Louis-Charles Maurice-Saint-Aguet (1809-1873)
A mes Perce-Neige, 1835
Pauvres fleurs, qui germez au soleil des hivers,
Quand son pâle rayon vient féconder la neige,
Allez. J'ai fait de vous un timide cortège,
Pour m'annoncer au seuil du lyrique univers.
Et j'ai fait un bouquet de vos frêles calices,
Pour les jeter, chétif, dans un monde moqueur ;
Heureux ! s'il peut percer, comme des froids cilices,
La neige de la terre et la neige du cœur !
Heureux! si, dans le bal,par sa pitié séduite,
Une femme aux gants le relève éploré ;
Si quelque jeune fille, au front décoloré,
Sur le linceul des champs, par un chagrin conduite,
Le regarde en passant au jardin défloré !
Allez... Je serai fier, si votre éclat compense
Ce qu'apporte l'hiver de deuil et de silence
Dans les âmes et dans les cieux !
Oh oui ! car j'aurai fait ce qui récompense
Par des mots écrits dans les yeux !
San avenir, hélas ! vous courbez votre tige,
Tremblante et désolée, au-dessus du trépas,
Comme un enfant, la nuit, penché par un vertige
Sur un lac ténébreux qui ne réfléchit pas.
Oh tant mieux ! ...si la femme au coeur futile évite,
Plur son bouquet de bal, votre jeune pâleur !
Tant mieux ! - Si vous saviez comme on se flétrit vite,
Quand on a de leur sein respiré la chaleur ! ...
Mais si vous devinez la tristesse et la grâce
Dans celles qui viendront marquer un frais contour
Avec leurs petits pieds, et laisser une trace
Parmi les neiges d'alentour ;
Oh laissez-vous cueillir, si votre heure est éclose !
De leur âme d'enfant vous avez la couleur ;
Heureuses ! ... restez-y long-temps ! ... c'est quelque chose
de s'y faire une place auprès d'une doule