Remy de Gourmont, né au manoir de la Motte à Bazoches-au-Houlme, près d'Argentan (Orne), le 4 avril 1858 et mort à Paris le 27 septembre 1915, est un écrivain français, à la fois romancier, journaliste et critique d'art, proche des symbolistes.
L'odeur des jacynthes
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
L'église ancienne s'endormait dans un mystère,
Crypte où d'obscurs martyrs reposent en poussière,
Salle de manoir féodal ;
Nous étions là, dans l'ombre, assis tous deux, les plinthes
d'un pilier nous cachaient ; vous aviez des jacynthes,
fleur au parfum impérial.
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
Ils allaient, dépassant la voûte,
vers la rive où jamais le doute
en sa frêle nef n'aborda,
mais, ô lamentable déroute !
ils se sont querellés en route
et la raison les rencontra.
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
Et je songeais :
Comment tenir à la tempête
Sans ce bras pour gouvernail,
et sans cette tête pour étoile,
comment tenir à la tempête
sans elle ?
Et je songeais encore :
Quel serait mon soleil sans la caresse, et la splendeur,
et le vermeil éclat de ses cheveux,
quel serait mon soleil
sans elle ?
Il ferait nuit sans la clarté de ses yeux bleus ;
la pourpre des matins pâlirait dans mes deux,
plus de midis, sans la clarté de ses yeux bleus,
sans elle.
Avec elle, la vie est un puissant parfum
dont l'émanation berce et ranime
l'un et l'autre de mes jours :
quel serait leur parfum,
sans elle ?
Pour elle, il n'est ni mal, ni souffrance,
ni deuil qu'on ne porte avec joie,
ayant passé le seuil de sa maison :
il n'est que souffrance et que deuil,
sans elle.
Par elle, je veux vivre,
et par elle mourir :
ma force est le baiser qui me fait défaillir
et me marque au fer chaud, car il faudrait mourir,
sans elle.
En elle, j'ai mis tout, jusqu'à mon infini :
l'univers est à moi, quand sa bouche a souri,
et Dieu n'est qu'un fantôme,
il n'est pas d'infini,
sans elle.
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
Un peu de ta main brûlait dans ma main,
par nos doigts ardents le fluide humain
passait en nos chairs, noyait nos pensées
et cœurs galopants, gorges oppressées,
nos désirs prenaient le même chemin.
Ainsi, chère, ta vie a passé dans la mienne,
Plus rien ne demeure en moi qui ne t'appartienne :
Je voudrais le graver en toi, qu'il t'en souvienne,
Ainsi, chère, ma vie a passé dans la tienne.
L'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens,
l'orgue avait des plaintes
à troubler les saintes,
l'odeur des jacynthes
vibrait dans l'encens.
" mai" .