Charles Dobzynski (né en 8 avril 1929 à Varsovie en Pologne et mort le 26 septembre 2014 à Vincennes (Val-de-Marne) est un écrivain et poète français.
Pour la paix. Les plus beaux poèmes
Editions Messidor / Temps actuel, 1983
Mais si…
Et si dans les raisins
l’automne ne venait
plus
ni la lumière
dans la dernière goutte
du soleil
ni dans les yeux
ce qui mûrit et renaît ?
Si plus une bouche
pour éclairer
plus un regard
pour défricher
n’échappait à la cendre ?
Rien que le noir
comme une foudre
qui n’en finirait pas
de calciner ce qu’elle touche
la tache de la terre
bourdonnante
de mouches radioactives ?
Mais si tous les corps un par un
toutes les bouches
tous les yeux
formaient un mur de leur lumière
seule la mort au pied du mur
serait délébile
et nul feu noir nulle éponge de cendre
n’effaceraient mémoire de la vie
au tableau de l’arbre et du blé
et dans la grappe du soleil
de goutte en goutte
poindrait l’éclair
de l’automne comme un baiser.
Edmond Flegenheimer, dit Edmond Fleg, né le 26 novembre 1874 à Genève et mort le 15 octobre 1963 à Paris, est un écrivain, philosophe, romancier, essayiste et homme de théâtre suisse et français.
à la gloire du raisin...
De la vigne au loin plantée,
Sous l'or de ses grains géants
Ceux de Caleb l'ont portée,
La grappe de Canaan;
Les lévites l'ont vantée
Dans le tabernacle errant,
Et Myriam l'a chantée
Jusqu'aux sables de Pharan.
Grappe, grappe qui poussa
Au pays de Mamré,
Où Abraham avec Sarah
Vit trois anges marcher;
Grappe, grappe qui poussa
Au pays de Moré,
Où, sur le Saint Moria
Isaac fut délivré;
Grappe, grappe qui poussa
Au pays de Bethel,
Où, la nuit, Jacob trouva
Le marchepied du ciel;
Grappe, grappe qu'ils ont prise
A la Terre promise
Ta lumière fait sécher
La pomme du péché !
Sabine Sicaud, née le 23 février 1913 à Villeneuve-sur-Lot et morte le 12 juillet 1928 dans la même commune, est une poétesse française.
(Sabine Sicaud, Poèmes d’enfant, Poitiers, Cahiers de France, 1926)
La graine de raisin oubliée
Adieu, paniers! Les vendanges sont faites!
Qu’attends-tu, graine que je sais, doux grain vivant
Qui s’obstine, grain tendre?... C’est le temps!
Comme les castagnettes,
Claquent les feuilles sèches dans le vent.
Sur les coteaux, la vigne a chanté jusqu’au bout
Sur chanson rouge. Et, par toutes les routes,
Les chars s’en sont allés, comme ivres. Toutes,
Toutes les grappes ont saigné toutes leurs gouttes.
Qu’attends-tu, graine défiant l’Automne roux?
À voix basse chante le moût,
À voix haute le vigneron,
À voix lointaine et sans entrain, la grive…
- « Où faut-il maintenant qu’on vive?
Où faut-il? dit la grive. Ô raisins blonds,
Ô raisins noirs, ô raisins bleus! »
- « Clic, clac! – chantent les feuilles sèches –
La campagne couleur pêche,
De miel et de framboise est déjà morte un peu.
Elle sera morte demain pour de longs jours… »
Te voilà cependant jeune et vivante,
Seule au cœur de la treille en loques, dans l’attente
D’on ne sait quoi d’heureux, graine de frais velours!
Graine de saphir moite à reflet de rubis,
Graine mûrie après les autres, retenue
Par une vrille folle entre deux branches nues,
Qu’attends-tu? Vois, le vent déchire les habits
Du somptueux platane. Tu subis,
Tu subiras le vent, tu subiras la pluie,
Le gel… « Qu’importent l’heure enfuie,
L’heure à venir, dis-tu, je vis… »
Et tu veux vivre,
Vivre, même boule de givre,
Même chair molle, avec des rides coulissant
Ta petite figure de négresse?
(Car tu deviendras vieille et noire; je pressens
Déjà ces choses tristes : la vieillesse,
Le ratatinement, l’ennui…) survivre là,
Dehors, parmi l’hiver aux longues plaintes,
Même séchée en raisin de Corinthe,
Même noyée en éponge, cela
Tu le veux donc?... soit. L’homme et l’oiseau l’oublièrent.
Mais ne songes-tu pas à tant de grains, tes frères,
Tes frères dont le sang rouge ou doré s’en va
Par les grands chemins de la terre,
Vers les ports, les villes en feu, les bourgs, là-bas,
Là-bas, en tonneaux lourds ou flacons rares?
Tes frères, que sais-tu de leur vie, au-delà
De ton étroit verger?
Vins brûlants ou mousseux, vins musqués, vins légers,
Vins qui sentent la rose et la mûre, et se parent
Des noms chantants de vieux pays… dis-moi,
Que sais-tu d’eux? - « Rien. Leur destin les mène.
Je vis; je ne suis qu’une graine…
J’attends, où tu me vois,
De tomber toute seule et de germer peut-être.
Le sillon me fera comme un nid, sous le toit
Du vieux cep grelottant, un nid où peut renaître
Une tige sauvage et libre… Je veux être
Encore jeune vigne aux beaux jours qui viendront! »
À pleine voix chante le vigneron,
À voix lointaine et plaintive, la grive…
Jean de La Fontaine, né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry et mort le 13 avril 1695 à Paris, est un poète français de grande renommée, principalement pour ses Fables et dans une moindre mesure pour ses contes. On lui doit également des poèmes divers, des pièces de théâtre et des livrets d'opéra qui confirment son ambition de moraliste.
Le Renard et les Raisins
Certain Renard Gascon, d'autres disent Normand,
Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille
Des Raisins mûrs apparemment,
Et couverts d'une peau vermeille.
Le galand en eût fait volontiers un repas ;
Mais comme il n'y pouvait atteindre :
"Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. "
Fit-il pas mieux que de se plaindre ?
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