19 novembre 2022 6 19 /11 /novembre /2022 20:24

 

 

Jean de La Fontaine (1621-1695) poète français 

Les Fables IX

 

Le Singe et le Chat


Bertrand avec Raton, l'un Singe et l'autre Chat,

Commensaux d'un logis, avaient un commun Maître.

D'animaux malfaisants c'était un très bon plat ;

Ils n'y craignaient tous deux aucun, quel qu'il pût être.

Trouvait-on quelque chose au logis de gâté,

L'on ne s'en prenait point aux gens du voisinage.

Bertrand dérobait tout ; Raton de son côté

Etait moins attentif aux souris qu'au fromage.

Un jour au coin du feu nos deux maîtres fripons

Regardaient rôtir des marrons.

Les escroquer était une très bonne affaire :

Nos galants y voyaient double profit à faire,

Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.

Bertrand dit à Raton : Frère, il faut aujourd'hui

Que tu fasses un coup de maître.

Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître

Propre à tirer marrons du feu,

Certes marrons verraient beau jeu.

Aussitôt fait que dit : Raton avec sa patte,

D'une manière délicate,

Ecarte un peu la cendre, et retire les doigts,

Puis les reporte à plusieurs fois ;

Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque.

Et cependant Bertrand les croque.

Une servante vient : adieu mes gens. Raton

N'était pas content, ce dit-on.

Aussi ne le sont pas la plupart de ces Princes

Qui, flattés d'un pareil emploi,

Vont s'échauder en des Provinces

Pour le profit de quelque Roi.

Jean de La Fontaine (1621-1695) - poète français - Le Singe et le Chat
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5 novembre 2022 6 05 /11 /novembre /2022 19:35

 

 

15 Juillet 2017 

Jean-Baptiste Evette (1964) écrivain français auteur de plusieurs romans chez Gallimard et chez Plon ainsi que d'œuvres pour la jeunesse. 

 


Noyer royal


Exposant à nouveau

ces frêles esquifs de mots

aux périls de la navigation

sur la page blanche

 

Je pense forcément

à la coque de noix

et mon ennemi

mon persécuteur intérieur

chuchote : "Poèmes à la noix"

 

Noix gaulées

ou tombées

d’une vieille branche

d’un haut noyer

 

Avant d’avoir franchi la page

risquons nous la  noyade

dans les lagunes du doute

embarqués sur une coque

trop légère

une coquille de noix ?

 

Noix

ouvertes au couteau

au risque de se couper

les doigts

 

Avec une goutte de cire

pour y fixer un mât

d’allumette

muni d’une voile triangulaire

en papier

 

Berceau d’un rêve

minuscule

confié à l’onde

périlleuse

 

Mais ne rêvassez pas

à l’ombre du noyer

dit-on encore en Dauphiné

ou dans le Périgord noir

sous peine d’attraper

froid au corps ou à l’âme

 

Pourtant tout n’est pas froid

dans le noyer

 

L’Évangile des quenouilles

spécifiait en quatorze cent quatre-vingt :

"Si une femme veut

"que son mari ou ami

"l’aime fort

"elle lui doit mettre

"une feuille de noyer

"cueillie la nuit de la Saint-Jean

"tandis qu’on sonne nonne

"en son soulier du pied senestre

"et sans faute il l’aimera

"moult merveilleusement

 

Et Pline l’Ancien

explique l’emploi des noix

lors des mariages

par leur double enveloppe :

fruit bien gardé

symbole de la noce sacrée

 

Taché de brou de noix

saoul de vin de noix

on doute si son ombre

est toxique ou pas

 

D’après les savants,

les racines des noyers diffusent

dans le sol une substance

la juglone qui ralentit la croissance

des autres plantes et parfois les tue

Ainsi la terre est souvent nue

sous le noyer

 

Ce qui me trouble aussi

c’est qu’à une lettre près

dans sa coque, le cerneau

ressemble beaucoup à un cerveau

Jean-Baptiste Evette (1964) - écrivain et auteur français - Noyer royal
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4 novembre 2022 5 04 /11 /novembre /2022 18:29

 

 

Manuela Maria - poète

15/10/2006

 

Noyer

 

Me promenant dans les allées encore verdoyantes

Marchant sur un tapis de feuilles et brindrilles craquantes

Je ramassais les noix qui s'offraient appétissantes

Au pied d'un imposant noyer aux couleurs ravissantes

 

Les fleurs mâles en chatons, en avril naissant

Avec galanterie avant les vertes feuilles venant

Le groupe de femelles ils vont courtisant

Pour donner ce fruit que la pulpe va embrassant

 

Depuis l'antiquité le monde il va charmant

Implacable, de la foudre va nous protégeant

Des noix doucereuses toujours nous régalant

Donnant ce bois robuste des meubles d'antan

Manuela Maria - poète - Noyer
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4 novembre 2022 5 04 /11 /novembre /2022 17:54

 

 

Catheau - Ex Libris - auteur 

24 mars 2010

 

Noyer noyé

 

Sous la robe orbée des paupières bombées de la nuit

Dans l’eau lente du regard et le scaphandre des souvenirs

Flotte l’ombre matinale d’un autrefois déjà lointain

 

Le grand noyer noyé par un après-midi froid de mars

Dans la stridence démente des scies méchantes

Dans le bourdonnement énervé des dures tronçonneuses

Dans la pâle ignorance de ceux qui ne savent plus

Que ses cheveux de racines caressaient le cœur de la terre

Se métamorphosaient mystérieusement en indolents lombrics

Faisaient fortes et noires les fourmis zélées et opiniâtres

Aspiraient l’obscure senteur de l’humus âcre et puissant

Le grand noyer noyé qui ignorait qu’il deviendrait sabots endurants

Qui avait résisté au feu au froid à la folie et à la foudre

Qui m’offrait ses chatons en chenilles sur son écorce grise

Qui pleuvait de bonnes bogues vives et vertes au soleil de septembre

Qui me récompensait d’un en-cas de cerneaux irritants sous la langue

Qui me promettait le râpeux vin de noix après la messe du dimanche

Et le gâteau crissant des colliers de noix beiges fracassées sous le fer

Et l’huile forte et douce des salades plantées au potager d’été

 

Le grand noyer noyé au houppier en épi aux feuillages épais

Qui vit tomber au vent sa frondaison céleste et solitaire

Saignant de son écorce ses fissures écorchées

Où soudain ont coulé les larmes alourdies de sève translucide

 

A sombré doucement dans mon rêve éveillé

Catheau - Ex Libris - auteur - Noyer noyé
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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 18:39

 

 

Nounoute 59 - auteur 

17 Octobre 2008


 

Les noix du Périgord

 

Dans cette belle région du Périgord

Les noix sont un véritable trésor

Avec leurs noiseraies embellissant le décor…

Ces arbres en pleine maturité

Nous apportent tout le long de l’été

Avec leur feuillage d’un vert foncé

Un endroit pour se mettre au frais…

Mais voici l’automne et le temps a changé

Et bientôt les noix vont tomber…

Les pluies de cette saison vont bien aider

A cette multitude de fruits à s’écaler…

Pour le peu que le vent soit de la partie

Très vite, ils formeront sur le sol un tapis…

Il s’ensuit un bel exercice pour les reins,

Le ramassage se faisant avec les mains,

Courbé, à genoux, avec ou sans entrain

Il faut éviter de remettre au lendemain

Car toutes les nuits, la fraîcheur va bon train

Et au petit matin elle a fait grossir le butin…

La récolte sera étalée sur une grille pour sécher

Mise en sac et pendue au grenier…

Enfin, cet hiver je serais récompensé

D’avoir de beaux cerneaux pour confectionner

De jolis gâteaux personnalisés à déguster…

Nounoute 59 - auteur  - Les noix du Périgord
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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 17:56

 

 

Nâzım Hikmet Ran (1901-1963) poète turc, puis citoyen polonais, 

 

 

Le noyer


Je suis tout imprégné de mer et sur ma tête écument les nuées

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer

Un vieux noyer tout émondé, le corps couvert de cicatrices

Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

 

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer

Et tout mon feuillage frémit comme au fond de l'eau le poisson

Et comme des mouchoirs de soie, mes feuilles froissent leurs frissons

Arrache-les, ô mon amour, pour essuyer tes pleurs.

Or mes feuilles, ce sont mes mains, j'ai justement cent mille mains

De cent mille mains je te touche et je touche Istanbul

Mes feuilles ce sont mes yeux, et je regarde émerveillé

De cent mille yeux je te contemple et je contemple Istanbul

Et mes feuilles battent et battent comme cent mille coeurs

 

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer

Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

Nâzım Hikmet Ran (1901-1963) - poète turc, (citoyen polonais) - Le noyer
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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 17:03


 

Charles Trenet (1913-2001) auteur-compositeur-interprète français.

1948



Une noix

 

Une noix

Qu'y a-t-il à l'intérieur d'une noix

Qu'est-ce qu'on y voit,

quand elle est fermée

On y voit la nuit en rond

et les plaines et les monts

Des rivières et des vallons,

on y voit toute une armée

Des soldats bardés de fer

qui joyeux partent pour la guerre

Et fuyant l'orage des bois,

on voit les chevaux du roi,

près d'la rivière


Une noix

Qu'y a-t-il à l'intérieur d'une noix

Qu'est-ce qu'on y voit

Quand elle est fermée

On y voit mille soleils,

tous à tes yeux bleus pareils

On y voit briller la mer

et dans l'espace d'un éclair

Un voilier noir qui chavire

On y voit les écoliers

qui dévorent leurs tabliers,

des abbés à bicyclette,

le 14 Juillet en fête

Et ta robe au vent du soir

On y voit des reposoirs

qui s'apprêtent


Une noix

Qu'y a-t-il à l'intérieur d'une noix

Qu'est-ce qu'on y voit

Quand elle est ouverte...

Quand elle est ouverte,

on n'a pas le temps d'y voir

On la croque et puis bonsoir

On n'a pas le temps d'y voir

On la croque et puis bonsoir

Les découvertes

Ha, une noix

 Charles Trenet (1913-2001) - auteur-compositeur-interprète français - Une noix
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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 16:51

 

Tristan Derème, (de son vrai nom Philippe Huc, 1889-1941) poète français, 


Recueil : Les noix


 

La chouette


Dans un grand noyer habitait une chouette. 

C’est elle qui nous dénonçait à l’oncle Théodore 

quand nous avions mangé des noix. 

Vous ne me croyez pas ?

Je vous supplie d’entendre mon histoire.


On nous avait donc défendu de manger des noix, sinon au dessert ; 

et l’oncle Théodore nous avait dit gravement :

"Si vous désobéissez, je serai prévenu par la chouette, qui est vigilante. 

Elle habite le noyer. Vous ne la voyez pas mais elle vous voit, 

et si vous prenez une seule noix, dès que vous oserez arracher 

cette peau épaisse et verte qui enveloppe la coquille, elle vous lancera 

sur les doigts l’un de ses regards redoutables et je saurai tout."

Nous étions fort interdits.

 

Pendant plusieurs jours, 

nous n’osâmes toucher à ces fruits défendus. 

Mais il nous vint ensuite à l’idée que l’oncle, pour nous effrayer, 

avait sans doute exagéré beaucoup le pouvoir de la chouette.

Au demeurant, cet oiseau devait se soucier assez peu de faire punir

des enfants qu’elle ne connaissait que de vue. Bref, un soir affreux,

mon oncle, à table, considérant mon pouce et mon index :

"La chouette, dit-il, a regardé tes doigts ! 

Le feu de son œil les a noircis. Qu’as-tu fait ?" 

J’avouai en pleurant.


Ne me dites pas que c’est la peau des noix qui a fait de telles taches.

Je le sais maintenant. Je l’ignorais alors.

L’année suivante, sous l’arbre, et redoutant toujours le regard

dangereux, je mis les vieux gants de mon oncle et constatai le soir,

délicieusement, que les yeux de l’oiseau ne perçaient pas le cuir.

Tristan Derème, (Philippe Huc, 1889-1941) - poète français - Recueil : Les noix - La chouette
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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 16:19

 

 

Louis Codet (1876-1914) écrivain français.

 

La noix 


J'ai pelé la petite noix

Dont j'ai cassé la coque blanche

Entre deux pierres,

La curieuse coque de bois.

J'ai pelé la petite noix;

On dirait un jouet d'ivoire,

Un curieux jouet chinois.

L'odeur fraîche et un peu amère

De ces grands bois

M'a parfumé la bouche entière !

J'ai croqué la petite noix,

Ce curieux jouet chinois.

 Louis Codet (1876-1914) - Ecrivain français - La noix 
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2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 22:54

 

 

Maurice Rollinat (1846-1903) poète français 

Recueil : Paysages et paysans (1899).


 

Les trois noyers


Qui les planta là, dans ces flaques,

Au cœur même de ces cloaques ?

Aucun ne le sait, mais on croit

Au surnaturel de l'endroit.

 

Narguant les ans et les tonnerres,

Les trois grands arbres centenaires

Croissent au plus creux du pays,

Aussi redoutés que haïs.

 

À leur groupe un effroi s'attache.

Nul n'oserait brandir sa hache

Contre l'un de ces trois noyers

Qu'on appelle les trois sorciers.

 

Car, si le hasard les rassemble,

Il fait aussi qu'ils se ressemblent :

Ils sont d'aspect énorme et rond,

Jumeaux de la tête et du tronc.

 

Ils ont la même étrange mousse,

Et le même gui monstre y pousse.

Ils sont également tordus,

Bossués, ridés et fendus.

 

Et, de tous points, jusqu'au gris marbre

De leur écorce, les trois arbres

Pour les yeux forment en effet

Un trio sinistre parfait.

 

Par le glacé de leur ombrage

Ils rendent à ce marécage

L'humidité qu'y vont pompant

Leurs grandes racines-serpent.

 

Au-dessus du jonc et de l'aune

Leur feuillage verdâtre et jaune

Tour à tour fixe et clapotant

Est tout le portrait de l'étang.

 

On ne voit que le noir plumage

Du seul corbeau dans leur branchage ;

Et c'est le diable, en tapinois,

Qui, tous les ans, cueille leurs noix.

 

On dit qu'ils ont les facultés,

Les façons de l'humanité,

Qu'ils parlent entre eux, se déplacent,

Qu'ils se rapprochent, s'entrelacent.

 

On ajoute, même, tout bas,

Qu'on les a vus, du même pas,

Cheminer roides, côte à côte,

Dressant au loin leur taille haute.

 

Et l'on prétend que leurs crevasses,

Autant d'âpres gueules vivaces,

Ont fait plus d'un repas hideux

Des pâtres égarés près d'eux.

 

Enfin, tous trois ont leur chouette

Qui, le jour, n'étant pas muette,

Pousse des plaintes de damné

Dès que le ciel s'est charbonné.

 

Et chacune prédit un sort :

L'une clame la maladie,

Une autre annonce l'agonie,

La troisième chante la mort.

 

C'est pourquoi, funeste et sacrée,

L'horreur épaissit désormais

Leur solitude. Pour jamais

On se sauve de leur contrée !

Maurice Rollinat (1846-1903) - poète français - Les trois noyers
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