et des cieux en courroux.
 

Amable Tastu (1798-1885) femme de lettres française, poétesse et librettiste - Les saisons du Nord
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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 20:58

 

 

Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) poète, écrivain et philosophe suisse

Recueil : Grains de mil (1854).

 

 

Les saisons au village

 

Monts sublimes !

Si l'Hiver glace vos âmes

Qui blanchissent dans l'azur,

De vos flancs descend l'air pur,

L'eau jaillit de vos abîmes.

 

Alouettes !

Du Printemps les pâquerettes

Ont brillé parmi le thym ;

Gais troupeaux, c'est le matin ;

L'aube a lui; tintez, clochettes !

 

Providence !

L'épi mûr, c'est l'abondance

Que pour nous l'Été blondit ;

Au soleil le champ sourit ;

Le fléau bat en cadence.

 

Meurs, feuillée !

Fruits tombez, l'herbe est mouillée ;

Automne, ouvre tes pressoirs ;

Courts sont les jours, doux les soirs ;

L'oiseau fuit, chante, ô veillée !

 

Harmonie !

Les Saisons ont un génie ;

Dans les champs et dans le cœur,

Partout il veut le bonheur ;

Œuvre sainte, oh ! sois bénie !
 

Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) poète, écrivain et philosophe suisse - Les saisons au village
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